Portraits 3 minutes 06 juillet 2021

Les micropousses d'Urbi Leaf, un max de goût

La ferme urbaine Urbi Leaf cultive des micropousses au cœur de Bruxelles. Les petites herbes sont l'une des astuces que les chefs des restaurants MICHELIN bruxellois aiment utiliser pour créer de la profondeur. Une interview avec Anne Colonval, la dirigeante inspirée.

« Les micropousses ont une grande valeur gastronomique » explique la Française basée à Bruxelles. « Tant sur le plan visuel que sur le plan gustatif. Elles ont leur place sur chaque assiette. Ce sont des ingrédients très intéressants et super faciles à utiliser. Il suffit de les mettre dans l'assiette crue, au moment de servir. Et en retour, vous obtenez des feux d'artifice. Elles ajoutent de la saveur, de la nuance et des quantités impressionnantes de micronutriments. Par exemple, une barquette de micropousses de brocoli contient 40 % de sulforaphane (un antioxydant, ndlr) de plus qu'un kilo de brocoli cru. Les micropousses sont le stade où une plante contient le plus de nutriments. »

Anne Colonval vend ses micropousses avec beaucoup de passion. Elle a commencé sa ferme urbaine à l’aube de ses cinquante ans, alors qu’elle souhaitait donner un sens à sa vie professionnelle. Elle a travaillé pendant des années dans l'industrie hôtelière, jusqu'à ce qu'il y a trois ans, elle soit obligée de relever un nouveau défi. Sa passion pour l'alimentation et l'environnement l'a amenée à cultiver des petites pousses. « L'agriculture urbaine, à mon avis, est une solution d'avenir pour nourrir les habitants des grandes villes. Nous sommes de plus en plus nombreux sur ce globe. Nous devons être capable de nourrir tous ces gens, hein. »

« J'utilise des méthodes de production innovantes pour produire au plus près du consommateur. Urbi Leaf est hébergé aux Ateliers des Tanneurs, un centre d’entreprise qui n'utilise que de l'énergie verte. En travaillant avec des lumières LED, je consomme très peu d’énergie. Mes émissions de CO2 ne sont pas non plus très élevées car j’essaie d’optimiser mes tournées et de livrer le plus possible en vélo électrique. »

« Même si ma façon de travailler est innovante et technologique, j'essaie de reproduire la nature en ville. Je veux travailler le plus naturellement possible. C'est pourquoi, par exemple, je travaille avec du terreau utilisable en agriculture biologique, sans aucun intrant chimique. »

Anne Colonval ©Urbi Leaf
Anne Colonval ©Urbi Leaf

Bruxelles, ville exemplaire
La grande vitrine d'Urbi Leaf, avec ses étagères remplies de micropousses en phase de croissance, attire beaucoup l'attention de passants. L’entreprise est située dans les Marolles, juste à côté de l’Église de la Chapelle, et est voisine, entre autres, du Marché Bio des Tanneurs. Mais malgré la curiosité du grand public qui s’arrête très souvent devant le magasin, Anne Colonval doit se battre pour faire reconnaître son produit.

« Le grand public est encore méfiant. Nous vivons dans un monde où les gens aiment acheter un produit connu. Lorsqu'ils goûtent aux micropousses, ils sont surpris par le concentré de saveur et émerveillés par la palette de formes et de couleurs. Je compte d’ailleurs organiser des ateliers pour que tout un chacun ait la possibilité de produire ses propres micropousses dans sa cuisine. Ce n'est pas de la concurrence pour moi car toutes les variétés ne sont pas si faciles à cultiver. »

« Aujourd'hui, les restaurants sont mes meilleurs clients et mes plus grands ambassadeurs. Comme chez Soi, bon bon, Le Tournant, Sanzaru, etc. Tous mes clients restaurateurs sont situés à Bruxelles, parce que je veux travailler en hyperlocal. Je livre généralement en vélo électrique. J’ai besoin d’augmenter mon portefeuille de clients pour pouvoir en vivre décemment, mais cela ne veut pas dire que je vais commencer avec de gros volumes. La qualité passe avant tout. »

Anne Colonal et Lionel Rigolet du Comme chez Soi ©Urbi Leaf
Anne Colonal et Lionel Rigolet du Comme chez Soi ©Urbi Leaf

C’est dans cette quête de qualité qu’Urbi Leaf fait la différence. Oui, il existe des kits d'autoculture qui vous permettent de cultiver vous-même des micropousses. Mais ne comparez pas cela au travail qu’Anne Colonval accomplit jour après jour. Son perfectionnisme et son sens du détail sont donc absolument nécessaires. « Vous devrez tenir compte de paramètres importants comme la densité du semis, le substrat et le sol que vous utilisez, la température, la ventilation, etc. Je pèse mes graines par barquette au centième de gramme près. Il y a beaucoup de choses à faire. Je travaille avec des clients exigeants et je dois obtenir un résultat parfait à chaque fois. »

« Je propose une quarantaine de variétés différentes aujourd'hui et certaines sont assez coriaces à faire pousser (rires). Je fais tout ce que je peux pour que les micropousses soient prêtes le mardi, quand la plupart des restaurants commencent leur semaine. Mais il faut savoir que les radis sont prêts en cinq jours, le shiso en 25 jours, et entre les deux, il y a les petits pois, la moutarde, les radis, la coriandre, etc. Je garde la trace de tout cela dans des tableurs Excel afin de pouvoir éventuellement engager quelqu'un pour m'aider. Aujourd'hui, je fais tout moi-même et je n'ai pas un jour de repos. »

Chaque mois, Anne Colonval vend environ deux mille barquettes et elle aimerait augmenter ce nombre. Elle est convaincue que les initiatives durables qui germent de plus en plus dans la capitale gagneront en importance. « C'est vraiment en plein essor ici. Par exemple, il existe depuis très récemment une fédération des agriculteurs bruxellois. Ça bouge bien. À mon avis, Bruxelles est un exemple en Europe en matière d'agriculture urbaine. »

« Mon rêve est de faire partie d'un projet plus vaste, représentatif de ce qui est possible dans la ville. Avec les maraichers, les apiculteurs, les éleveurs de moutons, etc. Une sorte de ferme-urbaine représentative de tout ce qu’il est possible de faire en ville en matière de production et de transformation agricole. Parce que je crois en la voie que je suis. C'est la voie de l'avenir. L'avenir que je veux donner à mes enfants. »


Illustration ©Anne Colonval

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