Comment êtes-vous devenu inspecteur ?
Comme tous mes collègues, j’ai d’abord commencé ma carrière dans l’hôtellerie-restauration, et plus précisément dans les métiers de la salle et du service. Ayant travaillé, à l’occasion de mes études, dans de nombreuses maisons étoilées, je me suis forcément intéressé au Guide MICHELIN. Et, très vite, j'ai eu envie de passer de l’autre côté de la scène ! J’ai alors postulé en candidature spontanée, et après avoir passé le processus de recrutement, je suis arrivé au guide à l'âge de 30 ans.
Travailler au Guide MICHELIN comme inspecteur représentait-il pour vous une ambition forte, un rêve d’enfance ?
Oui, tout à fait ! Dès mes premières années de formation dans un restaurant 2 étoiles, je me suis dit qu’un jour je voudrais être inspecteur : le Guide MICHELIN, c’était un mythe absolu pour moi. Et puis, le guide s’étant beaucoup internationalisé lorsque j’étais encore étudiant, je savais que ce métier pourrait concilier ma soif de découvertes et de voyages et ma passion dévorante pour la cuisine. Ça me semblait très excitant d’avoir pour terrain de jeu professionnel non pas seulement une région de France, mais éventuellement plusieurs pays du monde.
Est-il vrai que vous ne mangez que dans des restaurants étoilés ?
Au risque de vous décevoir, ce n’est pas du tout le cas… Il y a moins de trente restaurants 3 étoiles en France, et on ne passe pas nos journées à essayer ces seules adresses. Nous déjeunons ou dînons dans tous les types d’établissements, de l’auberge de village au restaurant des plus grands hôtels, à la recherche des meilleures adresses dans chacune de nos catégories de prix et de qualité. La bonne surprise peut être partout, et pour dénicher une excellente adresse il faut aussi passer par des tables de moins bonne facture. Néanmoins, je reconnais que je prends un plaisir quotidien à essayer de nouvelles adresses et à réévaluer celles qui font déjà partie de la sélection.
Quelle est la journée typique d’un inspecteur ?
Elle se compose de deux essais de table – le midi et le soir –, qui donnent toujours lieu à la rédaction d’un rapport. Nous faisons également beaucoup de recherches sur place, car notre travail se compose également d’une veille active de la profession et d’une part importante de prospection. Enfin, lorsque nous sommes dans nos bureaux de Paris, nous échangeons avec les autres inspecteurs ainsi qu’avec les équipes de rédaction pour débriefer nos semaines de tournées, et nous préparons nos futurs déplacements. Personnellement, j’utilise les réseaux sociaux pour repérer de nouvelles adresses et me projeter dans ma tournée.
“Dénicher la bonne table au bon moment : voilà ce qui rend ce métier si excitant.”
N’est-ce pas un métier solitaire ?
En effet, les semaines de tournée sont souvent solitaires. Quand je pars sillonner les routes de France, je suis seul dans ma voiture. Quand je descends dans un restaurant, je suis en général seul. Mais il arrive parfois que pour certaines adresses, nous nous retrouvions entre inspecteurs afin de partager un repas et de croiser nos ressentis. Et puis, si l’inspecteur est la plupart du temps seul, il n’est jamais isolé ! Toutes les sélections qui composent le guide sont le fruit de décisions collégiales, il y a donc une grande part d’échange dans notre travail. Pour résumer, cette force de l’individualisme – et c’est en partie grâce à cela que nous pouvons rester anonymes – est mise au service d’une production collective.
Qu’est-ce que vous préférez dans votre métier ?
Etre inspecteur, c’est côtoyer au quotidien les métiers de l’hôtellerie-restauration, métiers de passion qui ont été les nôtres avant d’entrer au Guide MICHELIN. De plus, j'adore voyager, ce qui me permet de m’épanouir au quotidien sans ressentir le poids de la routine. J’apprécie également le côté profondément humain de notre profession : nous allons à la recherche du talent de femmes et d’hommes artisans, tous passionnés par ce qu’ils font. Il n'y a pas de plus grande joie, pour un inspecteur, que de dénicher la bonne table au bon moment... C’est ce qui rend cette mission si excitante.
Enfin, et c'est indispensable, je prends toujours autant de plaisir à table ! J’ai conscience de la chance qui est la mienne de déguster les assiettes des restaurants les plus divers. Et si ce métier exige quelques sacrifices familiaux et personnels, c’est un métier de passion qui me permet de croiser mon expérience de l’hôtellerie-restauration, ma soif de découvertes et le plaisir de bien manger.
Est-ce que vous rapportez des souvenirs de vos tournées ?
Oh que oui ! J’ai coutume de dire que le coffre de ma voiture est un second frigo. J’aime rapporter les produits qui sont le reflet des territoires dans lesquels je me rends. Rencontrer le petit artisan, le vigneron, le confiseur ou encore le fromager passionné sont autant d’opportunités de remplir ma voiture de souvenirs gourmands...