Gastronomie durable 2 minutes 08 décembre 2020

Pour une gastronomie durable : David Goerne

En 2020, le Guide MICHELIN met en avant les chefs engagés dans une gastronomie durable. Aujourd'hui, nous donnons la parole à David Goerne, chef de G.A. au Manoir de Rétival, à Caudebec-en-Caux.

Au moment du confinement, et comme nombre de ses confrères, le chef d’origine allemande David Goerne a opté pour la vente à emporter. Si, au départ, il a naturellement choisi des assiettes en bambou plutôt que du plastique contre lequel il se bat, il a aussi décidé de servir ses plats dans de la vraie vaisselle en proposant à chaque client de la conserver : "Je me suis rendu compte que je dépensais beaucoup d’argent en achat de vaisselle alors que j’avais des stocks de vaisselle ancienne qui a plus de charme. Plutôt que de jeter, j’ai choisi de distribuer gracieusement."

Manoir de Rétival ©Big-Bouffe
Manoir de Rétival ©Big-Bouffe
“Mon potager, c'est aussi un acte social”

Il est ainsi David Goerne : généreux, convivial et très impliqué dans la gestion des déchets. Comme il l’est aussi dans la défense d’une cuisine locavore et respectueuse du bien-être animal. "Aujourd’hui, il faut se poser les bonnes questions. Soit on achète à moindre coût des matières premières dont la production pollue, soit on décide de réduire un peu ses marges en achetant plus cher à des producteurs locaux." Le chef ne transige pas sur la qualité pour ne rien avoir à se reprocher, pas de fruits venus du bout du monde, que des poissons issus de petits bateaux, des œufs de poules élevées en plein air, des volailles entières et des légumes de sa propre production bio lancée en 2016. "Mon potager, c’est aussi un acte social car les personnes qui y travaillent sont en grande précarité. Grâce à cet emploi, ils obtiennent en contrepartie un logement et des repas."

Salade croquante du jardin, œuf, soja ©Tristan Olphe-Galliard/Big-Bouffe
Salade croquante du jardin, œuf, soja ©Tristan Olphe-Galliard/Big-Bouffe

David Goerne travaille en lien étroit avec la ferme sur laquelle se situe la parcelle de 2 000 m2. Ce qu’il ne prend pas n’est pas perdu. La ferme récupère le surplus pour le vendre sur les marchés. Grâce à cette production, il peut quotidiennement réaliser son plat signature proposé dans ses deux menus, la fameuse assiette de légumes qui varie au gré des saisons. Et le chef de conclure : "Cette assiette peut paraître simpliste mais en réalité, le plus simple en cuisine c’est parfois le plus compliqué parce que c’est la nature et le champ qui m’imposent la composition."

Poisson, coques, oursins ©Tristan Olphe-Galliard/Big Bouffe
Poisson, coques, oursins ©Tristan Olphe-Galliard/Big Bouffe

À quel moment avez-vous décidé de mener cette guerre contre le plastique ?
Ma première prise de conscience remonte à l’époque où je voyageais en Asie. Que ce soit au Sri-Lanka ou en Thaïlande, je voyais ces plages jonchées de plastique. C’était effrayant. Je me suis rendu compte ensuite qu’à deux pas de chez moi, dans n’importe quelle enseigne de la distribution, tout est sous plastique. Alors certes, on ne distribue plus de sacs aux caisses et c’est bien mais il faut voir les tonnes de plastique utilisées pour emballer les produits. Et après, j’ai constaté que moi aussi en cuisine, j’utilisais beaucoup trop de boîtes en plastique alors j’ai cherché à changer les choses.

David Goerne en cuisine ©Big Bouffe
David Goerne en cuisine ©Big Bouffe

Qu’avez-vous fait concrètement ?
En 2016, j’ai eu la possibilité de faire pousser mes fruits, mes herbes et mes légumes sur une parcelle de 2 000 m2 à une vingtaine de minutes de chez moi. Lorsque je récoltais, je déposais chaque variété dans du plastique ou dans une boite. J’ai arrêté tout cela et cherché pour le transport d’autres contenants comme les cagettes ou les caisses en bois que je peux constamment réutiliser. Au restaurant, j’ai arrêté les bouteilles d’eau en verre et en plastique. Chaque membre de mon équipe a sa propre bouteille ou gourde et l’eau vient désormais du robinet. La réduction de déchets, sur cette simple question de l’eau, est incroyable.

Huître, épinards, sabayon au champagne gratiné, caviar sturia ©Tristan Olphe-Galliard/Big Bouffe
Huître, épinards, sabayon au champagne gratiné, caviar sturia ©Tristan Olphe-Galliard/Big Bouffe

Quelles sont les autres actions que vous menez ?
Tous les jours, on cherche à être de plus en plus éco-responsable pour rendre la nature plus belle. Cela commence par arrêter de travailler en cuisine des produits qui viennent de loin, faire vivre les fermes voisines en achetant leurs productions locales, réaliser son propre compost que l’on disperse ensuite sur les arbres, les arbustes et les fleurs autour du manoir, mieux trier, essayer de tout utiliser d’un produit avant de le jeter. Ce sont des petits gestes et on a parfois le sentiment d’être un peu seul dans notre combat, surtout quand on regarde les déchets sur les bords de route mais au moins, on a la satisfaction de travailler dans le bon sens pour une planète plus propre.

David Goerne est le chef de G.a. au Manoir de Rétival, à Caudebec-en-Caux.

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