Voyage 5 minutes 14 novembre 2022

Les Charentes, terre gourmande

Des marais de Marennes-Oléron aux pâturages de la Charente Limousine, des vignobles du cognaçais aux champs dorés du Ruffecois, les Charentes collectionnent les terroirs d’exception. Aussi fécondes que diverses, ces terres se révèlent riches en produits gourmands, qui nourrissent la gastronomie régionale et inspirent les grands chefs. Tour d’horizon des saveurs locales les plus irrésistibles.

Quand les coquillages sont rois

Il s’affiche sur toutes les cartes postales et autres brochures touristiques : le littoral charentais. Il n’est pas que beau ; il est aussi gourmand. Son écosystème unique, où l’eau douce des estuaires rencontre les flots de l’Océan Atlantique, a largement été façonné par l’homme, qui y récolte le sel depuis le Moyen Âge.

Aujourd’hui, on y élève aussi des coquillages d’exception, à commencer par les huîtres, qu’elles soient issues du territoire couvert par l’AOP Marennes-Oléron ou des marais de l’île de Ré, ou encore ceux des Boucholeurs. L’ostréiculture, c’est un univers à part : ses techniques et son savoir-faire uniques se découvrent à La cité de l'Huître de Marennes, installée au cœur du parc ostréicole. On se passionne pour la longue histoire de ce mets déjà apprécié des Romains, qui se décline aujourd’hui en « fines de claires », « spéciales » ou « pousse en claires ». Le restaurant Manger & Dormir sur la Plage, à Marennes, est idéal pour comparer ces différentes variétés.

Manger & Dormir sur la Plage, Marennes
Manger & Dormir sur la Plage, Marennes

L’huître se déguste un peu partout dans la région, des cabanes de dégustation plantées au cœur des marais aux tables des grands chefs, en passant par les stands des marchés. Elle est encore meilleure accompagnée d’un verre de blanc de l’IGP Vins charentais et d’une tartine de beurre AOP Charentes-Poitou. Original, le restaurant Les Saveurs de l’Abbaye, à Saintes, sert les huîtres légèrement pochées, accompagnées d’un œuf croustillant et de poireau « brulé ».

Élevées dans l’estuaire de la Sèvre Niortaise mais aussi à Oléron ou autour de l’île de Ré, les moules de bouchot sont également fort réputées. Dans les Charentes, il y a plusieurs façons de les consommer : à la marinière (avec du vin blanc et des oignons), en mouclade (cuites dans de la crème et relevées de curry) ou en éclade (ou églade), une technique oléronaise qui consiste à les saisir sur un brasier d’épines de pins. À Esnandes, près de La Rochelle, la Maison de la Baie du Marais Poitevin permet d’en savoir plus sur la mytiliculture charentaise.

Poissons et crustacés au menu

Le poisson local, pêché avec les petits bateaux des marins-pêcheurs du cru, est sur toutes les bonnes tables. Car les maigres, les bars et daurades, les anguilles, les merlus et merluchons, les turbots, les soles et autres céteaux abondent sur les marchés de La Rochelle, Rochefort, Royan, Angoulême, Cognac ou Saintes. Chez Le Jour du Poisson, à Saint-Denis-d’Oléron, le maigre est simplement grillé et agrémenté d’un subtil « jus d’arêtes ».

Il faut également citer les langoustines, spécialité du port de La Cotinière à Oléron, l’un des plus importants du littoral atlantique, où des visites guidées sont possibles. Au Relais des Salines, à Grand-Village-Plage sur l’île d’Oléron, les langoustines sont préparées dans un étonnant « gâteau » relevé d’une bisque d’étrilles.

Depuis quelques années, on trouve aussi des crevettes impériales « locales », nées et élevées dans les marais de la Seudre, d’Oléron ou de l’île de Ré. Une activité durable et responsable, qui permet d’utiliser les claires vacantes durant l’été, saison creuse pour l’élevage des huîtres… creuses.

© Vincent Coiquaud/ Les Saveurs de L'Abbaye, Saintes
© Vincent Coiquaud/ Les Saveurs de L'Abbaye, Saintes

Caviar et truites fumées pour surprendre

Du caviar en Charentes ? Bien sûr ! On en trouve à Gensac-la-Pallue mais surtout à Saint-Fort, dans l’estuaire de la Gironde, où de grandes marques françaises se sont installées pour le produire. Il est très apprécié des restaurants gastronomiques de France et d’ailleurs.

En Charentes, on élève également des truites arc-en-ciel ou fario. Celles du pisciculteur Yann Lafond, à Gensac-la-Pallue, sont les plus fines mais on en trouve aussi dans la région d’Angoulême, notamment sur la Touvre. Thierry et Julien Verrat les accommodent parfaitement dans leur Table du Fleuve, à Bourg-Charente.

Algues et salicornes, entre terre et mer

De plus en plus de grands chefs utilisent les herbes marines et les algues pour sublimer leurs plats. Récoltée en bord de mer dans les marais et estrans d’Oléron, de l’île de Ré et même de l’île Madame, la salicorne, parfois appelée « salade de la mer », s’invite volontiers dans les assiettes de fruits de mer et de poisson, les relevant avec délicatesse. Les algues comme la spiruline, la laitue de mer, les nori ou le wakamé apparaissent eux aussi sur les menus, comme condiments ou en accompagnement.

© Martin Keiler/iStock
© Martin Keiler/iStock

Histoire de sel(s)

La région produit du sel depuis au moins un millénaire. Aujourd’hui c’est la fleur de sel, récoltée par les sauniers de l’île de Ré et de l’île d’Oléron, qui est la plus prisée des gourmets. Si certains sauniers organisent des visites de leurs marais salants, on peut également découvrir l’intéressant Écomusée du marais salant de Loix, sur l’île de Ré, pour en apprendre davantage.

Cagouilles ou lumas ?

Cagouilles, c’est le nom que l’on donne ici aux escargots petits-gris. En Charentes, il y a plusieurs façons de les préparer : au beurre d’ail et fines herbes, un peu comme en Bourgogne, mais aussi dans une sauce au vin épaisse : on les appelle alors les « lumas ».

Belles viandes et dignes cocottes

Si la mer pourvoit largement aux plaisirs de la table, la terre n’est pas en reste. Les viandes se démarquent par leur grande qualité, avec de belles spécificités locales. Produit dans le Sud Charente, le veau de Chalais est renommé pour son extrême tendreté et sa forte jutosité. À cela s’ajoutent le bœuf de race limousine, très présent dans les prés du département de la Charente. Chez Poulpette à Cognac, le jeune chef aime travailler le quasi de veau de la ferme des Monts Verts, près de Montbron, qu’il sert grillé et accompagné de légumes primeur.

La poule de Marans, qui s’ébat aux frontières du Marais Poitevin, a la particularité de pondre des œufs de couleur rousse. Plus au sud, le poulet de Barbezieux offre une chair à la fois goûteuse et fine. C’est une espèce qui a bien failli disparaître : elle ne doit sa survie qu’à l’opiniâtreté de certains éleveurs locaux. Les chapons issus de cette race de volailles sont également très appréciés.

© Michael Pearce-Harvey/ Poulpette, Cognac
© Michael Pearce-Harvey/ Poulpette, Cognac

Légumes et autres verdures

Les maraîchers proposent toute une gamme de légumes locaux et de saison, qui s’épanouissent parfaitement sous le climat tempéré et ensoleillé des Charentes. Les pommes de terre primeur de l’Ile de Ré, qui jouissent d’une AOP, figurent parmi les mets les plus recherchés. Citons aussi les carottes de Jarnac-Champagne, appréciées pour leur goût sucré et doux.

Bien que produit dans tout l’ouest de la France, le melon charentais est particulièrement à l’aise dans la région. À l’est du département de la Charente, on trouve aussi des producteurs de noix du Périgord AOP, fruit qui se décline volontiers en huile et s’utilise aussi en pâtisserie.

Du côté de Jarnac et même au-delà, c’est la truffe qui fait parler d’elle. Durant la saison hivernale, un marché à la truffe se tient dans la ville de naissance de François Mitterrand ainsi qu’à Saint-Jean-d’Angély. Plus exotique, les Charentes sont également réputées pour leurs producteurs de safran, rassemblés dans une association.

Condiments d’exception

D’autres produits, non moins délicieux, sont inspirés du vignoble charentais : le Baume de Bouteville est un vinaigre balsamique élaboré avec du jus de raisin de Grande Champagne, élevé en barriques de cognac. La visite de la fabrique, voisine du château de Bouteville, permet de découvrir tous les secrets de sa production et de vivre une expérience gastronomique hors du commun. Quant aux vinaigres de Françoise Fleuriet à Rouillac, ils sont issus du pineau des Charentes et méritent tout autant d’être goûtés.

© FactoryTh/iStock
© FactoryTh/iStock

La ronde des fromages

Les chèvres fermiers au lait cru sont innombrables, comme le célèbre chabichou du Poitou, protégé par une AOP. Spécialité unique en France, la jonchée mérite d’être découverte. Il s’agit d’un fromage frais que l’on fait sécher sur des joncs. Elle s’accompagne généralement de sucre ou de confiture, voire d’une eau de laurier amandée. Originaire de la région de Mansles, en Nord Charente, le manslois est un fromage blanc au lait entier pasteurisé, à la texture extrêmement onctueuse et fondante. Le restaurant Les Flots, à Châtelaillon-Plage, ne manque jamais d’ajouter de bons chèvres du cru sur ses plateaux de fromages.

Desserts gourmands et confiseries

Le plus célèbre des desserts locaux est sans conteste la galette charentaise. Moelleuse, parfois agrémentée d’angélique, elle est préparée avec du beurre AOP Charentes-Poitou. Encore meilleure quand elle est chaude ! Du côté de Villebois-Lavalette, c’est la cornuelle qui régale les gourmands. De forme triangulaire, percé en son centre, ce sablé est agrémenté de grains d’anis rose et blanc. À l’origine, on préparait la cornuelle pour les Rameaux mais elle est désormais disponible toute l’année.

À Angoulême, les chocolatiers ne manquent pas de créativité et d’audace : Duceau propose ainsi une création en forme de marguerite, une référence à Marguerite de Navarre. Les confiseries et autres douceurs sont également nombreuses dans la région : Pichotte de La Rochefoucauld, Kroumir de Confolens, Bois-Cassé de Saint-Jean d’Angély… Difficile de résister.

© GAPS/iStock
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Vins et boissons

Pour accompagner les repas, les crus de l’IGP vins charentais se prêtent à tous les accords. Essentiellement vinifiés avec les cépages sauvignon ou colombard, les blancs se révèlent frais, vifs et délicatement fruités. Ceux de l’île d’Oléron figurent parmi les plus réputés. Les rosés, qu’ils viennent de l’île de Ré, des falaises de Talmont ou des sablières de Guizengeard, sont les compagnons parfaits des repas d’été. Quant aux rouges, ils sont depuis quelques années en nette progression. Terre de liberté, l’IGP permet d’utiliser une grande variété de cépages, des cabernets francs aux gamays en passant par les pinots noirs ou la négrette.

En apéritif ou en digestif, on s’offre un pineau des Charentes AOC ou un cognac AOC, qu’il soit VS (minimum 2 ans de vieillissement), VSOP (4 ans), XO (10 ans) ou XXO (15 ans). L’excellence de la filière, qui produit l’eau de vie la plus prestigieuse au monde, n’est plus à démontrer.

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