Gastronomie durable 2 minutes 26 avril 2021

Pour une gastronomie durable : César Troisgros

Pour accompagner les chefs dans leur démarche durable, le Guide MICHELIN a créé l'Étoile Verte. Aujourd'hui, nous donnons la parole à César Troisgros (Le Bois sans Feuilles, à Ouches), qui a obtenu la distinction en 2020.

Dans sa vision de la gastronomie durable de demain, César Troisgros, comme le reste de sa famille, est sur tous les fronts. Il a engagé plusieurs chantiers depuis l’installation de la famille Troisgros à Ouches en février 2017 : "Le cadre de vie et de travail à la campagne nous a poussé à revoir ou à repenser notre lien à la nature, notamment en lui rendant ce qu’elle nous a offert." La mise en place d’un compost s’est imposée très vite : "À Roanne, nous étions moins regardants sur la gestion des déchets. Ici, tout a été mis en place pour récupérer les matières organiques." Chaque semaine, ce sont entre 70 et 80 kilos de déchets qui passent au compost dans lequel sont ajoutés, selon la saison, les feuilles des arbres, la tonte des pelouses et le fumier des chevaux. L’ensemble est redistribué aux jardiniers qui enrichissent le sol du jardin et des parterres : "Jamais, nous n’aurions pensé réunir ces deux équipes qui se croisent d'habitude très peu. Les jardiniers se rapprochent des cuisiniers et les cuisiniers se donnent les moyens de leur faire plaisir en triant correctement en amont."

César Troisgros au jardin ©Felix Ledru
César Troisgros au jardin ©Felix Ledru

Ce rapprochement est une fierté, car la symbiose entre ces deux mondes est celle d’une nouvelle génération de cuisiniers plus engagés : "Bien sûr qu’il faut encore leur expliquer certaines choses mais c’est normal car selon les maisons dans lesquelles ils passent, les normes ne sont pas forcément les mêmes." Avantage de la jeunesse, elle capte vite et adhère. Évidemment, il y a ceux qui se passionnent pour cet engagement et ceux qui se contentent de suivre. Les premiers sont les mêmes qui vont demander à suivre les chefs chez les fournisseurs locaux, à se rendre au marché. "Ils sont curieux, ouverts, passionnés et passionnants parce que leur soif d’apprendre est grande. C’est aussi un de nos chantiers, éveiller les consciences et transmettre des valeurs à l’instar de celles transmises par mon père ou mon grand-père." Parmi elles, il y a la connaissance du terroir de plus en plus diversifié dans le pays Roannais, notamment en bio, qui est sur une belle pente ascendante. Mais attention, comme le souligne César Troisgros : "Ce n’est pas parce que c’est local qu’il faut se sentir obligé de le référencer parce que parfois, ce n’est pas bon. À nous d’accompagner ces producteurs, à la hauteur de nos connaissances, pour les tirer vers le haut." Un chantier parmi tant d’autres !

Chapeau de cèpe ©DR
Chapeau de cèpe ©DR

Prônez vous la cuisine de territoire, comme certains chefs de votre génération ?
Oui et non. Oui parce qu’il faut défendre les productions locales, encourager les nouveaux arrivants en leur donnant des conseils, mais encore faut-il délimiter son territoire. En cela, je suis tenté de répondre non. À titre personnel, je ne sais pas le délimiter. Est-ce le Roannais, est-ce la Loire ? La cuisine de territoire crée des inégalités. Un chef installé face à la mer et adossé à une montagne possède son territoire naturel mais nous n’avons pas tous les mêmes ressources. À titre d’exemple, je n’ai pas accès à la mer. Je pourrais donc me tourner vers les poissons d’eau douce mais en l’occurrence, je n’ai pas de pêcheur professionnel sur la Loire ou sur l’Allier donc mon territoire est tronqué.

Mûres mûres ©DR
Mûres mûres ©DR

Vous recentrez cependant vos achats localement. Est-ce une décision familiale ou y a-t-il confrontation entre deux générations ?
Mon père, Michel, était déjà très engagé dans la défense des productions locales. Il ne communiquait pas forcément là-dessus comme ça se fait aujourd’hui. Cependant, le déménagement à Ouches a été l’occasion d’enfoncer le clou. Nous sommes passés de la ville à la campagne, l’aménagement d’un jardin potager et d’herbes aromatiques a été une première décision évidemment suivie par mes parents. Léo, mon frère, et moi ne faisons qu’enfoncer le clou. Nous y allons à notre rythme tant les chantiers sont nombreux mais nous sommes dans une dynamique portée par toute la famille et les équipes.

À LIRE AUSSI : Le quotidien des chefs confinés, Michel Troisgros

Deux générations de Troisgros : de gauche à droite, César, Michel et Léo. ©DR
Deux générations de Troisgros : de gauche à droite, César, Michel et Léo. ©DR

Quels sont vos chantiers prioritaires ?
La guerre contre les plastiques et le polystyrène en est un. Nous listons tout ce qui nous paraît totalement ubuesque en 2021. Cela va des chaussons à l’hôtel qui sont livrés sous plastique aux caisses du poissonnier. Globalement, notre profession sait ce qu’elle ne veut plus mais la chaîne en amont n’est pas concernée. Quand je dis à mon poissonnier que je ne veux plus de livraisons en caisses polystyrène, sa réponse est toujours la même, il n’y peut rien car au-dessus de lui, la chaîne du poisson, de la pêche à la livraison en passant par la criée, personne n’impose un nouveau système. Nous, en fin de chaîne, on veut s’en débarrasser mais ce n'est pas si simple.

César Troisgros et Michel Troisgros sont les chefs du restaurant Troisgros - Le Bois sans Feuilles, à Ouches.


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