« Lui ou elle, là-bas, seul(e) à table : ce doit être un inspecteur ou une inspectrice du Guide MICHELIN ! » C'est une remarque que j'entends souvent depuis le début de ma carrière, dans les années 1990. Mais est-ce toujours le cas ? A cette époque, lorsque je déjeunais seul dans le nord des Pays-Bas, tous les regards étaient braqués sur moi. Aujourd'hui, dîner seul, même dans des établissements gastronomiques, est devenu assez courant.
Récemment, je suis allé dîner dans un restaurant étoilé MICHELIN situé dans le nord de l’Allemagne. J’avais choisi d’y aller tôt pour profiter de la vue panoramique. Mais à ma grande surprise, il n’y avait que cinq tables, chacune occupée par une seule personne : quatre hommes et une femme. Quand la nuit est tombée, l’attention s’est détournée du paysage pour se concentrer sur cette salle presque vide. L’ambiance est devenue un peu gênante : un silence pesant s’est installé, et certains convives ont commencé à se tortiller sur leurs sièges, visiblement mal à l’aise. Je me suis surpris à faire pareil, par mimétisme.
À un moment donné, la femme a fait remarquer qu’il était étrange que plusieurs personnes dînent seules sans échanger un mot. « Serions-nous tous des cœurs solitaires ? » L'ambiance s'est alors étendue, et nous avons commencé à discuter entre nous, chacun partageant un peu de son histoire. Pour ma part, j’ai dû faire preuve d’inventivité, car, évidemment, je ne pouvais pas révéler ma véritable identité. Je me suis donc improvisé agent immobilier le temps d’un repas, ce qui m’a valu quelques remarques sur le fait que les étrangers achètent toutes les propriétés du coin.
La glace brisée, nous avons parlé de tout et de rien : de la fête de la bière à Munich, du football, et bien sûr, de gastronomie, de vin et du Guide MICHELIN. C’est à ce moment qu’un convive a lancé : « Il n’y a pas de musique dans ce restaurant, c’est sûrement parce que le Michelin n’aime pas ça. » Je l’ai regardé un petit moment, un peu perplexe. Mais au final, la soirée a été très agréable, entre anecdotes partagées et éclats de rire. »