« Les salsifis me rappellent des souvenirs d'enfance, et pas les plus savoureux », s’amuse le chef Gillard. «Comme beaucoup de ma génération, ils me rappellent la cantine de l’école et les plats familiaux où une béchamel bien épaisse masquait tout (rires). À l’époque, on noyait les légumes sous des sauces riches, et les salsifis, souvent sortis du congélateur ou sous vide, n’étaient pas toujours au sommet de leur fraîcheur. Pourtant, c’est un légume délicat, presque noble. Quand le potager s’appauvrit, les salsifis restent une option précieuse. Pour moi, c’est un peu l’asperge de l’hiver : croquant, doux, avec une pointe de vanille ».
Le chef de Barge entend réhabiliter ce légume boudé. « L’avantage, c’est qu’il suscite peu d’attentes, ce qui ouvre un champ infini à la créativité. Comme pour le chicon et les légumes amers, il faut rééduquer les palais, surtout ceux des jeunes générations, souvent plus réticentes. C’est pourquoi nous l’intégrons dans des plats familiers en y apportant une touche créative. »
![Bienvenue chez Barge ©Maurine Toussaint](https://d3h1lg3ksw6i6b.cloudfront.net/media/image/2025/02/07/b2cd041509904c2297f5c57796bce2a4_Barge.jpg)
« Nous épluchons les salsifis et les découpons en forme de pâtes pour les rendre plus séduisants. Ensuite, nous les cuisinons façon cacio e pepe avec un excellent pecorino râpé, une sauce légère aux notes fraîche et légèrement fermentées. Pour le poivre, nous optons pour une variété aux arômes subtils et fumés, afin d’apporter de l’équilibre. Et pour sublimer le tout, une touche de truffe finement râpée vient donner du relief au plat. »
Pour l’approvisionnement, Grégoire Gillard se fournit principalement chez le primeur bio le Monde des Mille Couleurs. Il veille à ce que les salsifis soient bien fermes et encore recouverts de terre pour mieux les préserver. Il évite les plus fins, dont la texture devient trop fragile après épluchage. L’idéal ? Un diamètre compris entre un et un centimètre et demi.
Le chef poursuit : « Savez-vous qu'il en existe différentes sortes ? En Belgique, le terme « schorseneer » est utilisé par les néerlandophones pour designer ce que les francophones appellent « salsifis », mais ce sont des variétés différentes. L'un a une peau fine et claire, l'autre une chair plus foncée. Le goût varie légèrement et cette différence se ressent aussi en fonction du moment de la saison où ils sont récoltées. »
![Salsifis cacio e pepe de Barge ©Maurine Toussaint](https://d3h1lg3ksw6i6b.cloudfront.net/media/image/2025/02/07/27a5c2fd88d7455495511607db7b79f9_Barge_Salsifi__Maurine_Toussaint-1.jpg)
L’un des inconvénients des salsifis frais ? Ils sont plein de terre, et salissent la cuisine. Le chef les nettoie donc soigneusement avant de les éplucher, avec des gants, car la peau libère une résine collante. Une fois épluchés, il les plonge dans de l’eau citronnée pour qu’ils restent bien blancs.
« Nous les préparons de manière classique, afin qu'ils restent croquants tout en étant fondants. Par exemple, je les associe à des coquilles Saint-Jacques, de la camomille et du citron confit, ils apportent de la texture au plat. Les salsifis se marient très bien avec l'acidité, qui met en valeur leur saveur vanillée. On peut aussi les fermenter ou les associer à du fromage de chèvre frais, pour une touche d’acidité supplémentaire. »
« Comme ce légume est plutôt doux, j'aime l’associer à des saveurs plus puissantes, comme le café, une belle association avec du pigeon. Il s’adapte à toutes sortes de combinaisons, y compris dans les desserts, légèrement caramélisé et accompagné de fruits secs. C’est une manière gourmande de sublimer ce légume souvent mal-aimé. »
Head Photo : préparation de salsifis chez Barge ©Maurine Toussaint