Une cheffe issue d’une famille de cuisiniers
Atsumi Saito travaille à Tsuru to Kame depuis l’ouverture du restaurant et est nommée à la tête des cuisines en 2022. Aînée d’une fratrie de cinq enfants et fille de chef dans un établissement appartenant au même groupe, Saito est naturellement influencée par son père et décide dès 6 ans d’embrasser cette carrière. Attachée à son rêve, elle fait ses débuts dans le monde culinaire avec le souhait de travailler un jour à ses côtés. La frustration la gagne rapidement quand elle constate que les tâches importantes sont confiées aux hommes tandis qu’elle doit se contenter de corvées subalternes.
« Mes supérieurs considéraient probablement que leurs employées étaient émotives et ils ne savaient pas comment les diriger, suppose-t-elle. J’ai remarqué, en gérant une équipe entièrement féminine, qu’il est plus facile de s’occuper d’un personnel jeune. Les relations ont tendance à devenir des amitiés plutôt que de rester cantonnées à des hiérarchies strictes comme celles qui prévalent dans les équipes où les hommes sont majoritaires. »
Une saisonnalité mise en avant par des haïkus et des tankas
Le restaurant sert deux types de plats « omakase » (menue carte blanche) qui intègrent des ingrédients de saison. Le « hassun » (ensemble de hors-d’œuvre) est souvent assorti d’un morceau de washi (papier japonais traditionnel) sur lequel la cheffe a inscrit un haïku ou un tanka avec un pinceau de calligraphie.
Ces poèmes traditionnels, créés par chaque membre du personnel, varient selon les convives et permettent de présenter les plats et d’amorcer les conversations. Cette pratique rend le personnel plus sensible aux saisons et l’aide à échanger avec les clients. « Des produits comme le poisson shirauo et le calmar luciole sont des produits de saison importants pour ces poèmes, explique Saito. Cela me donne conscience de ce que la cuisine est étroitement liée aux saisons. Ce que j’espère, c’est que les clients ressentent une connexion avec la nature par le biais de ces poèmes. »
Passage de flamme
Pour Atsumi Saito, il relève de son rôle de cheffe d’encourager la curiosité et le désir d’apprentissage parmi les membres de son équipe. Pour ce faire, elle organise juste après la préparation du service matinal des ateliers sur la cérémonie du thé, la calligraphie, le haïku (court poème traditionnel), le tanka (poèmes traditionnels un peu plus longs), des lectures du Kojiki (recueil de mythes), un chœur et des cours d’anglais. À ses yeux, ce qui compte, c’est de comprendre que la cuisine japonaise a toute sa place dans la culture et les arts libéraux. « Nous voulons que les convives ressentent les 24 microsaisons, une tradition de la cuisine japonaise », explique-t-elle.
« Toute l’équipe a une vingtaine d’années et chacune des employées rêve d’ouvrir son propre restaurant », raconte la cheffe. Elle est convaincue que Tsuru to Kame aidera la jeune génération à réaliser ses rêves sous les bons augures de la grue et la tortue, ces deux symboles de longévité. Fondamentalement, Saito et son équipe ont l’ambition de transmettre la tradition de la cuisine japonaise aux générations futures pour qu’elle perdure mille ans... Voire 10 000 ans et plus.