L’image est saisissante. Dans ce coin de Paris endormi dès les premières heures de la nuit, de grandes baies vitrées laissent deviner une agitation manifeste de cuisiniers autour d’un four Josper et d’une double parilla à manivelles, qui, inlassablement, entame un mouvement de montées et descentes de grilles sur des braises ardentes. Belles pièces de viandes maturées (blondes de Galice, simmental), légumes et poissons entiers (turbot, st pierre) sont ainsi saisis sur le vif et viennent nourrir la gourmandise de convives enthousiastes. Bienvenue dans la table de partage imaginée par le chef Raphaël Rego, dont la silhouette amincie laisse deviner le stress né de la dimension titanesque du chantier qui a mené à l’ouverture de ce nouveau lieu.
Le décor est à l’image de celui qui l’a imaginé, chaleureux. Bois importé du Portugal, toit habillé de bambou, tables en marbre et grande fresque, Déjeuner au jardin de Fogo, réalisée par Florence Bamberger, hommage à peine dissimulé au peintre brésilien José Francisco Borgès, qui évoque la double culture franco-brésilienne de Raphaël Rego. « J’ai toujours joué dans ma cuisine sur l’attachement à mon pays natal et à mon pays de cœur. Je travaille des produits français sur lesquels j’essaye d’apporter une touche brésilienne. J’ai environ 5% de mes producteurs au Brésil, pour les farines de manioc et les piments notamment, mais la plupart sont français. C’est important pour moi, car avec le temps, j’ai aussi appris à retirer la trop puissance du goût. Par exemple, un piment brésilien cultivé dans la Nièvre n’a pas la même puissance que le piment local. Le parfum est le même mais le piment est plus doux… ».
Apaisé, retrouvé et heureux, le chef se nourrit de l’enthousiasme généré par FOGO pour redynamiser le voisin OKA (un sas sépare les deux établissements). « FOGO est devenu essentiel dans le développement de OKA, il lui transmet une énergie positive. Ce n’est pas son annexe, les deux établissements se répondent et sont complémentaires. Les produits et le sourcing sont les mêmes, mais j’ai réalisé grâce à FOGO mon rêve d’une table de partage joyeuse autour du feu, dans un esprit canaille et léger ».
L’adage selon lequel « un bon chef doit savoir s’entourer » trouve ici une résonnance particulière. Outre une équipe dynamique et une salle gérée de main de maître par Yoann Grégory, Meilleur Ouvrier de France Maître d’Hôtel du Service et des Arts de la Table 2023, Raphaël Rego a renforcé son staff avec un boulanger, François Massonnet, qui travaille uniquement pour ses restaurants (« 7 variétés de pains, dont 2 vegan, avec des farines paysannes magnifiques ») et un maraîcher, Marc Faragoni, avec lequel une relation de confiance (et de travail) s’est créée.
« On a déniché, à 1h de Paris, un potager de 2,7 hectares avec plus de quarante variétés de légumes, chez un super maraîcher qui avait besoin d'un nouveau défi. On s’est associé sur une très longue durée, pour qu’il cultive pour nous et l’on a investi, à la fois dans le talent de l'homme, et dans du matériel, des serres notamment. C’est une entente gagnante entre les deux parties et qui nous permet de servir, aux restaurants, des pépites comme ses pommes de terre sucrées qui sont de véritables bonbons, ses carottes, ses betteraves, ses navets, son fenouil et beaucoup de fleurs comestibles… ».
Après quelques mois d’ouverture, FOGO s’affirme déjà par des classiques : picanha de bœuf persillé passé au grill ; st pierre maturé, fruits de la passion, sauce pilpil ; gros carabinero à sucer, jus de tête et des desserts déjà considérés comme des signatures : le saint-honoré caramel et noix d'Amazonie et le millefeuille pralin-vanille, servi quasiment au mètre !
Hero Image : Joann pai / FOGO