Actualités 2 minutes 04 mai 2020

Le quotidien des chefs confinés : Gérald Passedat

Contraints par les ordres de confinement, les chefs se retrouvent au chômage technique. Nous leur avons demandé comment ils occupaient leur temps libre. Aujourd'hui, Gérald Passedat, chef du restaurant Le Petit Nice, à Marseille.

« J’ai pris les annonces de fermeture comme un grand coup de massue. Ça a commencé le vendredi 13 mars pour le MUCEM et cela s’est prolongé au Petit Nice le samedi 14 mars. J’avais déjà constaté depuis quelques jours une baisse de la clientèle mais cette situation, si l’on se replace dans un contexte où sur quelques mois, nous multiplions les crises, gilets jaunes puis grèves liées à la réforme des retraites, sonne comme un coup de grâce. Il m’a fallu des jours pour m’en remettre… C’est d’autant plus dur que nous avions en ligne de mire un été formidable. Au lieu de cela, j’ai dû mettre 50 personnes au chômage. C’est la première fois de ma vie que cela m’arrivait, et ce n’est pas simple à vivre ni à assumer…

Passé l’état de choc, j’ai pu me reposer. J’ai pris le temps et cela m’a fait du bien. Je vis au rythme de mon corps et de mon esprit, et dans les premiers jours, j’ai pris du plaisir à être enfin oisif. Je satisfais mon besoin d’iode, par des moments de pensées sur un rocher face à la Méditerranée, par quelques baignades… J’ai revu des dauphins s’égayer le long de la côte, c’est un joli signe… Je fais quelques virées dans l’arrière-pays, je vais voir les vignes, j’ai besoin de cette connexion totale avec la nature.

“Nous devons favoriser les circuits courts et la cuisine territorialiste”

Marseille est un endroit particulier, un port tourné vers l’Orient, battu par les vents. Ces derniers temps, la ville est redevenue une place centrale sur la carte de la gastronomie française. Plus que jamais, nous devons favoriser les circuits courts et la cuisine territorialiste.

Aujourd’hui, la nature a voulu nous donner une leçon, elle reprend le dessus et j’espère que la conclusion de tout cela, c’est que le bon sens paysan va prédominer sur tout le reste. J’ai toujours travaillé dans ce sens, en respectant la nature et en valorisant le travail de petits producteurs. Je me rappelle, quand j’ai obtenu ma troisième étoile en 2008, j’avais reçu des remarques pas toujours bienveillantes sur le fait que ma cuisine était trop simple, trop « nature ». Mais la simplicité et la pureté ne sont-ils pas les éléments les plus essentiels à faire ressortir dans la cuisine ? 

“La nourriture saine rend les maladies moins invasives”

Le plus important, dans notre métier, c’est de prendre soin de nos hôtes. J’aime cette citation d’Hippocrate qui écrivait « Que ton aliment soit ta seule médecine ». Un grand restaurant doit prendre cela en compte : un de nos cerveaux est l’estomac, on doit ressortir de l’expérience serein, nous sommes garants de la digestibilité parfaite de nos clients. D’autant que la nourriture saine rend les maladies moins invasives, moins intrusives…

La situation actuelle me conforte dans la démarche que j’ai toujours entreprise et que je vais affiner, en travaillant sur des « super aliments », les plus sains possibles… Tout n’est qu’une question de bienveillance envers l’être humain. Par exemple, depuis presque 2 ans, j’ai banni le sucre de ma cuisine pour répondre à un devoir d’éducation, de pédagogie et de pratique que nous chefs, devons transmettre. Il en va de la crédibilité de la gastronomie.

En attendant, je continue à cuisiner, bénévolement pour les hôpitaux marseillais, grâce à l’association gourmediterranée dont je suis le président et avec l’appui de l’hôpital des armées, et pour mes clients. Nous avons lancé une formule Passedat Drive, avec des formules à 39 euros (2 plats), 49 euros (3 plats). Si la situation est dure à vivre, je dois avouer qu’elle engendre des moments de co fraternité vibrants… »

Gérald Passedat est le chef du restaurant Le Petit Nice, à Marseille.


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