Gastronomie durable 2 minutes 08 septembre 2020

Pour une gastronomie durable : Thibaut Spiwack

En 2020, le Guide Michelin met en avant les chefs engagés dans une démarche durable. Aujourd'hui, nous publions le témoignage de Thibaut Spiwack, chef du restaurant Anona, à Paris.

Lorsque Thibaut Spiwack ouvre Anona en mai 2019, il sait qu’il va devoir expliquer à ses clients le positionnement de son restaurant, à savoir une cuisine bâtie à partir de produits de saison provenant de circuits courts et de préférence issus d’Île-de-France comme le sont ses farines, ses pousses et ses légumes. Finalement, le temps des explications n’aura pas duré si longtemps : "J’avais le sentiment de devoir me justifier, or quand on y réfléchit, ce n’est pas à moi de le faire. Un confrère qui vend des produits hors saison ou qui réchauffe des plats préparés devrait, lui, avoir à se justifier auprès de ses clients. Moi, non."

Carotte terreuse d'Île-de-France ©Jean-Louis Carli
Carotte terreuse d'Île-de-France ©Jean-Louis Carli

Thibaut comprend surtout que la clientèle a beaucoup évolué au fil des années. Elle est plus réceptive aux engagements écologiques des chefs. Bien sûr, il est parfois tiraillé entre sa volonté de faire plus et les conséquences négatives que cela peut avoir à l’autre bout du monde. Ainsi, quand on lui parle de café ou de chocolat, il sait qu’il devrait ne plus les travailler mais c’est un crève-cœur pour ce grand voyageur d’imaginer qu’une famille quelque part au Brésil ou au Venezuela ne vivra plus de ses récoltes : "Couper les échanges commerciaux sur certains produits, c’est casser une économie locale qui a mis du temps à se mettre en place. Je ne veux pas ou pour le moment, je ne peux pas être de ceux qui participent à ce démantèlement. Ces producteurs ont besoin de nous." Pour le moment, il s’assure à travers ses deux menus Découverte, en 5 ou 7 services, de travailler localement et de participer à la défense des enjeux environnementaux car il en est convaincu, ce devrait être la norme dans la restauration.

Poulpe au chorizo et joue de Nustrale ©Jean-Louis Carli
Poulpe au chorizo et joue de Nustrale ©Jean-Louis Carli

À quand remonte votre engagement écologique ?
Je crois que j’ai toujours été écolo dans l’âme. J’ai grandi à Gif-sur-Yvette et dès mon adolescence, j’ai investi une partie du jardin de la maison familiale pour le transformer en potager. Gif-sur-Yvette, c’est la banlieue parisienne mais en même temps, c’est la campagne et quand on est baigné dans cet univers, on prête plus attention à ce qui nous entoure et la façon de le préserver. Par la suite, j’ai beaucoup voyagé et j’ai eu la chance de revenir sur des lieux visités quelques années auparavant. J’ai pu constater, en Asie et au Brésil notamment, comment des endroits que je croyais paradisiaques, étaient en train de se métamorphoser mais pas dans le bon sens.

©Guilhem Touzery
©Guilhem Touzery

Est-ce que cuisiner responsable coûte cher ?
Non, ce qui coûte cher, c’est le gaspillage. J’ai connu ça dans de grandes maisons. Pour réaliser un bouillon ou un jus, on utilisait plusieurs produits mais on ne conservait que le résultat attendu, on jetait tout le reste. J’ai souvent entendu dans ces brigades cette expression, "l’écologie coûte cher". C’est tout le contraire. Quand on cuisine responsable, on ne jette rien. Les os, les arêtes de poisson, les parures, les épluchures, ça se travaille, ça permet d’apporter des arômes. En somme, en allant chercher tous les parfums dans un produit, de sa racine à son cœur en passant par les épluchures, on peut créer plusieurs plats, bouillons, poudres, fritures.

©Guilhem Touzery
©Guilhem Touzery

Vous n’avez donc que très peu de déchets ?
L’objectif, c’est de les réduire au maximum. Nous sommes liés à une société qui les récupère en voiture électrique pour les transformer en compost. Je paie un forfait mensuel de 150 euros pour la récupération mais si je dépasse 500 kg de déchets, je paie un supplément. L’objectif avec les équipes est donc de ne jamais dépasser ce nombre de kilos pour ne pas avoir à débourser en plus. Pour le moment, on s’y tient et la brigade en salle comme en cuisine est sensibilisée.

Thibaut Spiwack est le chef du restaurant Anona, à Paris.

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