Voyage 3 minutes 29 octobre 2025

À Montréal, la créativité règne

À Montréal, la créativité ne se résume pas à une petite touche d’imagination dans l’assiette : c’est le moteur qui fait tourner les cuisines les plus ambitieuses de la ville.

Montréal a toujours eu un penchant pour tout ce qui est expérimental. D’ailleurs, la réputation de la ville en matière d’originalité n’est plus à faire. Elle s’observe au détour des rues, dans les formes anguleuses de ses édifices brutalistes, dans la fresque murale immortalisant Leonard Cohen ou encore dans les étals du Marché Jean-Talon. Elle se niche non pas surtout, mais jusque dans l’assiette. Car les chefs de Montréal ne se contentent pas de faire la cuisine :; ils mettent en scène soir après soir de véritables expériences culinaires empreintes de tradition et de terroir.


« C’est la ville rêvée pour un chef », déclare Jason Morris, chef exécutif à Marcus. « Elle concentre tellement de talent, toutes tendances confondues; ça va de l’ultra-chic au gastro relax. On bénéficie d’un terreau hyper fertile, qui mêle décontraction, inventivité, bon goût, poésie et culture. »

Morris a fait de Marcus un restaurant qui rappelle presque une scène de spectacle. « Très honnêtement, la carte ici à Marcus est avant tout le reflet de l’énergie qui règne dans la salle », explique-t-il. « On passe notre temps à imaginer des plats et on en retravaille un paquet. De sorte que ceux qui arrivent jusqu’aux clients doivent absolument être représentatifs de la vitalité et de l’enthousiasme de Montréal envers les restaurants. » Tout peut basculer d’une seconde à l’autre : un client peut commander un plat éprouvé à la carte et le chef riposte avec un menu dégustation « probablement conçu à la volée ». Cette juxtaposition – l’impro gastro pendant le coup de feu – c’est le genre de chaos qu’il affectionne particulièrement. « Quand ça marche, c’est un instant de grâce comme on n’en voit nulle part ailleurs. »

L’imaginaire culinaire montréalais fonctionne à la saisonnalité, une tendance qui frise parfois l’obsession. Morris prend l’exemple des pommes issues du verger jouxtant la maison maternelle et du miel de la maison Miel D’Anicet qu’il a choisis de mettre à la carte de Marcus. « Quand le produit est bon, c’est facile de le mettre en valeur », ajoute-t-il. « D’ici le mois de novembre, nous allons commencer nos fermentations et nos conserves pour préserver toutes ces saveurs locales pendant la saison froide. »

 Don Riddle | Valerie Hunter / Marcus
Don Riddle | Valerie Hunter / Marcus
Karolina Jez / Marcus
Karolina Jez / Marcus

Pour le chef Rémi Lemieux de Mémo, l’inspiration c’est avant tout une question de racines, au sens figuré comme au sens propre. « On a des produits incroyables, et si on a la chance de pouvoir aller très régulièrement au Marché Jean-Talon, on peut les cuisiner avant les autres », dit-il. Le marché est depuis longtemps un haut lieu de la créativité montréalaise, à la croisée des cultures immigrées et québécoises. La cuisine de Lemieux est imprégnée de toutes ces couches mémorielles. « Ce que je cuisine, ce sont mes meilleurs souvenirs… Tous ces repas que j’ai pris au cours de ma vie dans les différents quartiers de Montréal; toutes ces saveurs se reflètent dans la façon dont je conçois le profil aromatique de mes assiettes. »

Le risque n’est pas le fruit du hasard avec Lemieux. « Il n’y a qu’en cuisine que je prends des risques. À mes yeux, rien n’est plus ennuyant que de manger un plat qui a le goût de son intitulé sur le menu. Je veux qu’on me surprenne! C’est ça, Montréal. On s’astreint à peu de règles, ici. Ce qui compte vraiment, c’est d’être authentique et fidèle à ses principes. »

Rémi Lemieux / Mémo
Rémi Lemieux / Mémo
Rémi Lemieux / Mémo
Rémi Lemieux / Mémo

Le goût du risque est peut-être ce qui explique que la scène culinaire montréalaise accueille si chaleureusement les chefs qui aspirent à bousculer les habitudes. Massimo Piedimonte a baptisé son restaurant le Cabaret l’Enfer. Un nom qui détonne, inévitablement. « Une sélection s’est naturellement opérée dans notre clientèle », concède Piedimonte. « Peut-être seuls les bons vivants sont-ils attirés dans notre restaurant, ce qui expliquerait l’ambiance qui y règne. »

Selon lui, la créativité est autant une question de contexte que de cuisine. L’inspiration puise est puisée tout à la fois dans l’architecture, la musique et le palais surentraîné d’une population multiculturelle. « Notre raison d’être doit énormément à l’architecture brutaliste qui nous environneentoure, à la musique de Leonard Cohen ou d’Elisapie, au street art de Teetz, aux tomates qui poussent ici et qui ont le goût du soleil, à la joie de vivre des Québécois. » Ses menus sont des déclarations d’amour – tantôt enjouées, tantôt politiques. « Désormais j’aimerais rendre hommage aux peuples autochtones. Au-delà des reconnaissances territoriales, je veux il s’agit de revisiter la cuisine et les traditions autochtones. »

Cabaret l'Enfer
Cabaret l'Enfer
Cabaret l'Enfer
Cabaret l'Enfer

Ces chefs écrivent collectivement un nouveau chapitre de l’histoire culinaire de Montréal, un chapitre dans lequel ils s’affranchissent des conventions, dans lequel aucune idée n’est trop audacieuse, aucun souvenir trop humble, aucun parfum trop fugace. Pour Morris, le défi est de continuer à repousser les limites. « J’ai été engagé ici il y a cinq ans pour casser les codes, j’ai l’impression d’avoir perdu de mon mordant au fil des ans », reconnaît-il. « Je me rends compte qu’il est temps pour moi de sortir à nouveau de ma zone de confort pour retenter l’impossible. »

À Montréal, la créativité règne. Et quand on a la chance de s’assoir à l’une de ses tables, on est parcouru d’un frisson d’excitation à la vue de ces chefs qui ne reculent devant aucun défi et de ces assiettes qui concentrent l’imagination débridée de la ville.



Hero image: Cabaret l'Enfer


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