Portraits 2 minutes 12 juin 2020

Cyril Molard : « Je suis un bosseur, pas un génie »

Cyril Molard a conscience d’être un chef privilégié. Il peut développer sa cuisine comme il l’entend, il continue de grandir et son restaurant était plein dès la réouverture d’après Covid-19. Un entretien avec le chouchou des gourmets luxembourgeois.

« On ne parle pas de la crise corona au restaurant » raconte le chef Molard. « À moins qu'on nous en parle, bien sûr. Les gens en ont assez. Nous faisons tout selon les règles, nous avons des masques et du gel pour les mains. Mais les gens doivent sortir d’ici avec un bon sentiment. Ils veulent profiter. N'oubliez pas que de nombreux enfants sont à la maison depuis des mois. À un moment donné, les gens veulent souffler. »

Le public des gourmets se dirige de plus en plus vers Oetrange. Ma Langue Sourit s’est niché au sommet avec ses deux étoiles Michelin et en récolte les fruits. « J’ai pu, par exemple, cuisiner à la Villa Louise à Aix-la-Chapelle, un lieu exclusif où les meilleurs chefs sont invités. Mon équipe comprenait, entre autres, Christophe Bacquié, Arnaud Lallement de L'Assiette Champenoise et Julien Royer d'Odette. »
« Je suis également l'un des douze derniers candidats des Grandes Tables du Monde. J'ai été reçu par Anne-Sophie Pic, j’ai discuté avec Thérèse et Jonnie Boer, dont je suis vraiment fan, et j’étais à table avec Peter Goossens et David Martin, entre autres. Ce fut une expérience que je n'oublierai jamais. Si le travail acharné conduit à tout ça, je le fais avec un immense plaisir ! »

“Nos invités doivent s'amuser. Déguster une sauce, tremper son pain dedans.”

Charcutier
Dès que Ma Lange Sourit a rouvert ses portes après la fermeture obligatoire, le restaurant était bondé. Le chef Molard s’étonne à chaque fois de cette belle reconnaissance. « C'est incroyable. Nous travaillons très bien depuis trois ans maintenant. C’est bien parce qu’on arrive à assurer. Nous avons un restaurant de gourmandise. Cela ne doit pas être trop intellectuel, nos clients n'attendent pas des plats qui nécessitent une longue réflexion. Le plat doit être lisible, même si nous y avons beaucoup travaillé. Nos invités doivent s'amuser. Déguster une sauce, tremper son pain dedans. Notre cuisine est claire et elle apporte toujours une attention particulière à la gourmandise. Un peu comme en pâtisserie. Mais ça ne doit pas être élaboré à l’extrême. Nous avons une cuisine libérée. »

Cyril Molard aime utiliser les sauces pour apporter de la profondeur. Cela peut être un jus aux crustacés bien corsé, avec du homard et de la fleur de courgette farcie, ou l'intensité d'une sauce yakitori autour d’un canard de Gers fumé au foin. Vous pouvez en être certain : les invités les savourent jusqu'à la dernière goutte ! Le chef a tout appris sur le terrain. Il est charcutier de formation et estime qu'il progresse encore chaque jour.

« Je suis un bosseur, pas un génie. Je ne suis pas un prodige qui met quelque chose dans l’assiette et fais en sorte que ça fonctionne immédiatement. J'ai fait des progrès en travaillant. Et je le fais toujours. Les membres de mon équipe ont travaillé dans de très grandes maisons. Ils m'aident également beaucoup à avancer. »
« Quelqu'un qui apprend en faisant est généralement très curieux. Vous n'avez pas ces codes d'école hôtelière en vous. On est plus libre. J'ai beaucoup appris de ce que les chefs m'ont montré. C'est une progression constante. Si vous arrêtez d'avancer, vous devez vous remettre en question. »

La gourmandise dans toute sa pureté. © kirchgasser/Ma Langue Sourit
La gourmandise dans toute sa pureté. © kirchgasser/Ma Langue Sourit

Nordiques
Cyril Molard sait qu'il peut toujours compter sur ses collègues luxembourgeois. La communauté des chefs au Grand-Duché est très solidaire. Ils se rencontrent régulièrement pour échanger des idées et s'entraider. « Nous sommes très complémentaires, nous avons chacun notre motivation. Je me sens complètement épanoui grâce à la reconnaissance que je reçois. D'autres la recherchent. Il n'est pas facile de trouver son chemin. Quand nous nous réunissons, nous en parlons. Nous nous donnons des conseils. Il n'y a pas de concurrence entre nous, mais de la complicité. »
« Beaucoup de grandes choses se produisent au Luxembourg. Comme Sandrine Pingeon qui fournit nos légumes. C’est un vrai succès. De nombreux chefs achètent leurs légumes chez elle et les Luxembourgeois s’alignent dans sa grange. Il n'y a rien de mieux que de se promener dans ses jardins pour créer sa nouvelle carte. Sentir, toucher. Un réel plaisir ! »

La cuisine du chef Molard a plusieurs facettes. Il combine ses plats autour de l'offre de légumes de Sandrine, à la fois dans les entrées et en dessert, avec des préparations de viande traditionnelles. Tout cela s'inscrit dans l'expérience qu'il souhaite offrir. « Nous sommes très nordiques dans notre esprit. Il n'y a pas longtemps, j'ai voyagé dans le nord de l'Europe. J'aime offrir de beaux produits sans être ostentatoire. Notre intérieur récemment rafraîchi est également inspiré par ce style. »
« Je prends également plus le temps pour parler aux gens. Après leur apéritif au salon, ils passent dans la cuisine avant d’accéder à leur table. Dans la cuisine, ils reçoivent une attention que nous préparons devant eux. C'est un moment de partage. Et s’ils le souhaitent, ils peuvent également venir voir le dressage des assiettes. Nos chefs les apportent ensuite à table. L’assiette reste le plus important, mais aujourd'hui, manger au restaurant est beaucoup plus que ça. »

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