Banalisé par des Français iconoclastes qui l'ont longtemps pris pour un snack, au même titre que les burgers, kebabs ou pizzas, le sushi est pourtant un met d'exception, réservé au Japon aux grandes occasions. « Au quotidien, nous mangeons plutôt des ramen, des bentos, ou autres plats simples et populaires, comme on trouve dans les izakaya -qui sont un peu l'équivalent du bistrot français » rappelle Reiko Mori. Cette Japonaise de naissance, débarquée en France à l'âge de vingt-deux ans, dirige depuis 2019 sa propre agence de relations presse en gastronomie, à Paris.
Un vrai bon restaurant de sushi n'est jamais bon marché
« Un vrai bon restaurant de sushis n'est jamais bon marché », prévient-elle. Ce n’est pas un produit de masse. Il s’adresse à une clientèle aisée, exigeante. Qui recherche un riz cuit à la perfection, un poisson d’élite, sauvage, abattu selon la technique ancestrale ikejimé - qui permet de conserver pleinement les qualités gustatives du poisson, sans les toxines de stress libérées par l'animal au cours d'une agonie par asphyxie.
Il faut plusieurs décennies pour devenir maître sushi
« Une vie ne suffit pas à apprendre l'art subtil du sushi », renchérit le chef Yuichiro Akiyoshi, formé pendant dix ans au sein du prestigieux Hyotei de Kyoto (Trois Etoiles au Guide MICHELIN). Si Akiyoshi Chakaiseki, son établissement étoilé du 15ème arrondissement parisien, n'est pas à proprement parler un restaurant de sushis, il connaît bien le sujet, puisqu'il pratique la cuisine cha-kaiseki. Laquelle inclut entre autres subtilités la maîtrise de l'art du sushi. Quand on interroge cet expert, même après une décennie de formation, il confie avoir encore du mal à se dire shokunin -terme japonais utilisé pour désigner un artisan ayant atteint un degré de maîtrise exceptionnelle sur un sujet.
Une prise de conscience récente en France
Si la France demeure le premier marché du sushi en Europe (728 millions d’euros annuels tout de même), une récente étude de Speak Snacking, en partenariat avec le cabinet d’études Strateg’eat, montre que le sushi quitte le Top 10 en 2024... Alors qu’il avait déjà été rétrogradé à la septième place en 2023. Et en un sens, tant mieux. Car ce que certains restaurateurs opportunistes qualifient parfois trop vite de « sushi » est contre-productif pour l'image de marque de la gastronomie japonaise. Au contraire, assumer le parti-pris d'une gastronomie d'exception réservée à un moment rare et précieux semble être inévitable pour sauver le sushi de sa dangereuse banalisation.
A Paris
L'Abysse au Pavillon Ledoyen
Deux Etoiles pour cet opus nippon placé sous la houlette créative de Yannick Alléno. Le maître sushi Katsutoshi Tomizawa, expert en cuisine kaiseki, propose des produits d'une remarquable qualité (poissons ikejime de l'Atlantique). Epurée, la salle fait la part belle aux artistes contemporains – de l'installation de milliers de baguettes en bois par le street artist japonais Tadashi Kawamata, aux pans de murs de céramiques, imaginés par l'Américain William Coggin. Ajoutez à cela un service tiré à quatre épingles, et ce somptueux livre de cave, riche de sakés pointus : ne tardez pas à réserver l'une des douze places au comptoir en bois blond.
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Sushi B
Une table de poche (huit couverts) au cadre zen et dépouillé. Comptoir en marbre, murs béton, chuchotements de rigueur. Bienvenue dans ce remarquable étoilé aux abords du square Louvois, dans le 2ème arrondissement de Paris. Isao Horai a pris la relève de Masayoshi Hanada, qui a ouvert son propre établissement dans le 8ème arrondissement. En excellent artisan, le chef de Sushi B ne travaille que des produits de qualité et de première fraîcheur, avec une précision chirurgicale. Ses sushis et makis sont mémorables, les saveurs cavalent en bouche sans jamais d'excès de soja ni de wasabi... Le sens de la mesure personnifié.
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Sushi Shunei
A Montmartre, loin du quartier japonais d'Opéra, cette table entièrement dédiée aux sushis détonne. Le cadre élégant et épuré reprend les codes esthétiques du sushi edomae : au Japon, on ne déguste presque jamais de sushi ailleurs qu’au comptoir face au chef. Si le regretté Shunei Kimura est décédé en juin 2022, son épouse Chizuko Kimura a tenu la promesse qu'elle lui avait faite de garder le restaurant ouvert. C'est désormais Takeshi Morooka, qui le remplace, fort de 30 ans d’expérience dans l’art du sushi. Anciennement au piano de l'étoilé Ginza Onodera à Tokyo, il a formé de nombreux chefs au Japon.
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Sushi Yoshinaga
Céramiques conçues par un artiste japonais, baguettes en bois de rose disposées sur un petit plateau de cèdre, poissons des côtes bretonnes présentés en filets entiers en début de repas... Rien dans cet écrin étoilé de 10 couverts n'est laissé au hasard. Le chef Tomoyuki Yoshinaga (ex-Okuda) exerce l’art du sushi depuis près de vingt ans. Il travaille des poissons remarquables de fraîcheur, dont certains thons gras parfaitement maturés, via une découpe et des assaisonnements experts. Une adresse confidentielle à mi-chemin entre l’Opéra Garnier et le quartier japonais de Paris. Ouvert le soir uniquement, sur réservation.
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Yushin
A Neuilly-sur-Seine, entre l'île de la Jatte et l'hôpital Américain, ce restaurant japonais traditionnel sert différents menus : sushis, bento, omakase ainsi qu'un menu dégustation. Préparés avec un soin tout nippon, les poissons d'une belle fraîcheur sont à l'honneur, sans oublier les desserts traditionnels japonais très joliment présentés. Le cadre, on s'en doute, joue l'épure du bois clair et des murs blancs. Le personnel est 100% japonais avec toute la solennité qu'on imagine. Le service du thé se déroule devant vous. Le client est raccompagné et salué dans la rue à son départ.
En province
Plus accessibles, et toutes d'excellente facture, ces adresses en région méritent le détour.
Hinoki, à Brest :
Un chef breton passionné de cuisine japonaise débite des poissons de pêche locale, sélectionnés avec une minutie extrême. Sushis et makis sont réalisés sous vos yeux au comptoir (dix couverts).Onaka, à Nice :
Caché dans une impasse, ce comptoir à sushis ne désemplit pas. Et pour cause : aux baguettes, un champion de France de sushis, formé notamment dans plusieurs restaurants du chef Nobu Matsuhisa. Riz parfaitement cuit, wasabi rappé minute, belle carte de sakés. Réservation fortement recommandée.Kaito, à Megève :
Au sein de l'hôtel Four Seasons, sashimis, tatakis et sushis de belle fraîcheur côtoient, à la carte, des produits montagnards délicatement travaillés. Une cuisine fusion, dont on peut profiter dans une ambiance tamisée ou sur l'agréable terrasse.Kashiwa, au Cannet :
Dans un ancien atelier de tapissier, ce restaurant offre une jolie palette de gastronomie japonaise (sushi, sashimi, etc.), mais aussi des plats plus travaillés. Le chef se fournit au marché Forville et auprès de petits pêcheurs, à Cannes. Petite terrasse, et position privilégiée, proche du musée Pierre Bonnard.Photo de Une : confection de sushi à L'Abysse @ Simon Detraz
