Actualités 1 minute 12 mai 2020

Le quotidien des chefs confinés : Julien Roucheteau

Contraints par les ordres de confinement, les chefs se retrouvent au chômage technique. Nous leur avons demandé comment ils occupaient leur temps libre. Aujourd'hui, Julien Roucheteau, chef du Restaurant des Rois, à Beaulieu-sur-Mer.

Je suis arrivé de Paris fin 2019 (J. Roucheteau était l’ancien chef du Lancaster, ndlr) avec toute mon équipe et ce confinement nous a privé de notre ascension dans un hôtel-restaurant totalement rénové par son propriétaire. C’est très dur. Nous avions réouvert fin décembre avec une envie démesurée de réussir et de s’éclater dans un cocon totalement refait ! Fermer nos trois cuisines a représenté un énorme travail. Nous sommes dans une situation totalement incroyable, qui dépasse tout ce qu’on aurait pu prévoir.

Paradoxalement, on s’aperçoit de l’importance du travail de ces gens qui font vivre un pays, des gens qui sont là pour nous, comme les soignants ou les producteurs, les pêcheurs qui continuent à sortir en mer, les éleveurs… Quand j’entends qu’un paysan gagne 800€ par mois, qu’un infirmier travaille jusqu’à 70 heures en enchaînant les gardes, tout en étant payé au SMIC…

C’est grâce à eux qu’on peut manger, qu’on est soigné : est-ce que cette crise va nous faire prendre conscience de leur véritable valeur ? Je pense aussi aux métiers du service dans l’hôtellerie et la restauration : ils déploient des efforts considérables pour le bien-être des clients. Peut-être que tous ces métiers ne sont pas reconnus eux aussi à leur juste valeur.

“Notre génération, celle du "tout, tout de suite", apprend à se contenter de ce qu'elle a”

La maladie est là, certes, avec son cortège de souffrance. Mais cette pause fait aussi un bien fou à la planète. Un collègue a aperçu un requin qui remontait tout Menton. Des cétacés ont été aperçu dans les calanques à Marseille. Mais il faut qu’on aille plus loin dans cette démarche. Je suis parti de Paris parce que j’en avais marre des embouteillages, de cet engorgement permanent, du manque de respect, des incivilités, de cette peur de l’autre… Le télétravail me semble par exemple très important, même si on aura toujours besoin de personnes sur le terrain. Ce serait un moyen de diminuer la pollution, les embouteillages, de désengorger les grandes agglomérations.

On parle beaucoup du retour aux petits producteurs : nous, dans les restaurants étoilés, ça fait longtemps qu’on travaille avec eux. Depuis sept mois que je suis en poste ici, j’arpente les montagnes de Nice à la recherche du producteur qui va me faire mes blettes, mes artichauts, mes fraises. On avait mis en place un réseau de sept producteurs dont les fruits et les légumes nous étaient livrés tous les matins. Même chose avec les Pêcheries de Menton : ce sont eux qui faisaient notre carte. Je songe aussi à un menu tout-légumes si nos producteurs souffraient d’excédents.

Au quotidien, je cuisine un peu, je fais bosser mes adolescents, je me repose et on se protège. Mais, pour tous ceux qui aiment leur boulot comme moi, il y a une impatience à reprendre le travail. Dans cette crise, notre génération, celle du "tout, tout de suite" apprend à se contenter de ce qu'elle a.

Julien Roucheteau est le chef du Restaurant des Rois, à Beaulieu-sur-Mer.

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