« Fezi » ou « c’est moi qui l’ai fait ». Un nom comme une promesse, tenue chaque jour par Cédric Bruneau et son équipe de passionnés. Depuis son ouverture en mars 2020, le restaurant s’est taillé une place à Rennes en mettant en avant le circuit court, la fraîcheur immédiate et le lien direct avec les producteurs. Les menus changent chaque semaine, s’inspirant du potager, des marchés et des saisons. Résultat : une cuisine vivante et ultra-locale (poulpe grillé aux haricots coco, ravioles de cochon parfumées de pruneau fumé…), qui conjugue convivialité et éthique de travail, le tout pour rapport qualité-prix imbattable — un esprit récompensé par l’obtention d’un Bib Gourmand. Rencontre avec Cédric, le chef-propriétaire qui est passé des bancs de la faculté de pharmacie... Aux fourneaux !

Quelle est l'idée à l'origine de Fezi ?
L’idée c’était d’avoir un endroit convivial. Aller au bout des choses sur une idée de cuisine hyper locale, en circuit court, une certaine éthique de travail avec les équipes. C’était ma priorité en ouvrant.
On est un peu en dehors du centre-ville de Rennes, j'avais cette envie d'être dans un quartier différent, et surtout de connaître les gens, créer du lien, et ça dès l'ouverture. Aujourd'hui, on a une clientèle de fidèles, mais lorsque nous avons ouvert, en mars 2020, nous étions en toute fin de crise du covid. Le confinement était sur sa fin, les ouvertures étaient échelonnées, d'abord les terrasses puis les jauges en intérieur, etc...
Le nom « Fezi », c'est du gallo, soit la langue apparentée au breton du bassin rennais et ça veut dire « fait maison ». On ne pouvait pas trouver mieux !
Vous êtes passé de la pharmacie à la cuisine, c'est plutôt original...
Oui et non, aujourd'hui il y a de plus en plus de reconversions. D'ailleurs, dans l'équipe, depuis l’ouverture j’ai une majorité de personnes reconverties. Il y a 10 ans j’étais un profil atypique mais plus aujourd’hui.
J’étais dans une impasse, comme beaucoup, on ne se reconnaît pas forcément dans l’orientation qu’on a pu prendre à un moment donné. Mes envies avaient changé : je voulais un métier manuel, qui soit prenant tous les jours, où on puisse apprendre tous les jours et même continuer d’apprendre après 10 ans d'activité. Cuisiner, c’est aussi un métier où on est toujours sur le feu, chaque service est différent, l’adrénaline me plaisait. J’ai toujours aimé bien manger, la nourriture, les produits, faire les marchés… En plus on est une région avec un gros ancrage sur les marchés ! À Rennes, on a un marché minimum par jour dans un quartier différent. Ça a fait ma culture, comme ces souvenirs du potager de mes grands-parents. C’est vraiment les produits qui m’ont attiré presque plus que la cuisine en elle-même.
J'ai pris la décision de me reconvertir au milieu de mes études de pharmacie. En cuisine, j'ai travaillé à Limoges, Lille, Rennes, dans des bistrots, des restaurants associatifs ou même des étoilés, comme la Table de l'hôtel Clarance à Lille par exemple, ou Holen à Rennes (NDLR : restaurant une-Étoile MICHELIN qui a fermé en mars 2025). Fezi c'est mon premier restaurant en tant que chef-propriétaire, et d'ailleurs, début 2026 on va déménager dans les locaux de l'ex-Holen, la boucle est bouclée !
Quel est le plat le plus emblématique de votre cuisine ?
Au-delà d'un plat, c'est plus des éléments que j'aime particulièrement travailler : les terre/mer avec des coquillages, les textures, les acidités... Je pense par exemple à une assiette autour de la betterave, des coques et du Gwell par exemple (NDLR : une spécialité laitière fermentée du Finistère). Nos menus changent toutes les semaines, on les garde très peu de temps, et on essaye de ne jamais refaire les mêmes plats.
Par exemple, en ce moment on propose le poulpe grillé avec haricots coco, tomates cerises et crème de laitue ou la raviole de cochon avec aubergine laquée, condiment pruneau fumé et bouillon de homard.

Comment décririez-vous votre approche des produits et de la cuisine ?
Avant toute chose, j'avais envie de travailler avec des gens dans une relation privilégiée : avec les producteurs qui sont en direct avec nous, les maraîchers sur les marchés... Qu'ils passent au restaurant ou qu'on vienne à leur rencontre, je ne voyais pas la cuisine autrement que comme ça. Ce lien direct avec la fraîcheur, les produits… Les produits sont cueillis le matin-même ou la veille au soir, et nos menus sont construits de façon éphémère autour d'eux.
Ma cuisine est centrée sur le produit, sur le goût, sur les associations de textures, d’acidité aussi. L’amour des terre/mer, en étant raisonnables sur l'utilisation des protéines animales. Notre cuisine est simple et ludique, on essaye de produire des plats avec des jeux de textures ou de contrepoints de goûts. Le relief dans les assiettes, la superposition de saveurs complémentaires dans des acidités, des côtés gras ou plus lactiques... J'adore travailler autour de ces notions !
Je ne veux pas proposer une cuisine hyper technique et compliquée, ce que je veux, c'est qu'on mette en avant le produit dans sa fraîcheur et son identité. Je considère notre façon de faire comme éthique : chacun ici a la place qu'il mérite, que ce soit Holisoa qui est en cuisine avec moi depuis 3 ans, ou Théo notre sommelier qui vient de nous rejoindre. Je mets en oeuvre des conditions de travail pour rendre notre équipe la plus soudée possible, et surtout, contente d'être ici. L'éthique vient aussi de cet amour de l’ultra local dans les produits qu’on travaille et la façon dont ils sont produits : des producteurs qui ont des élevages vertueux notamment sur le cochon, des élevages en plein air ou sur paille, du maraîchage en bio ou en raisonné.

Quelle est la fourchette de prix à laquelle les clients peuvent s'attendre ?
Nous c’est assez simple : le midi la formule complète est à 23 €, et le soir à 43 € avec amuse-bouche et pré-dessert. Avec les boissons on est à une trentaine d’euros et le soir on s'approche des 60 €. Au niveau des boissons, on essaye d’avoir des vins propres et bien faits, qui font plaisir : natures, biodynamiques ou bio.
Quel est le meilleur moment pour venir manger chez vous ?
On fait bon en toute saison (rires) ! En tout cas, on fait tout pour.
Comment avez-vous conçu un menu qui soit à la fois intéressant et d'un bon rapport qualité-prix ?
Paradoxalement à ce qu'on pourrait penser, faire du local comme on le fait ici, avec nos producteurs qui ont un accès simple à des produits, permet d'éviter les intermédiaires et de mieux rémunérer les producteurs, sans pour autant avoir un coût plus élevé. Par exemple, le peu de fois où je vais en supermarché, oui, je trouve que tout est cher… En travaillant comme on le fait, nous avons accès à de superbes produits à des tarifs qu’on ne pourrait pas avoir sur de l’approvisionnement standard.Notre modèle économique repose sur la valorisation totale des produits, pour baisser nos coûts matière. Par exemple, pour la viande, nous travaillons des bêtes entières, jusqu'aux abats. On procède de la même manière pour les végétaux, on les exploite au maximum jusqu'aux épluchures. C’est comme ça que l'on peut proposer de tels tarifs.

Comment faites-vous pour maintenir votre niveau d'exigence face à l'augmentation du coût des ingrédients ?
L’inflation on la ressent, sur les énergies en premier lieu, les augmentations ont été très fortes ces dernières années. Et puis sur les produits de base, le vin… On est obligés de le répercuter au moins en partie, pour faire perdurer nos modèles économiques. Comme on était très très abordables au début on a pu se le permettre aussi (à l’ouverture la formule midi était à 20 €), et juste 3 € de plus ça nous permet d’avoir un modèle économique stable. Les gens vont de moins en moins au restaurant car ça coûte plus cher, et en même temps, ça nous paraît logique que notre maraîcher puisse vivre décemment de son travail.L'important c'est de voir comment nous on peut trouver cet équilibre, et ça passe sur cette philosophie de valorisation de produits, pour maîtriser les coûts.
Quelles sont vos initiatives anti gaspi au restaurant ?
Le choix des producteurs est primordial pour nous. Déjà, on ne veut faire que des circuits-courts en direct, mais on ne travaille qu'avec des producteurs qui partagent ces valeurs et nous permettent de suivre la saison à la semaine près, en bio ou en agriculture raisonnée. Ça nous permet d’avoir des produits au meilleur de la saison et au meilleur prix et de mon côté, je construis les menus en fonction de ce qu'ils me proposent.
Ensuite, on utilise ces produits au maximum, pour les végétaux, on utilise les parures pour des vinaigres, des macérations, des poudres en déshydratation... Les épluchures deviennent des bouillons, et celles de fruits sont incorporées dans les desserts. On a aussi un compost.
Pour les protéines animales, on les utilise de manière raisonnable, pour les viandes on travaille sur des carcasses entières, et les pêcheurs qui travaillent avec nous sont responsables, et nous fournissent en poissons de lignes, on n'est pas sur de gros chaluts.
Je conçois aussi des menus uniques, qui nous permettent de produire des quantités justes, ni plus ni moins, et ça nous permet d'éviter le gaspillage alimentaire.
