Voyage 4 minutes 08 avril 2024

La folle histoire des Bains Paris : du night club sulfureux à l’hôtel branché

L’hôtel Les Bains Paris (une Clef MICHELIN) présente une histoire atypique, qui s'étend sur trois siècles. Le saviez-vous ? Avant de devenir l’un des hôtels les plus branchés de la capitale, l’ex-spa préféré de Proust fut aussi la boîte de nuit favorite de David Bowie ou Mick Jagger. Rock the casbah !

Paris by Le Guide MICHELIN

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En 2024, le Guide MICHELIN présente le palmarès des Clefs MICHELIN - une toute nouvelle distinction, attribuée par l'équipe de sélection du Guide MICHELIN. Les Clefs MICHELIN récompensent les établissements de la sélection hôtelière du Guide qui proposent les expériences de séjour les plus remarquables. Rendez-vous ici pour tout savoir sur cette nouvelle distinction.
C’est le cas des Bains Paris, récemment auréolé d’une Clef MICHELIN. L’occasion de revenir sur l’incroyable passé de cet hôtel design.

Marcel Proust, Jack Nicholson, Saint-Laurent… Depuis la fin des années 1800, le légendaire hôtel Les Bains a vu défiler à la fois le tout Paris et la crème de la crème d’Hollywood.

Son propriétaire actuel, le producteur et réalisateur français Jean-Pierre Marois, a lui-même assidument fréquenté les lieux. Il a quinze ans lorsqu’il assiste à l’inauguration des Bains, en 1978. Sans savoir que 37 ans plus tard, en 2015, par un curieux coup du destin, il transformera le night-club de son adolescence en hôtel, restaurant, spa et bar… En conservant le mythique dance-floor au sous-sol !

François Auguste Guerbois / L'entrée de l'hôtel Les Bains Paris
François Auguste Guerbois / L'entrée de l'hôtel Les Bains Paris

1885 : les Bains Guerbois, les thermes de Proust et Monet !

L'aventure commence à la fin du XIXème siècle. L’homme d’affaires François-Auguste Guerbois inaugure le Café Guerbois, célèbre lieu de rencontre des premiers impressionnistes, sur l’actuelle avenue de Clichy, dans le 17ème arrondissement de Paris. Imaginez Zola, Degas, Renoir, Sisley et Cézanne, réunis autour de Monet sur la terrasse pour un café littéraire.

Puis avec son fils Alain, François-Auguste se lance dans un nouveau projet : créer rien de moins que le plus beau spa de la capitale. Ensemble, ils fondent en 1885 les Bains Guerbois, au cœur du 3ème arrondissement de la capitale, dans le quartier du Marais. Et font appel à l'architecte Eugène Ewald pour ériger une somptueuse bâtisse en pierre, destinée à accueillir les bains chauds. Le succès est immédiat : Les Bains Guerbois deviennent un haut lieu de la vie parisienne, dont les habitués ne sont autres que Proust, le brillant groupe des Batignolles et tout le gratin de la Belle Époque.

Nager, danser et faire la fête : Grace Jones et Jean-Paul Goude aux Bains Douches
Nager, danser et faire la fête : Grace Jones et Jean-Paul Goude aux Bains Douches

1978 : Les Bains Douches, salle de concert et Club sulfureux

Dans les années 1970, le père de Jean-Pierre Marois rachète l'immeuble à la famille Guerbois et le met en location. L’espace désuet est transformé en une salle de concert doublée d'un restaurant et d'une boîte de nuit. Les Bains Douches deviennent alors une sorte de version française du célèbre Studio 54 New Yorkais.

Une révolution dans la vie nocturne parisienne : « La musique, le punk en particulier, a été la première porte d'entrée vers ce monde plus branché », explique Jean-Pierre Marois. « Ce que proposaient Les Bains, c'était plus mordant, plus sulfureux, plus radical que tout ce que j'avais connu. Ça m'a appris une ou deux trucs », se souvient-il en riant.

Linda Evangelista et Karl Lagerfeld aux Bains Douches
Linda Evangelista et Karl Lagerfeld aux Bains Douches

Entre un concert privé de Prince et un dîner avec le manager des Sex Pistols, Jean-Pierre Marois rencontre tous ses idoles en chair et en os : les Rolling Stones, Joy Division, Jack Nicholson… Pendant ce temps, des célébrités issues du monde de la mode se retrouvent pour dîner, tandis que d'autres se meuvent sur la piste de danse en damier signée Philippe Starck.

Au fil des ans, le lieu attire un grand nombre de stars : Jean-Paul Gaultier, Catherine Deneuve, Robert De Niro, Sean Penn, Johnny Depp, Kate Moss, Karl Lagerfeld, et bien d'autres encore… « L'endroit était à la fois très sélect et voué à la diversité. C'était très éclectique. La videuse, Marie-Line, sélectionnait la clientèle comme un peintre sa palette ».

Avant la rénovation (Photo: Jérôme Coton)
Avant la rénovation (Photo: Jérôme Coton)

Début 2000 : Les Bains Paris, l’hôtel branché du Marais

Las, au début des années 2000, fini l’âge d’or ! Le club entame un sérieux déclin. La structure même du bâtiment est menacée, entraînant la fermeture de l’établissement. Jean-Pierre Marois prend la relève pour sauver ce lieu unique qui appartient à sa famille depuis des décennies.

Déjà à la tête de l'hôtel Gabriel dans le 11ème arrondissement, ce businessman doublé d’un esthète n'est pas tout à fait novice dans le monde de l'hôtellerie. Il s'attache à transformer Les Bains Douches en Les Bains Paris — l'hôtel de luxe bohème, chic et insolite qu’on connaît aujourd'hui.

Les Bains, avec tout leur passé, étaient « vraiment une institution du XXème siècle », explique-t-il. « Le défi consistait à les faire entrer dans le XXIe siècle. Sans déshonorer sa nature pionnière, sans le transformer en pièce de musée ou en le rendant trop conventionnel ». Jean-Pierre lance alors un concours d'architecture pour remodeler la propriété, optant finalement pour la proposition la plus audacieuse . « J'ai réalisé à ce moment-là que l'endroit avait vraiment besoin d'une métamorphose. Et ce n'est qu'en toute liberté que nous pouvions le réinventer. » confie t-il.

Le restaurant Roxo et Le Salon Chinois, un boudoir cossu pour les clients de l'hôtel
Le restaurant Roxo et Le Salon Chinois, un boudoir cossu pour les clients de l'hôtel

Comme il le ferait pour un film, le producteur commence son projet en s'entourant de talents de premier plan. L’architecte Vincent Bastie, avec à son actif quelque 80 rénovations d'hôtels parisiens. Mais aussi les décorateurs d’intérieur Tristan Auer (Le Crillon, Hôtel du Louvre) et Denis Montel. Tandis qu’Alexander Kella, du Château Marmont, travaille sur l'image de marque. Sans oublier un illustre fleuriste japonais et le chef Bruno Grossi. Ensemble, ils donnent à l'hôtel une histoire à raconter, qui incite les voyageurs à revenir encore et encore.

Si le hall et le salon chinois d'origine sont préservés, les autres espaces sont complètement revus, chacun offrant une identité et une expérience uniques. Les chambres et les suites, lumineuses et spacieuses, offrent une atmosphère totalement différente. A la fois ravivées et réduites à l'essentiel, leur style s’inspire des années 1950.

De son côté, le restaurant Roxo, audacieux et spectaculaire, est à mi-chemin entre un salon typique des Années folles et un vortex futuriste. Sous le remarquable plafond sculpté, le chef brésilien Bruno Grossi préside une carte éclectique. On trouve au bar adjacent une scène sociale animée et les créations d’un des meilleurs mixologues de France.

La boîte de nuit et la piscine, et le festival Les Bains.
La boîte de nuit et la piscine, et le festival Les Bains.

Si l'époque des Bains Guerbois ou des Bains Douches semble lointaine, on y retrouve de nombreux clins d’œil : la mémorable piste de danse de Starck accueille désormais le restaurant ; les chambres sont équipées de hammams qui évoquent les origines des Bains… Et de l'autre côté de la rue, une boutique hybride appelée Les Bains Guerbois vend une collection de produits de soins corporels et de parfums. De son côté, l'ancien réservoir des thermes (une tour de 15 mètres de haut) abrite désormais une salle à manger privée qui rappelle le romantisme du XIXe siècle des anciens Bains. Il s’agit de l’un des coins préférés du propriétaire, qu’il qualifie de « havre à la Jules Vernes ».

Le cœur festif du lieu demeure également inchangé : quatre à cinq concerts sont organisés chaque semaine. Un festival de musique, ainsi que des expositions et des événements réguliers ravivent la flamme de son héritage artistique et son illustre clientèle. C'est un lieu pour les gens « qui veulent vivifier leurs sens », résume Jean-Pierre Marois. Et avec son histoire étalée sur pas moins de siècles, il est peut-être aussi fait pour les nostalgiques du bon vieux temps.


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Image d'illustration : Les Bains — Paris, France

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