Nous avons tous ces plats de prédilections, tels des refuges, vers lesquels on se dirige pour avoir cette sensation de réconfort. Une météo maussade, une journée fatigante, un moral en berne, ou bien simplement une envie de se faire plaisir, ce sont tout autant de raisons qui, d’instinct, vont nous faire nous diriger vers un plat salvateur. Mais pas n’importe lequel ! Un plat spécial, pas forcément compliqué, mais qui va nous nourrir, nous réchauffer, tout en faisant vibrer en nous une corde aussi intime qu’universelle.
Toute l’année, les Inspecteurs du Guide sont sur le terrain, à la recherche de ces pépites gastronomiques, chacune unique en leur genre, qui constituent nos sélections. Ces explorateurs épicuriens sont internationaux, riches de parcours professionnels et cultures culinaires singuliers, ce qui leur permet d’appréhender avec expertise et curiosité les cuisines du monde entier. Si on les imagine bien habitués des restaurants Etoilés et autres tables sophistiquées, ce sont surtout des gourmets et gourmands tout-terrain ! Capables de juger la technicité d’une assiette, ou de délivrer un vrai regard profond sur le secteur et ses évolutions, les Inspecteurs sont, avant tout, dotés d’une grande sensibilité et accordent ainsi beaucoup d’importance à la personnalité et « l’âme » d’un plat.
Ces dernières semaines, nous avons échangé avec certaines et certains d’entre eux, afin de connaître leur rapport à la comfort food et leurs plats réconfortants favoris ! Entre souvenirs d’enfance, textures marquantes et saveurs chaleureuses, ils nous ont partagé ces plats si spéciaux et chers à leur cœur, et se sont même livrés à quelques confidences exclusives...

La madeleine de Proust : le réconfort assuré !
Dans la comfort food les souvenirs tiennent une place importante, car les réminiscences d’odeurs ou de goûts peuvent être les chemins privilégiés vers la mémoire, permettant ainsi de revivre des moments tendres et nostalgiques. En une bouchée, on peut retrouver un cocon familier et rassurant, voire même revivre une part de son enfance…
« Pour moi, sans aucun doute ce serait le cocido (NDLR : ragoût espagnol mêlant viandes et légumes). Pourquoi ? Parce que cela me ramène à mon enfance, les lundis à la maison, quand je rentrais du collège, et déjà dans les escaliers je sentais son parfum. Ce cocido maison, préparé par ma mère, avait mijoté lentement sur le feu toute la matinée. On le dégustait en trois services : la soupe (avec des olives et des piments marinés), puis les pois-chiches et les légumes et enfin les viandes (jarret, poulet, chorizo, échine, pointe de jambon…). Nous savourions toujours ce plat en famille et ma sœur et moi nous disputions pour savoir qui aurait l’os de l’échine ! Le cocido me ramène à des souvenirs heureux de mon enfance. »
« Le repas qui touche mon cœur est un classique : du riz, de la soupe miso, des pickles et du poisson grillé. Avec une omelette roulée en accompagnement, c'est parfait. Depuis l’enfance, c’est ce plat qui m’est le plus réconfortant. Comme ma mère travaillait beaucoup, j'ai souvent eu l'occasion de manger les repas préparés par ma grand-mère. Manger ces aliments ravive de chaleureux souvenirs du temps passé avec elle. »
« Quelque chose dont je me souviens, et que j’aime beaucoup, c’est le riz au lait, crémeux, que les fiancées des villages préparaient et offraient comme invitation à leur mariage ! Et aussi ce pain, le Broa de Milho (NDLR : pain mêlant farine de mais, de seigle et de blé), que ma grand-mère préparait le week-end, après avoir travaillé les terres toute la semaine, cuit dans un four à bois et dégusté tout chaud avec du beurre. Elle en faisait un pour chacun de ses enfants, mais j’en avais aussi un juste pour moi… J’étais son petit-fils préféré ! »
« Les pancakes, réconfortants, et nostalgiques ! Parfois un Inspecteur n’a rien besoin d’autre qu’une belle pile de pancakes, qu’ils viennent du restaurant du coin ou faits maison le week-end pour un brunch. N’hésitez pas à les faire avec du levain pour qu’ils soient encore plus légers et goûteux ! »


« Pour moi ce serait un plat de ma mère, source de nombreuses compétitions entre familles et amis : la tortilla de pommes de terre ! Elle est objet de débats : oignons ? Baveuse ? Bien cuite ? Chez nous, les pommes de terre venaient du jardin, les œufs, de poules heureuses, mais la tortilla était préparée sans oignon, car à l'époque, je n'aimais pas du tout ça (mais cela a bien changé par la suite !). Les pommes de terre étaient bien frites, avant d'être imbibées d’une généreuse portion d'œufs. Des morceaux de lard étaient frits dans la poêle jusqu'à ce qu'ils soient légèrement croustillants, sans pour autant faire sécher cette graisse si saine, pleine de cholestérol, avant d'ajouter la préparation. Chez nous, la tortilla se mangeait bien cuite. Peut-être que ce n'est pas la tortilla traditionnelle, mais c'est la tortilla de ma famille. »
« Un de mes plats réconfortants favoris est la soupe Kai Kai (NDLR : soupe chinoise sucrée traditionnelle). Elle est souvent préparée avec des haricots rouges, des haricots mungo et du riz gluant, servie chaude ou froide et sucrée avec du sucre ou du lait de coco. Elle me rappelle les réunions de familles, chaleureuses et nostalgiques ! »
« Même à nous, Inspecteurs du Guide, qui avons une expérience de plusieurs centaines de restaurants testés et, par conséquent, des milliers de plats goûtés, de toutes sortes, il nous arrive des journées où tout ce que nous avons envie de ressentir à la dégustation est… un câlin. C’est exactement ce que me fait ressentir le sabayon ! Sa chaleur, son parfum de Marsala ou de muscat doux et son crémeux, mettent mon palais en joie. En manger ouvre chez moi un tiroir intime, de souvenirs d’enfance, quand mon père en préparait les dimanches d’automne et d’hiver pour le petit-déjeuner. C’est comme une caresse double : une au palais, qui me donne le sourire, mais aussi une plus profonde, en plein cœur. En fermant les yeux, je revois la petite cuisine de mon enfance. »
« Si je devais choisir un plat qui me réconforte, ce serait les supions en sauce que préparait ma mère, et qu'elle faisait toujours en quantités industrielles, puisque nous étions cinq garçons, et chacun ayant un appétit d'ogre. Les quantités devaient être largement suffisantes pour éviter les conflits ! Je me souviens de revenir de l’école et, avant même de poser mes livres par terre, de prendre un gros morceau de pain, de le tremper dans l'encre des supions, et de le porter à ma bouche, en évitant d’en faire tomber la moindre goutte, non pas pour éviter de me tacher, mais surtout pour ne rien perdre de cette précieuse sauce ! »


Croustillant, coulant, onctueux... L’importance des textures
Certaines textures ont aussi leur importance pour nous apporter une forme de réconfort. Croustillance, moelleux, onctuosité… Sont souvent les promesses de saveurs riches et réconfortantes : une purée bien beurrée, une raclette dégoulinante, un grilled-cheese croustillant avec son fromage bien coulant, un moelleux au chocolat fondant à cœur… Autant de sensations satisfaisantes qui apportent gourmandise et sérénité.
« Dans cette idée, j’adore la brick au thon et à l’œuf qui combine onctuosité du jaune coulant et croustillance, mais me rappelle aussi mon enfance au Maghreb. Rapide, facile et peu chère, elle était préparée souvent à la maison. Ce qui est pratique avec la brick c’est que l’on peut vraiment y mettre ce que l’on veut, en fonction de nos envies et de notre frigo ! N’hésitez pas à doubler la feuille de brick pour la renforcer et à ne la plier qu’en deux en forme de chausson pour plus de croustillance. Alors, oui, ce n’est pas vraiment léger comme préparation, mais qu’est-ce que c’est gourmand ! »
« Ma comfort-food c’est la pizza maison ! J'ai tenté de garder pendant un certain temps une pâte au levain naturel, mais à cause de mon travail nomade, elle n’a pas tenu, donc j’en achète une très bonne. Mon topping préféré ? Deux en particulier : la scamorza fumée et le gorgonzola avec la mozzarella classique, mais sans tomate, en version blanche ; et pour la deuxième plaque, de la passata de tomates, mozzarella et olives noires dénoyautées. La passata... faite maison en été par mes grand-mères, voilà le vrai point fort ! »
« Les mac and cheese sont vraiment un favori de ma comfort-food, surtout quand les températures commencent à baisser ! Liez ce gratin avec de la béchamel au fromage ou bien un mélange de crème et de fromages corsés, c’est à vous de voir. »
« Le poulet frit ! Quel plaisir de parfois juste savourer une série à la télé accompagné du son réjouissant d’une panure bien croustillante ! N’oubliez pas de bien assaisonner la farine qui recouvrira le poulet, et de ne pas avoir trop de pièces à frire en même temps : pour une croustillance optimale, elles ont besoin d’espace dans la friture ! »
« J’avoue une prédilection pour la fondue de fromage, qui me vient certainement d’une période heureuse dans les Alpes. Au risque de faire hurler dans certaines contrées, j’ai une préférence personnelle pour la fameuse 'moitié-moitié' romande, composée de gruyère (suisse, donc) et de vacherin fribourgeois. Je trouve l’homogénéité de la préparation idéale, crémeuse, enrobante, et sans fils (non, désolé, je n’aime pas les fils !). Je me suis mis à la préparer moi-même car je ne trouvais pas de restaurants de fondue satisfaisants où j’étais. J’y ai placé au fil des ans mes touches personnelles, et j’avoue ne pas forcément être un puriste car j’ajoute souvent un peu d’Appenzeller, pour le caractère. Sinon, beaucoup d’ail, beaucoup de poivre noir, et une touche finale de kirsch ou de cognac délayé dans un peu d’amidon de maïs, selon l’envie du moment. On peut varier les fromages en suivant les traditions et terroirs locaux mais le résultat sera toujours réconfortant et convivial ! »


Le réconfort : une question de température
Et quand, comme les Inspecteurs du Guide, on est souvent par monts et par vaux, le réconfort se retrouve tout simplement dans la chaleur !
« L'un de mes plats réconfortants préférés est la soupe de poulet. Comme nous voyageons assez souvent, avec des vols fréquents et des trajets intenses, nous subissons toujours des changements de température. Un bol de soupe de poulet réconfortante devient le remède parfait. J'aime la soupe de poulet mijotée avec divers légumes, comme des champignons ou de l'igname, pour un goût plus frais. »
« Pour moi, ce serait le café ! C’est peut-être surprenant mais finalement quoi de plus réconfortant que de démarrer la journée avec un excellent café, de qualité, avec une torréfaction parfaite des grains ? Nos journées peuvent être très caloriques, alors démarrer avec juste un café bien chaud, c’est parfait ! »
« J’adore la soupe de nouilles, avec un bouillon clair à base d'os et des nouilles larges qui absorbent toute la chaleur et la saveur de la soupe. J'ajoute généralement un œuf dur mariné aux épices et de la sauce soja pour un apport supplémentaire en protéines. Si je la prépare moi-même, j'y ajoute beaucoup de légumes – citrouille, chou, oignons, champignons et céleri – pour les faire mijoter ensemble, ce qui donne au bouillon un agréable goût naturellement sucré. Lorsque vous êtes débordé ou juste fatigué, la nourriture simple mais authentique est toujours la meilleure ! »


La comfort food se révèle à la fois singulière et universelle ! Et vous, quels sont vos plats réconfortants favoris ?