Voyage 4 minutes 05 juin 2024

COQODAQ : bien plus que du poulet frit

Le chef Simon Kim revisite avec brio le poulet frit en fusionnant les traditions coréennes et américaines.

New York by Le Guide MICHELIN

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Kat Odell est journaliste food et écrivaine vivant à New York. Elle raconte son expérience dans ce temple du poulet frit tenu par Simon Kim dont le restaurant COTE détient une Étoile MICHELIN. 


L’espace d’un instant, je me demande où je viens d’atterrir : le décor fait penser à une salle de bains… Aurais-je fait fausse route ? La porte d'entrée ne comporte aucune indication. Mais non, je suis bien au COQODAQ. Cet établissement est le deuxième du chef Simon Kim (fondateur de Gracious Hospitality Management) après COTE, steakhouse aux influences coréennes implanté dans le Flatiron District. En entrant, je remarque trois lavabos en stéatite noire, ornés de savons Hermès. Normal : dans l’antre du finger food, certes agrémenté de caviar, le lavage des mains n’a rien de facultatif.

Le restaurant se déploie sur près de 750 mètres carrés tout en longueur. Les 190 couverts sont répartis sur deux rangées de confortables banquettes en demi-lunes de couleur vert kaki. Des arcs en verre ceints de bronze assurent l’éclairage des tables tandis qu’un bar pouvant accueillir 18 convives longe la salle. C’est le domaine de Sondre Kasin (COTE, Undercote), barman préposé à la confection des « coqtails », déclinés dans une carte mêlant classiques du genre, boissons raffinées à base de thé et élixirs aux vertus insoupçonnées. Ainsi, le boricha (thé d’orge coréen) s’accorde à merveille avec un mélange de jus de pastèque, d’eau de coco, d’orge et de whisky. Une boisson « très hydratante, idéale pour rafraîchir avec le plat », assure le barman. Près de l’entrée, quatre tables hautes flanquées de huit tabourets attendent les clients venus sans réservation. Une option appréciable lorsque le restaurant affiche complet.

Confortablement installée sur une spacieuse banquette, je parcours sur un iPad la carte des boissons conçue par Victoria James. J’y découvre la plus longue liste de champagnes de tout le pays. Chez COTE, la sommelière s’est fait un nom auprès d’une clientèle jeune et urbaine grâce à sa sélection de vins naturels, pour beaucoup d’origine française. Au total, COQODAQ recense 600 bouteilles, dont 400 sont des champagnes, allant du Selosse le plus rare au KRUG Collection 1985. 



Un breuvage excellent certes, mais bien trop raffiné pour accompagner un modeste poulet. D’autant qu’ici, un client dînant sans réservation ne déboursera pas plus de 38 dollars pour un menu complet, certes signé Seung Kyu Kim, ex chef cuisinier du Jean-Georges. Si l’on souhaite dépenser davantage, la sélection du raw bar a de solides arguments : huîtres à 4 dollars pièce ou un trio de tartares (truite de mer arrosée de sauce soja à la truffe noire, thon durable épicé au piment calabrais et sériole aromatisée au raifort et au yuja, sorte de pamplemousse coréen) accompagné de fines chips au levain, facturé 68 dollars. Les amis de Simon Kim, comme les rappeurs new-yorkais Nas et Busta Rhymes, se laisseront peut-être aussi tenter par le caviar Beluga Royal Petrossian à 208 dollars les 30 grammes, ou 807 dollars la boîte de 125 grammes. 

COQODAQ
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C’est ce qui fait la particularité de COQODAQ et a en partie contribué au vif succès du COTE (avec son fameux menu « Butcher’s Feast » à 74 dollars) : une carte qui s’adapte à toutes les bourses. On s’y régale pour moins de 50 dollars, mais l’on peut aussi y dépenser bien plus.

Au poulet frit s’ajoute une sélection de petites assiettes coréennes et américaines. Le poulet peut se commander à l’unité ou décliné dans le menu « Bucket List ». Pour accompagner le volatile, vous aurez le choix entre un savoureux glaçage à l’ail et à la sauce soja résolument umami ou une sauce plus piquante et sucrée à base de gochujang, pâte coréenne à base de piments rouges fermentés. 

À peine ai-je reposé mon verre sur la table que la première salve de poulet fait déjà son entrée en scène, présentée dans un seau gris en céramique frappé du logo COQODAQ conçu, par Jono Pandolfi, le céramiste des tables étoilées qui signe une grande partie de la vaisselle du restaurant.

COQODAQ
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Choisir la volaille idéale, explique le chef Simon Kim, relève d’un véritable processus de R&D : « Nous avons goûté d’innombrables poulets issus de différents élevages aux États-Unis. » Le choix s’est porté sur des poulets d’une ferme amish de Pennsylvanie élevés en plein air sans hormones ni antibiotiques, avec une alimentation composée à 100 % de végétaux. Le chef saumure la viande pendant 24 heures puis recouvre les morceaux d'un mélange de farine de riz (le plat est donc sans gluten), de poivre de Cayenne et de poudre de gingembre, avant de faire frire le tout à plusieurs reprises. Le résultat : une croûte épaisse et croustillante qui maintient la chair incroyablement juteuse à l'intérieur, empêchant le jus de s’échapper… Jusqu’à ce que l’on croque dedans. Un conseil : gardez les serviettes à portée de main.

La volaille est servie avec des banchans (petits plats d'accompagnements coréens): dés de radis daikon marinés et sucrés et tranches de céleri saumuré (plus salées). Les quatre sauces sont présentées dans de mini flacons pulvérisateurs : moutarde au miel, parmesan au poivre, sauce barbecue au gochujang et sauce verte au piment thaï au citron vert.

COQODAQ
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Au moment où je m’apprête à croquer dans un autre morceau de poulet, la deuxième fournée arrive. Trônant sur une piédestal noir brillant, le poulet est ici laqué avec l’assaisonnement choisi, servi avec les accompagnements à la carte. Si vous avez été inspirés, vous aurez opté pour le « mac and cheese », un fromage fondu à se damner. Le chef utilise un mélange fromager à base d’American cheese aux notes florales dont il garde la recette secrète. Autre choix : le gâteau de riz épicé du nom de tteokbokki, entièrement recouvert d’une sauce au piment coréen de couleur rouge vif. Les fans de sauce piquante y tremperont allègrement leur volaille.

Après cette montée au paradis du poulet, il est temps de redescendre sur Terre. Les nouilles luisantes parsemées de graines de Perilla suivies du yaourt glacé crémeux au citron acidulé et nappé de sauce aux myrtilles assurent un atterrissage en douceur.

COQODAQ
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COQODAQ n’est donc pas un restaurant de poulet comme les autres. Il se démarque de la concurrence à bien des égards. Par exemple l’huile utilisée pour la friture : Simon Kim a jeté son dévolu sur une huile à base de canne à sucre fermentée. Produite par la jeune start up Zero Acre Farms, elle est composée à 90 % de graisses monoinsaturées (résistantes à la chaleur), ce qui la rend encore plus saine que l’huile d’olive.

Simon Kim s’est aussi attaché à rendre son établissement plus durable en collaborant avec Peat/Afterlife Mushrooms, une ferme basée à New York engagée dans l’économie circulaire et la revalorisation des déchets alimentaires. Par ailleurs, COQODAQ prolonge la durée de vie de son huile en utilisant des friteuses Henny Penny à système de filtration intégré qui contribuent à diminuer l’empreinte environnementale de l’établissement. En fin de parcours, l’huile usagée est transformée en biodiesel. 

D’où vient l’idée du COQODAQ ? « Je raffole du poulet frit », indique Simon Kim avant d’ajouter qu’il a aussi « vu une opportunité de créer un concept axé sur la qualité et la volonté de faire les choses de manière durable ». Son objectif : offrir un produit qui soit « meilleur au goût, meilleur pour les humains et pour la planète ». 

En résumé, COQODAQ mêle avec raffinement deux cultures à travers un plat réconfortant. Le propos du lieu va au-delà du simple poulet croustillant (même escorté de caviar et de champagne), on tente ici de sublimer l'un des plats les plus populaires sans altérer son essence. Un chose est sûre : COQODAQ met tout son cœur à relever ce défi.

COQODAQ
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Hero image: Jason Varney for Rockwell Group


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