Gastronomie durable 2 minutes 16 octobre 2023

Anti gaspi : 3 chefs à la manœuvre

Journée mondiale de l'alimentation ou de sensibilisation aux pertes et gaspillages de nourriture, les opérations de communication se multiplient pour sensibiliser le grand public au problème du gaspillage alimentaire. L'occasion de mettre en avant des établissements récompensés par le Guide MICHELIN d’une Étoile Verte et d’évoquer les méthodes mises en place tout au long de l’année par les chefs pour lutter contre le gaspillage.

En France, chaque année, près de 20% de la nourriture produite finit à la poubelle, selon le Ministère de l’Agriculture. Ce gaspillage concerne toute la chaîne, du producteur jusqu'au consommateur. Maillon central, les restaurateurs, conscients de cette aberration économique, social et écologique, mettent en place des solutions audacieuses et créatives.


Crédit photo : Cecile Bouchayer /L'Auberge de Montmin
Crédit photo : Cecile Bouchayer /L'Auberge de Montmin
L’Auberge de Montmin, à Talloires (Haute-Savoie)

« Lutter contre le gaspillage, ce n’est pas une posture, c’est dans notre ADN », explique Florian Favario chef de L’Auberge de Montmin à Talloires, deux étoiles et une Etoile Verte au Guide MICHELIN. « Depuis le début, on est parti sur un menu unique. Pour moi tout est lié et ce choix a plusieurs impacts. Tout d’abord économique. On ne travaille que sur réservation, ça nous permet de prévoir les approvisionnements sur une semaine et de ne commander que les quantités nécessaires. Il y a aussi un impact écologique : on ne travaille qu’avec de petits producteurs locaux. Je vais moi-même chercher les denrées, au plus frais, au plus près, sans faire appel à un autre transport. Je considère aussi que ces choix ont un impact social. En effet, on forme les équipes à travailler tous les produits et pas seulement les produits nobles, et surtout à utiliser le produit dans son intégralité. Je travaille les animaux entiers, jusqu’aux os, que j’utilise pour faire les fonds de sauce et les jus. Je travaille les épluchures de fruits et de légumes, les arêtes de poisson et les écailles, que je fais frire pour en faire des chips. Pour ma part je considère que cette prise de conscience et cette lutte contre le gaspi, c’est une formidable opportunité pour stimuler la créativité du cuisinier que je suis. J’ai là une vrai plus-value à apporter. Je surprends le client en cuisinant ce qu’on a l’habitude de considérer comme des déchets. Le travail du chef est bien là. Et quand il nous reste, malgré tous nos efforts, des surplus, on en fait des marinades, des vinaigres… la conservation est une des clés de notre démarche. Nous avons la chance d’être à la campagne, les déchets organiques finissent dans le compost de notre jardin, la boucle est ainsi bouclée. »

Crédit photo : Xavier Ferrand/L'Auberge de Montmin
Crédit photo : Xavier Ferrand/L'Auberge de Montmin
Ruche, à Gambais (Yvelines)

La cheffe Cybèle Idelot, originaire de San Francisco, a posé ses couteaux en forêt de Rambouillet, dans un domaine d’un hectare. « Je suis consciente de l’importance de limiter le gaspillage depuis toujours. C’est devenu mon inspiration pour la création de ma cuisine, poussant la démarche anti gaspi jusqu’au bout. Aujourd’hui dans chaque assiette, le client retrouve l’intégralité du produit. Les exemples sont nombreux : je fais rôtir les épluchures de céleri-rave et j’en fais un jus concentré, proche d’un jus de viande. Je fais torréfier les cosses de haricots Borlotti, qui dégagent une odeur et un arôme de café incroyable. J’en fait une sauce montée au beurre que je sers avec les haricots. Dans un trio de tomates, j’émonde des tomates Green Zebra, je fais sécher la peau que je réduis ensuite en poudre et que je sers sur une ricotta. Avec les arêtes de poisson, je fais des bouillons dashi. Idem pour les volailles, qui viennent des fermes voisines. Les foies vont dans les farces, les cœurs et les gésiers sont confits, les carcasses sont la base de mes jus. Je travaille aussi le gibier, qui affecte moins l'environnement que la viande d’élevage, selon moi. La philosophie zéro déchet implique l’utilisation du produit entier (fanes, feuilles, arêtes, os…) et des techniques de conservation comme la fermentation. Je suis très attachée au local. J'ai remplacé  le sésame par des graines de lin produites dans la coin. Avec mon potager en permaculture, on peut dire que je gère mes légumes de la graine à l'assiette. Je limite l'usage de produit comme la vanille que je remplace par  des épis de maïs torréfié qui ont un goût vanillé .»

Crédit photo : Virginie Garnier/Ruche
Crédit photo : Virginie Garnier/Ruche
L’Auberge Sauvage, à Servon (Manche)

À l’autre bout de la France, Servon, dans le département de la Manche, l’Auberge Sauvage, qui fait partie de la sélection du Guide MICHELIN, arbore fièrement une Etoile Verte. Entre terre et mer, dans la Baie du Mont-Saint-Michel, le chef Thomas Benady propose une cuisine de territoire. Il ne jure que par les produits de la Baie du Mont-Saint-Michel, et bâtit son menu au rythme des saisons, entre spontanéité et conservation. « Nous privilégions les produits de la Baie du Mont-Saint-Michel. Nos menus sont imaginés à partir de la pêche du jour, de la récolte des maraîchers locaux et de notre potager, ainsi que de la cueillette sauvage. Tout est de saison et fait maison (vinaigres, fermentations, salaisons, confitures au petit déjeuner…) et les vins sont natures. » explique Thomas Benady. Avec son épouse Jessica, il cultive ses propres légumes sur le domaine, ne travaille qu’avec de viandes endémiques, des semences paysannes adaptées au terroir et des produits écologiques. Au restaurant, rien ne se perd, les déchets organiques servent au compost pour le jardin, la cendre, le marc de café et résidus de thé pour ensemencer le potager. Rien ne se perd…

Crédit photo : Anne-Claire Heraud
Crédit photo : Anne-Claire Heraud
Photo d'illustration : Auberge Sauvage

Gastronomie durable

Articles qui pourraient vous intéresser