Reportages 1 minute 21 juin 2024

Les confessions de Werner Loens : les Pays-Bas sur la carte

Huit mille cinq cents repas dans plus de 20 pays, 3 600 séjours à l’hôtel, 20 000 rapports rédigés, 1 600 000 kilomètres parcourus en voiture… Le palmarès de Werner Loens, après trente-sept années en tant qu’inspecteur et directeur MICHELIN, est impressionnant. Son histoire, inspirante, l’est tout autant. Aujourd’hui : les Pays-Bas sur la carte.

Je ne veux surtout pas être prétentieux, mais Michelin a contribué à mettre les Pays-Bas sur la carte gastronomique. Comment ? En aidant certains chefs dont nous pressentions le talent à trouver la bonne voie. Pas que nous leur ayons appris à cuisiner, mais en leur donnant des points de vue, notamment lors de nos visites. J’ai également accueilli quelques chefs dans mon bureau – ce qui a été interdit depuis. Dans ces moments, vous essayez de leur faire comprendre comment ils peuvent affiner leur cuisine. On observe encore cet effet MICHELIN sur la qualité des tables dans les pays et les villes où nous avons lancé un guide ces dernières années. En Croatie et en Slovénie, par exemple, l’évolution culinaire est évidente.

À la fin des années 1980, les Pays-Bas comptaient une cinquantaine d’étoiles MICHELIN. C’était l’époque des grandes maisons comme Juliana, De Swaen et De Echoput. La cuisine française y était très bonne. Mais il y avait aussi beaucoup de choses d’un niveau médiocre, et j’étais souvent content de rentrer à la maison après une semaine de travail là-bas ! Des plats comme la sole Picasso, avec des fruits en conserve, ou encore ce bœuf stroganoff avec une crème de champignons fade et toutes ces garnitures superflues : des pommes de terre, des frites, des épinards, des haricots enveloppés de lard, une compote, une salade, une poire au vin rouge… il y en avait tellement ! On n’en mangeait pas la moitié. Je ne comprends toujours pas pourquoi un poisson pouvait être servi avec une compote ! Je pense que c’était la culture de l’époque. Faire comprendre aux chefs qu’il vaut mieux donner un peu plus de produit et moins de garnitures, c’est une des idées que nous avons essayé de leur faire passer.



Nous avons découvert la cuisine asiatique aux Pays-Bas. Il y avait beaucoup de restaurants de quartier où l’on pouvait manger beaucoup et bon marché, mais aussi quelques restaurants indonésiens de haut niveau, notamment du côté d’Utrecht et du Brabant. Spandershoeve en est un magnifique exemple, encore aujourd’hui. Ce que je trouve très triste, c’est qu’on ne trouve pratiquement plus aux Pays-Bas de restaurants indonésiens de cette qualité. Je me demande ce qui s’est passé. Est-ce parce que le niveau de la cuisine internationale s’est tellement élevé dans ce pays ? Je ne sais pas.

Bien sûr, vous vous distinguiez en tant que Belge qui venait aux Pays-Bas pour manger trois plats avec un verre de vin – surtout dans les années 1980 et 1990. Au début, c’est désagréable, mais on s’y habitue vite. D’ailleurs, nous avons toujours été accueillis de manière très professionnelle. Un Néerlandais, qu’il soit de la ville ou du Nord, a du respect pour la science culinaire d’un Belge. Ils aiment nous recevoir car nous n’avons pas peur de dépenser de l’argent pour la nourriture. La jeunesse néerlandaise d’aujourd’hui dépense également de l’argent pour un bon repas, c’est une forte tendance. Cela me rend heureux, tout comme l’évolution gastronomique des chefs néerlandais. Je suis curieux de voir où ces progrès nous mèneront.


La semaine prochaine : solitude

Head photo : Spandershoeve

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