Portraits 2 minutes 02 décembre 2022

Telle mère, tel fils : le genre Linster

Le plus grand triomphe d'un(e) chef pourrait bien être la succession de sa fille ou de son fils. Transmettre son nom, partager son savoir, voir évoluer sa cuisine vers une nouvelle vie. Nous avons rendu visite à Louis Linster à Frisange pour parler de la façon dont il gère l'héritage de sa mère Léa.

« Telle mère, tel fils ne s'applique pas vraiment à nous » déclare Louis Linster. « Nous avons une approche différente. Elle aimait donner du show. Je pense qu'elle voulait être actrice avant (rires). Je suis plutôt perfectionniste. Le travail doit être bien fait avant que je ne me rende chez les convives. Nous sommes des opposés à ce niveau-là. Même si, en tant que chef, je dois évidemment mes connaissances classiques à ma mère. »

Louis Linster est la quatrième génération à diriger une entreprise de restauration à Frisange. Anciennement cafés-restaurants, la mère Léa a été la première à s'engager sur la voie de la gastronomie. Dès 1987, le restaurant est récompensé par une étoile MICHELIN ; deux ans plus tard, elle est la première femme à remporter le célèbre concours du Bocuse d'Or. Sa renommée parmi les convives s'est encore accrue grâce à des apparitions à la télévision allemande. Le nom Linster sonne comme une cloche dans la région du Luxembourg.

Louis Linster ©Wolf Guy
Louis Linster ©Wolf Guy

« Ma mère a appris à cuisiner dans le restaurant de ses grands-parents. Moi, je l'ai appris d'elle. On a toujours habité au-dessus du restaurant. J'ai grandi ici. Mais à 18 ans, j'ai décidé de partir en Suisse pour des études d'économie. J'en avais assez de tout ça. Je voulais quelque chose de différent. Mais pendant ma deuxième année, ma mère m’a demandé de revenir pour l'aider. Ce que j'ai fait. »

« J'ai tranquillement trouvé mon chemin et j'ai commencé à aider en cuisine jusqu'à devenir chef. Je n’ai jamais fait de formation ou de stages. J'ai toujours appris en observant les chefs dans notre cuisine. Dès le plus jeune âge. Mon fils Léon n'a que sept mois mais, mais il est déjà souvent dans la cuisine, comme moi quand j'étais petit. »

©Wolf Guy
©Wolf Guy

La conversion en chef s'est faite naturellement pour Louis Linster. L’ambition n'a jamais été affichée. Mais lorsque Léa Linster a décidé de profiter de sa retraite en 2017, il était à la tête d'un restaurant étoilé MICHELIN. Aujourd'hui, mère et fils ne se retrouvent en cuisine que pour organiser des cours de cuisine mensuels. « Elle vient aussi dîner de temps en temps, s'il y a de la place (rires). Ma mère est à la retraite et aime jouer les baby-sitters. Avec mon fils elle rattrape le temps qu'elle n'a pas toujours eu avec moi. »

« Nous avons toujours été une maison familiale. Aujourd'hui, peut-être même plus qu'avant. Ma femme est également dans le métier avec nous, en tant que responsable de salle. Pensez à nous comme à la version plus jeune d'un restaurant familial. Nous choisissons des personnes qui restent avec nous pendant longtemps. Nous sommes huit en cuisine et nous passons beaucoup de temps ensemble. C'est une équipe très soudée. Par exemple, mon sous-chef, qui a commencé chez nous en 2015, est de retour après des passages chez Ma Langue Sourit et Pierre Gagnaire à Londres. Seul le chef pâtissier, avec ses 25 ans de service, est là depuis plus longtemps que moi (rires). »

©Wolf Guy
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Chez Léa Linster, on connait souvent les convives par leur nom. Les grands dîners de famille n'y font pas exception. Pour ces occasions spéciales, il arrive parfois que Louis ressuscite de vieux plats "emblématiques" de sa mère, sur demande. Mais ce sont des exceptions. Tout tourne désormais autour d'un menu qui change régulièrement. « Les bases de la cuisine passée et actuelle sont les mêmes, mais pour le reste elle est complètement différente. J'ai appris les goûts et les techniques de ma mère, mais les clients d'aujourd'hui recherchent une cuisine plus moderne et plus légère. J’ai beaucoup voyagé et mangé chez des collègues pour m'inspirer pour ce qui est ma cuisine aujourd'hui. »

« J'utilise des influences de partout. L'Asie et l'Amérique latine, par exemple. Nous voulons faire voyager les gens. Nous investissons beaucoup dans les saveurs. Le visuel est également important. Les gens aiment les assiettes joliment composées. Une fleur ici ou là, ce n'est pas pareil. C'est peut-être un avantage que je n'aie pas eu de formation, c'est ce que dit ma mère en tout cas. Vous prenez des influences de partout. Lorsque nous avons repris l'affaire, nous nous demandions sans cesse si les clients allaient l'apprécier. Maintenant, nous n’y pensons plus. Nous suivons notre chemin et les clients adorent ça. »

©Wolf Guy
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Un plat que Louis Linster intègre régulièrement à son menu, avec beaucoup de succès, est son association de foie gras avec une langoustine crue et une vinaigrette de betterave à l'acidité agréable. Cette dernière apporte la fraîcheur avec laquelle les chefs modernes aiment jouer. Ce plat signature montre comment le restaurant Léa Linster s’est mué en Louis Linster, bien qu'actuellement l'ancien nom demeure.

« Au début, les convives me connaissaient un peu moins, mais cela a changé. Les habitués plus âgés qui, au départ, demandaient pourquoi les classiques de ma mère n'étaient plus au menu, demandent maintenant quand ce menu va changer à nouveau (rires). L'intérieur du restaurant a fait l’objet d’un grand rafraîchissement pendant les fermetures dues au covid. Pour la cave à vin, je m’en suis occupé en 2015. Dans un restaurant doté d'une étoile MICHELIN, les accords mets-vins sont également importants. Grâce à tous ces changements, je peux dire qu'aujourd'hui, c'est vraiment mon restaurant. »

Illustration principale ©Wolf Guy

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