Restaurants 2 minutes 07 août 2020

"Chacun a son propre palais, ses propres envies, ses propres souvenirs"

Albert Malongo Ngimbi est le tout premier sommelier à avoir reçu l'award Sommellerie du Guide Michelin, en 2019. Il expose sa vision de ce métier, qu'il exerce aujourd'hui au Plaza Athénée (Paris), et donne quelques conseils aux néophytes pour choisir le vin au restaurant.

Au restaurant, le choix du vin peut être un moment intimidant. Quels conseils pouvez-vous donner aux clients pour faire un choix éclairé ?
Dans les restaurants gastronomiques, comme dans les très belles brasseries, le choix du vin occupe une place primordiale dans le bon déroulement du repas, déjeuner ou dîner. Pour autant, tout le monde n'a pas de sensibilité particulière au vin, ni de connaissances techniques. C'est là que le rôle du sommelier est primordial. Si la figure du sommelier peut être intimidante au premier abord, son rôle n'est pas d'impressionner, mais de guider le client dans la bonne direction. Pour cela, il a besoin d'informations. Exprimez votre demande simplement : la quantité (un verre ou plusieurs, une bouteille ou plusieurs), ce que vous aimez en quelques mots simples : léger, puissant, soyeux, onctueux, sucré ou non, et si vous vous y connaissez un peu plus, vin sur le fruit, les épices, les fleurs, la minéralité, l'évolution… Donnez au sommelier un maximum d'informations pour qu'il puisse vous satisfaire."

Rouge, blanc, rosé, pétillant ou pas, quelles sont les grandes lignes ?
Je pense qu’il est important d’évoluer graduellement, du vin le plus léger au plus puissant. On suggère en général aux clients de démarrer par un vin effervescent (champagne, crémant ou autre) qui éveillera le palais et mettra en appétit. On peut aussi commencer avec un vin blanc sec minéral et épuré. Pour la conclusion du repas, un vin doux et moelleux sera préférable pour apporter la touche de gourmandise finale. Mais il faut toujours partir du principe que chacune et chacun a son propre palais, ses propres goûts, ses propres souvenirs et ses propres envies. Pour nous, sommeliers, il y a un écueil à éviter à tout prix : que le convive regrette le vin précédent...

©M. Volk/Michelin
©M. Volk/Michelin

Le prix est-il toujours la garantie d’être satisfait ?
Autant être clair : dans le vin, le prix est souvent un gage de qualité. Mais ce n'est pas une science exacte, et c'est tout le travail du sommelier d'aller dénicher des producteurs méconnus et de trouver des rapports prix-plaisir intéressants. Nous devons absolument comprendre leurs terroirs, leurs philosophie, nous devons goûter et re-goûter pour pouvoir transmettre à nos clients de manière simple et avec émotion l’histoire que le vigneron a voulu enfermer dans ses flacons. Un vin bon marché, dégusté dans un verre adapté, avec un bon plat et un sommelier passionné qui peut raconter son histoire : cela peut devenir un moment magique. Comme quoi, le prix ne fait pas tout.

Différents vins tout au long du repas, ou un seul vin pour tout ?
Là encore, chacun ses goûts : certains préfèrent changer de vin plusieurs fois, d'autres conserver le même tout au long du repas. En tant que sommelier, j'adore suggérer des accords mets-vins au fil du repas, en quantité raisonnable. Cela permet d'entretenir avec le convive une relation continue, particulière, créer une sorte de "bulle viticole" autour de la table pendant quelques minutes avant l'arrivée de chaque plat.

La salle du Plaza Athénée. ©Pierre Monetta/Alain Ducasse au Plaza Athénée
La salle du Plaza Athénée. ©Pierre Monetta/Alain Ducasse au Plaza Athénée

Qui goûte le vin ? Comment goûter quand on est novice ?
Tout d'abord, il faut savoir que le sommelier aura obligatoirement goûté le vin avant de vous servir, afin de déceler une anomalie (défauts divers, vin bouchonné, mauvaise température…). Quand vous choisissez une bouteille sur la carte, en général la personne qui choisit le vin est aussi celle qui goûte. Si on est novice, il faut se fier à son ressenti durant quelques secondes, et suivre les trois étapes de la dégustation : observer, sentir, goûter. Prendre son temps. Se faire confiance. Et se rappeler que le vin se mâche : il ne faut pas hésiter à le remuer, le mâcher en se concentrant, pour laisser travailler les capteurs du palais.

Selon vous, comment reconnaît-on un bon sommelier, en qui on peut avoir confiance ?
Une chose est sûre, ce n'est pas l'apparence du sommelier qui compte, mais son intelligence et sa capacité à communiquer ses connaissances. Pour moi, un bon sommelier conjugue ces qualités : une passion débordante, la proximité avec le terroir et les vignerons (jusqu'à les connaître par leur prénom), et la capacité à créer une relation de confiance avec les convives, à les faire voyager. La cuisine et le vin racontent une histoire. Au sein du Plaza Athénée, les chefs Alain Ducasse et Romain Meder travaillent autour de la "naturalité", en se basant sur un tryptique poissons, légumes, céréales, avec moins de gras et moins de sel. Côté dessert, Jessica Prealpato réalise des pâtisseries avec moins de sucre. Cette partition nécessite des vins adaptés, contenant moins de sulfites. La sommellerie est un art proche de l'art culinaire. Les deux doivent fonctionner ensemble pour que les gourmets gardent un merveilleux souvenir de leur passage. Nous sommes des marchands de bonheur !

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