Actualités 1 minute 08 avril 2020

Le quotidien des chefs confinés : Jérôme Schilling

Contraints par les ordres de confinement, les chefs, habitués à vivre à toute allure, se retrouvent au chômage technique. Nous leur avons demandé comment ils occupaient leur temps libre. Aujourd’hui, Jérôme Schilling, chef du restaurant Lalique, à Bommes.

"Quel moment étrange nous vivons ! Confinés à l'échelle de la planète. On se doutait qu'à un moment donné on allait être restreints chez nous. Pendant le dernier service je suis passé en salle, comme d'habitude, pour saluer les clients. On s'est dit au revoir… Ensuite, j'ai fermé les portes, puis distribué aux équipes les marchandises fraîches, les bouteilles de vin déjà ouvertes… Maintenant, il faut respecter le confinement, c'est impératif. Nous le devons aux plus fragiles. Je suis asthmatique, donc en ce qui me concerne c'est confinement absolu en famille. Je ne suis pas sorti de chez moi depuis 15 jours.

Le temps semble s'être arrêté : plus de bonjour aux équipes le matin, plus de commandes avec les producteurs, plus d'adrénaline avant le service, plus de coucher de soleil sur les vignes depuis le restaurant... Toutes ces choses me manquent. Le temps semble s'être arrêté. Bien sûr je reste un cuisinier et je pense à la cuisine sans arrêt ! C'est plus qu'un métier, c'est une passion. Même si j'étais malade, j'y penserais sans cesse.

“Pour moi, plus rien ne sera jamais comme avant”

Cette épidémie nous pendait au nez, avec tous nos abus. D'un point de vue écologique, il y a un message très fort, qu'il faut entendre. Personnellement, ça conforte les objectifs que je me suis fixés, sur le retraitement des déchets, la suppression du plastique en cuisine. Nous n'avons plus le choix. Je suis en train de repenser l'organisation du restaurant pour accélérer ces changements. Pour moi, plus rien ne sera comme avant.

En attendant, j'ai appris à vivre avec ma famille, puisqu'en temps normal je passe près de 80% de mon temps à travailler… ça nécessite quelques ajustements ! Je prends aussi beaucoup de nouvelles d'amis, certains à qui je n'avais pas parlé depuis plus d'un an. Profiter de ses proches, profiter du spectacle de la nature, prendre des nouvelles, savoir s'arrêter pour réfléchir ou contempler : voilà des leçons qu'on peut tirer de cette période si particulière.

“Je ne veux pas qu'un jour mes enfants me disent : votre génération n'a rien fait...”

Ce temps de repos intellectuel doit aussi nous permettre, restaurateurs, producteurs, distributeurs, de réfléchir à nos modes de fonctionnement, de trouver des nouvelles synergies. Il faut lutter contre le réchauffement climatique, il faut protéger nos écosystèmes, revenir à une alimentation locale, de qualité, qui fait vivre décemment les producteurs. Je ne veux pas qu'un jour mes enfants me disent : il y a eu des crises à répétition, des alertes pour le climat, des épidémies, et votre génération n'a rien fait… Nos bêtises nous ont amené là. Tout s'accélère à une vitesse dingue. Nous vivons des moments historiques, à nous de savoir ce que nous allons en faire. En faire trop ne coûte rien ; ne pas en faire assez serait catastrophique."

Jérôme Schilling est le chef de Lalique, à Bommes (33).

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