Envie d’évasion et de nouvelles saveurs ? De Cordoue à Ostende en passant par Marseille ou Split, la découverte comme l’identité culturelle d’une région passe aussi par celle de son patrimoine gastronomique. Sur place, émane le meilleur de son terroir et l’authenticité de certains plats s’y exprime dans sa plus pure expression dans des recettes transmises de génération en génération. Entre une visite de musée et une randonnée ou un bain de mer, goûtez donc « une tranche » de cette cuisine intemporelle, qui raconte autant d’une ville et de ses habitants qu’un bon guide – les saveurs en sus ! Reste un dilemme, est-ce la ville ou le plat qui guidera votre choix de destination ?
Ville par ville, le meilleur du Guide MICHELIN :

Taquiner le poisson à Marseille avec sa bouillabaisse (France)
La bouillabaisse, cette soupe de poissons épicée et consistante, préparée à partir de poissons de roche locaux filtrés et tamisés, tirerait son nom du provençal boui abaissa, que l’on peut traduire par « quand ça bout, on baisse le feu ». Certains affirment que les Grecs et les Romains avaient déjà leur propre version du ragoût de poissons, et d'autres que ce modeste plat tiendrait son origine des marins pour cuisiner leurs restes de poissons ou encore des poissonniers pour écouler leur marchandise invendue. Aujourd’hui, la bouillabaisse est devenue un véritable emblème marseillais, au point qu’il est désormais illégal d’en servir aux touristes une imitation bon marché. En 1980, une charte officielle a été établie, imposant une liste stricte d’ingrédients de base, avec au moins quatre types de poissons.

Où la déguster ?
Chez Fonfon, restaurant situé dans l'adorable port de pêche miniature du Vallon des Auffes. Le bouillon épais et parfumé est servi dans des bols fumants et accompagné de rouille, sauce à base de mayonnaise à l’ail à étaler sur des croûtons avant de les glisser dans la soupe. Attendez-vous à un plat généreux constitué d’au moins quatre variétés de poissons fraîchement pêchés – rascasse, mérou, vive, congre et rascasse rouge – et une sélection de crustacés, allant du crabe araignée à la langoustine. Le tout est sublimé par les herbes, l’huile d’olive, les pommes de terre, le fenouil, les tomates, le safran et l’ail (bien sûr !).
Pour une version revisitée, rendez-vous au Petit Nice, établissement 3-étoiles au Guide MICHELIN installé dans une élégante villa en bord de mer des années 1900. Là, le chef Gérald Passedat propose une interprétation gastronomique du plat en plusieurs services, débutant par un carpaccio de fruits de mer dans un bouillon clair et se terminant par une assiette élaborée mettant en valeur des poissons de fond typiques de la Méditerranée.
Où dormir ?
Marseille possède une offre hôtelière variée, du Mama Shelter à l’hôtel Le Petit Nice où se situe le restaurant.

Simple comme la Trippa, le délice traditionnel des Florentins (Italie)
La trippa alla fiorentina (les tripes à la florentine) est un plat rustique simple, qui remonte au Moyen Âge. Sa recette a continué d'évoluer aux XVIIIe et XIXe siècles, tandis que les marchés ou les vendeurs de rue proposaient des abats ou des morceaux de viande moins nobles aux familles ouvrières. Aujourd'hui, la tradition perdure et le plat est préparé avec des tripes de bœuf (la paroi comestible de l’estomac) mijotées lentement dans une sauce tomate riche, à base d’oignons, de carottes, de céleri et d’un soupçon de vin rouge, avant d’être saupoudré de parmesan râpé.

Où les déguster ?
Situé en plein cœur de la ville, le restaurant Il Latini est une véritable institution. Cette trattoria historique au style rustique a ouvert en 1911 et sert l'une des parmi les meilleures trippes à la florentine, préparées selon la recette traditionnelle. Zeb est une autre adresse incontournable pour les spécialités toscanes faites maison, dans le quartier Saint-Niccolo, tenu par Alberto Navari et sa mère, Giuseppina.
Où dormir ?
Près du marché de San Lorenzo (!) au Glance Hotel In Florence ou près de l'Arno au Leone Blu Suites.

Filer à Split (Croatie) pour sa pasticada, le ragoût dalmate
Nichée entre mer et montagnes, Split est la deuxième plus grande ville de Croatie, mais conserve pourtant une atmosphère plus intimiste que d’autres grandes métropoles. Ce port animé est aussi un centre culturel majeur, avec une vieille ville historique abritant le magnifique palais de Dioclétien, un site classé à l'Unesco lui aussi. Véritable ville dans la ville, ce palais fortifié mêle architectures gothique, baroque et romaine du IVe siècle et regorge de boutiques et de restaurants. Vous pourrez également flâner le long de la promenade Riva en bord de mer, vous baigner sur l’une des plages de la ville, randonner sur les sentiers paisibles du mont Marjan, juste à l'extérieur de la ville, ou parcourir le marché alimentaire en plein air de Pazar.
La pasticada est une véritable spécialité régionale, que les fruits de mer pourtant réputés en Dalmatie n’ont pas éclipsée. Ce ragoût de bœuf mijoté, accompagné de pommes de terre bouillies ou écrasées, de pâtes ou de blettes est à l’origine un plat paysan. La recette a évolué sous l’influence des Romains, des Vénitiens et des Autrichiens qui ont marqué la région. Après avoir fait mariner la viande toute la nuit dans la moutarde, le vinaigre, le vin rouge et le romarin, la viande est saisie, puis mijotée dans une sauce riche à base d’oignons, de carottes, de panais, de céleri, de concentré de tomate, et parfois agrémentée de figues ou de pruneaux pour une touche sucrée.

Où la déguster ?
À l’écart des circuits touristiques, le restaurant Šug propose des portions copieuses de ce plat traditionnel dans un cadre décontracté et convivial. En été, profitez de son agréable cour extérieure pour un repas en plein air.
Où dormir ?
À quelques minutes à pied du restaurant Šug, l’Hôtel Luxe est connu pour son style extravagant et élégant.

Les Fuži de Portorož, les pâtes slovènes qui donnent le tournis
Dès la fin du XIXe siècle, la ville fréquentée par les officiers austro-hongrois en quête de bains de boue thérapeutiques extraits des salines est devenue une destination de thalassothérapie et de cures thermales. Elle accueille également toute l’année divers événements et festivals, dont le Portorož Food Festival en automne, qui met à l’honneur la cuisine locale, ainsi que le Festival des vins pétillants à Noël, où les producteurs locaux proposent des dégustations.
Élément incontournable de la cuisine istrienne, les Fuži sont la version slovène des pâtes artisanales, reconnaissables à leur forme particulière de petits tubes torsadés. Elles sont traditionnellement servies avec différentes sauces, allant du ragoût de gibier mijoté à la crème de champignons sauvages ou aux truffes.
Ce plat simple et authentique ne nécessite qu’une poignée de farine, des œufs, un peu d’eau et de l’huile. Une fois la pâte pétrie étalée et découpée en fines bandes, chaque pièce est pliée en deux, puis torsadée pour former une spirale avant de cuire dans l'eau bouillante

Où les déguster ?
Au Rizibizi, ce restaurant en bord de mer propose une cuisine locale raffinée qualité, mettant à l’honneur les produits du terroir slovène, comme le poisson frais et des truffes de saison. Le Sophia, situé dans l'hôtel Kempinski Palace, offre un menu méditerranéen aux inspirations italiennes, qui évolue au fil des saisons. On y retrouve des spécialités istriennes comme les fuži aux truffes, la fritaja aux asperges sauvages ou encore la jota, une soupe traditionnelle. La carte des vins y est exceptionnelle.
Où dormir ?
Situé entre la frontière italienne et croate, Portorož n'est qu'à vingt minutes en voiture du San Canzian Hotel & Residences de style contemporain, construit sur une colline de village, avec un spa et un restaurant italien.

Le riz au lait à la portugaise, le grain de douceur de Coimbra (Portugal)
Parmi les multiples utilisations salées ou sucrées du riz que fait le Portugal – plus grand consommateur de riz d’Europe –, l’arroz doce a moda de Coimbra est l’une des plus appréciée. Ce dessert crémeux et parfumé, qui cuit lentement dans du lait infusé à la cannelle et au citron, est emblématique des célébrations de mariage dans la région.
On dit qu'autrefois, les jeunes mariés offraient un plat de riz au lait à leurs invités, recouvert d’un linge brodé traditionnel d’Almalaguês, en échange de cadeaux de mariage. Symbole de partage et d’unité, ses origines remontent aux Arabes, qui ont introduit le riz sucré dans la péninsule ibérique.

Où le déguster ?
Le riz au lait est un classique chez O Palco (« La Scène »). Deux menus dégustation y sont proposés, mêlant revisites créatives des plats traditionnels et une option végétarienne. Le restaurant privilégie le circuit court, allant jusqu’à indiquer le nom de chaque fournisseur et la distance qui le sépare du restaurant. Le riz, par exemple, est produit à seulement 45 kilomètres de là.
Où dormir ?
Le Sapientia Boutique Hotel : bien qu'il se situe dans un bâtiment du XVIIIe - XIXe, le style intérieur y est résolument moderne. Proche de l'université, il paraîtrait que de nombreux chercheurs et intellectuels y font escale.

À Cordoue, le salmorejo ou la soupe froide andalouse qui met le feu aux papilles (Espagne)
Située au cœur de l'Andalousie, Cordoue est une ville avec une riche histoire et un héritage culturel mêlant les cultures islamique, romaine et wisigoth et à l’architecture mauresque magnifique. La Grande Mosquée de Cordoue, classée au patrimoine mondial de l'Unesco, ses ruelles sinueuses et ses bâtiments blanchis à la chaux ornées de patios fleuris colorés en font un lieu presque enchanteur. Ne manquez pas le Festival des patios de Cordoue, en mai, qui offre un aperçu des plus beaux jardins intérieurs de demeures privées.
Le salmorejo, l'un des plats les plus emblématiques de la cuisine cordouane, est une soupe froide crémeuse et onctueuse réalisée avec des tomates bien mûres, du pain, de l'huile d'olive extra-vierge, de l'ail et du sel. Variante du célèbre gaspacho, elle est particulièrement appréciée lors des chaudes journées d’été. Son nom provient du mot arabe salmur, qui signifie « pain trempé », en référence à l’utilisation du pain comme épaississant. Avec le temps, la recette a évolué et s’est enrichie. On pense que ce plat trouve ses origines dans une purée simple que les Romains appelaient moretum. La découverte de l’Amérique et l’introduction des tomates en Europe ont marqué un tournant décisif dans sa recette, lui donnant la saveur que nous connaissons aujourd’hui.

Où le déguster ?
La Casa de Manolete Bistró est la référence en matière de salmorejo : son chef Juanjo Ruiz en aurait conçu plus de 600 versions différentes ! Dans l’une de ses recettes actuelles, il utilise uniquement des tomates de jardin bien mûres et assaisonne la soupe avec de l’ail violet doux. La garniture traditionnelle — jambon ibérique haché et œufs durs — est remplacée par un œuf de caille, des poivrons grillés et des tomates cerises. De nombreux restaurants servent de la cuisine traditionnelle et proposent ce plat : La Cuchara de San Lorenzo, Casa Pepe de la Judería, Casa Rubio, La Taberna de Almodóvar, Taberna el Nº 10.
Où dormir ?
Le H10 Palais Colomera est un hôtel aux intérieurs épurés et d'inspiration scandinave, avec un toit-terrasse donnant sur la célèbre Mosquée-Cathédrale de la ville.

Le brasato d’Ascona, le ragoût du lac Majeur au sommet du goût (Suisse)
À ne pas manquer : les grotti, ces auberges familiales traditionnelles (qui étaient à l’origine des grottes pour bénéficier de leur fraîcheur) où l’on déguste des plats maison à l’ombre des arbres, sur de grandes tables en pierre.
Le brasato est un classique de la cuisine rustique suisse : un ragoût de bœuf braisé dans du vin rouge avec des légumes variés et des herbes aromatiques. Longuement cuite, la viande devient fondante en mettant à l’honneur toute la richesse viticole de la région

Où le déguster ?
À la Locanda Barbarossa, essayez les raviolis farcis de brasato, nappés d’une sauce au beurre et aux champignons. Le restaurant et bar Hide & Seek propose une version associant filet rôti et joue de bœuf braisée, accompagnés d’une purée de céleri-rave et de brocoli.
Où dormir ?
Au Giardino Ascona, un hôtel élégant en bord de lac, avec des chambres modernes, un spa et une piscine intérieure et extérieure.

Le Zwiebelrostbraten, l’autre spécialité de Stuttgard qui en a sous le capot (Allemagne)
Le zwiebelrostbraten est une spécialité régionale traditionnelle de Souabe, un rôti de bœuf tendre mijoté lentement cuit, préparé à partir de morceaux de l’épaule, du cou ou de la croupe. Il est servi avec l'épaule, le cou ou la croupe, surmonté d'une sauce riche aux oignons caramélisés croquants qui apportent profondeur et douceur au plat. Originaire de la cuisine rustique d’Europe centrale, ce plat est encore aujourd’hui un incontournable des repas de famille.

Où le déguster ?
Tenu par les frères Trautwein, Zur Linde est un restaurant alliant charme historique et modernité installé dans une ancienne maison de poste de 300 ans. Le menu met à l’honneur des classiques souabes, comme les raviolis locaux ou des tripes de veau à la queue de bœuf braisée, mais aussi un savoureux Zwiebelrostbraten, servi avec des oignons fondants et des spaetzle faits maison.
Où dormir ?
Der Zauberlehrling, un boutique-hôtel élégant, situé dans le quartier culturel animé de Mitte à Stuttgart.

À Ostende, la croquette de crevette dame le pion à la frite (Belgique)
On peut aussi visiter le Mercator, un voilier des années 1930 restauré et transformé en musée. L’atmosphère unique de la ville aurait d’ailleurs inspiré le chanteur Marvin Gaye, qui y a composé certains de ses tubes. On peut aussi faire une balade sous l’élégante galerie couverte du XIXe siècle, les Galeries royales de la mer, commandées par Léopold II.
La spécialité incontournable d’Ostende, ce sont les croquettes de crevettes, préparées avec de toutes petites crevettes grises surnommées « le caviar de la mer du Nord » en raison de leur saveur délicate. Fraîchement pêchées sur les bateaux de pêche d’Ostende, elles ont gagné en popularité dans les brasseries belges dès le début du XXe siècle. Encore aujourd’hui, ces crevettes sont servies en entrée avec du persil frit et une tranche de citron. Leur recette repose sur une onctueuse béchamel aux crevettes, enrobée de chapelure et frite jusqu’à obtenir une belle croûte dorée et croustillante.

Où la déguster ?
Dans le cadre chaleureux du restaurant familial Plassendale, installé dans une charmante maison blanche au bord d’un canal, ou encore au Bistro Mathilda, au style plus moderne.
Où dormir ?
Plusieurs établissements offrent une vue sur la mer, comme l’hôtel Andromeda, qui dispose aussi d’un spa. Parmi les nouvelles adresses, on trouve l’élégant C-Hotels Silt ainsi que BONK suites, un hôtel intimiste de seulement six chambres, situé dans les dunes.
Hero image: La bouillabaisse revisitée au Petit Nice © Richard Haughton /Le Petit Nice