Actualités 1 minute 17 avril 2020

Le quotidien des chefs confinés : Patrick Henriroux

Contraints par les ordres de confinement, les chefs, habitués à vivre à toute allure, se retrouvent au chômage technique. Nous leur avons demandé comment ils occupaient leur temps libre. Aujourd'hui, Patrick Henriroux, chef de La Pyramide, à Vienne.

"L'annonce a été brutale ! Le soir, en plein service, on était complet. En plus on venait de rouvrir, on a été fauchés dans notre élan. La première satisfaction, c'est qu'aucun de nos 57 collaborateurs n'a été touché par le virus. A partir de là, tout le monde a fait preuve de pragmatisme, de sang-froid, et aujourd'hui on respecte le confinement à la lettre.

Il a fallu tout de suite organiser l'entreprise, négocier les reports d'emprunts avec les banques, etc. Pour être franc, ça s'est bien passé. On a toujours géré notre entreprise "en bon père de famille", comme on dit, on a toujours fait des investissements réfléchis, notre situation n'est donc pas critique.

“Nous communiquons par Whatsapp avec tous nos collaborateurs. Les idées fusent, on discute à bâtons rompus...”

Nous avons mis en place un réseau Whatsapp avec tous les collaborateurs de l'entreprise, pour faire des apéros à distance. Tout le monde joue le jeu, plongeurs, personnel de service, de cuisine… Je tiens à ces moments de discussion à bâtons rompus, les idées fusent, le sang circule, c'est enthousiasmant. On reste à l'écoute de leurs inquiétudes au sujet du salaire, de l'avenir. En tant que propriétaires, c'est notre rôle. Je tiens à ce climat de confiance.

Au début on s'occupe de la maison… le jardin nous dit merci ! J'en ai profité pour faire l'inventaire de la cave, de A à Z. On a le temps de réfléchir, de s'interroger, on creuse des pistes pour demain. Il est impératif d'inventer l'avenir : je suis convaincu qu'on ne pourra pas repartir à la même vitesse. Je vais même plus loin : la gastronomie de haut niveau va prendre un coup, il va falloir rebattre les cartes. Le choc est violent, la reprise va être progressive, les mentalités seront changées. Ceux qui pensent qu'ils pourront rouvrir avec la même proposition culinaire, dans les mêmes conditions d'accueil, au même prix, se trompent.

“La gastronomie de haut niveau va prendre un coup, il va falloir rebattre les cartes.”

A La Pyramide, on explore toutes les pistes. Baisser les prix du restaurant gastronomique ? Réorienter la cuisine vers plus de simplicité, moins de travail en cuisine ? Pourquoi pas. On devra mieux s'adapter au portefeuille du client, notamment le client "local", puisque nous avons perdu 100% de la clientèle étrangère. Être rassurant, sincère, penser vraie cuisine française, grands classiques revisités. Servir une bonne volaille de Bresse pour quatre, découpée à table, permettre aux clients d'amener leurs propres bouteilles de vin… Toutes les idées sont bonnes à prendre !

Je donne souvent l'exemple de Fernand Point : après-guerre, il servait jusqu'à 100 couverts, avec un menu unique pour tout le monde. L'époque a changé, la gastronomie aussi, mais c'est un bon exemple d'adaptation. Je crois que les clients seront demandeurs de joie, d'authenticité, de confiance, après la période traumatisante qu'ils auront vécue. A nous d'être au rendez-vous. Le monde de la restauration est armé pour faire face. On n'a jamais abandonné la formation des jeunes, on est créatifs, courageux. A toutes les époques, on s'est remis en question. Maintenant, il va falloir y aller en conquérants, le couteau entre les dents."

Patrick Henriroux est le chef de La Pyramide - Patrick Henriroux, à Vienne.

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