Portraits 2 minutes 27 mai 2020

« C’est un avertissement de la nature »

Nous devons mieux gérer notre planète. Écouter la nature. Tel est le constat de Fabrice Salvador. Le chef de La Cristallerie à Luxembourg s’engage à donner le bon exemple.

« Nous en savons trop peu sur le monde qui nous entoure », déclare Fabrice Salvador. « Les gens prennent de plus en plus d'espace. Je vois cette crise comme un avertissement de la nature. Prenez les élevages de masse, par exemple. Il faut arrêter tout ça ! Ces élevages sont connus pour être un vecteur important de maladies. Nous devons réfléchir soigneusement à la bonne façon de procéder. »
Pendant le confinement, le chef Salvador prend le temps de cogiter longtemps. Lorsqu'il n'est pas occupé avec ses deux filles et sa famille, il réfléchit à sa profession et à l'avenir. Il en discute également régulièrement avec ses collègues de Relais & Châteaux. Et il agit. « Nous n'avons pas utilisé de plastique dans le restaurant depuis un an et demi, par exemple. Nous nous posons des questions, telles que : pourquoi utilisons-nous le sous-vide ? Nous n'en avons pas besoin pour susciter des émotions. C'est également possible avec d'autres cuissons. »

“Il faudrait cesser de se fournir de persil en Israël, ou d'offrir des asperges en novembre et des fraises en janvier.”

« La symbiose avec la nature et la planète est très importante. Utiliser des légumes locaux, acheter localement autant que possible. Bien sûr, il n’est pas possible de trouver le plus beau turbot au Luxembourg, mais la Bretagne n'est pas si loin, n'est-ce pas ? Récemment, j'ai dîné sur Texel, au restaurant Bij Jef. C'est incroyable ce que le chef fait avec les produits de son île. Il faudrait cesser de se fournir de persil en Israël, ou d'offrir des asperges en novembre et des fraises en janvier. Ce sont des erreurs qui ne devraient plus être commises. Je trouve également qu’il faut présenter le produit sur l’assiette. Il faut le respecter, pas le travailler inutilement. Les chefs doivent réaliser qu'ils jouent un rôle important. »


Une feuille blanche
Fabrice Salvador prend également le temps de penser à l'avenir du personnel. La passion des chefs les fait avancer, mais souvent ils ne prennent pas le temps de regarder en arrière. Si leur équipe ne suit pas, il devient difficile de transmettre cette passion. « Nous devons recommencer avec une feuille blanche. Ce n'est pas un secret que le recrutement est un problème. Je connais des chefs étoilés qui ont arrêté parce que leur équipe ne pouvait pas les suivre. Nous devons leur montrer la beauté du métier, appliquer les bons outils. Qui veut, de nos jours, encore travailler seize heures par jour pour un salaire moyen ? »

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« Nous devons rechercher la qualité, car la quantité n'est pas là. Si je ne peux ouvrir qu'un seul service par jour parce que c'est la seule façon de transmettre les émotions que je veux, alors je dois le faire. Je sais que tout doit être parfait lors de notre réouverture. Je le réalise. Nous allons être observé. C'est pourquoi je ne propose pas de plats à emporter avec La Cristallerie. Il est très difficile de proposer une expérience étoilée avec un service à emporter. Mais si les clients le veulent vraiment, nous devons écouter. »
Pendant le confinement, le chef Salvador a continué de gérer à distance les trois restaurants de l'hôtel Le Place d'Armes. Il souhaite réouvrir ces restaurants progressivement.

Le décor élégant de La Cristallerie © Guillaume Brigaudiot/La Cristallerie

« D'abord Plëss, puis La Cristallerie et en troisième le Café de Paris. Avec Plëss, nous pourrons vraisemblablement faire des plats à emporter. De préférence avec des produits locaux, comme du poulet luxembourgeois rôti. »
« Je dois dire que la fermeture a été un coup dur. Un peu comme des athlètes qui manquent les Jeux olympiques. Mais on doit mettre les choses en perspective, la santé passe avant tout. L'humanité a connu des moments plus difficiles. Nous ne devons pas tourner le dos, mais foncer. Les gens devront toujours manger. Et les gourmets auront toujours besoin d'un endroit pour s'échapper. »


Illustration Fabrice Salvador : ©Grégoire Gardette/La Cristallerie

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