Reportages 2 minutes 07 juin 2024

Les confessions de Werner Loens : rendez-vous à La Belle Maraîchère

Huit mille cinq cents repas dans plus de 20 pays, 3 600 séjours à l’hôtel, 20 000 rapports rédigés, 1 600 000 kilomètres parcourus en voiture… Le palmarès de Werner Loens, après trente-sept années en tant qu’inspecteur et directeur MICHELIN, est impressionnant. Son histoire, inspirante, l’est tout autant. Aujourd’hui : rendez-vous à la Belle Maraîchère.

À mes débuts, le schéma était clair : une semaine de préparation des tournées au bureau, puis trois semaines sur la route. Cette préparation consistait à écrire en détail où nous allions manger et dormir, quels établissements nous allions visiter et le nombre de kilomètres que nous allions parcourir chaque jour. On faisait également toutes les réservations d’hôtels et restaurants par téléphone et recevaient une avance de fonds pour nos dépenses. En francs belges et en florins. Bien que nous ayons rapidement obtenu une carte de crédit.

Pour chaque province, nous avions des fichiers, de la taille d'une boîte à chaussures. Elles devaient être vides à la fin de l'année. Chaque fiche était suivie d’une visite ou d’un repas. Toutes ces observations étaient notées dans des dossiers – à la main, bien sûr. Après notre tournée, on revenait avec une grosse pile de dossiers de bien un mètre de haut, liés par de la ficelle. Une assistante et le directeur vérifiaient chaque dossier avec beaucoup d’attention. Il arrivait donc régulièrement qu’on était appelé dans son bureau pour défendre une décision.

On partais le lundi à 7h30 et on rentrais le vendredi soir. Une semaine bien remplie constitué que de travail. Manger, visiter, écrire et les déplacements. Il y avait peu de contacts, les médias sociaux n'existaient pas encore, et même téléphoner était souvent difficile. Le GPS ? Cela n'existait pas. Nous nous fions à nos incroyables cartes routières Michelin. Il arrivait parfois que l'on tourne en rond pendant un certain temps pour trouver un restaurant dans le fin fond d’une forêt ardennaise.



À mon avis, le travail d'inspecteur était dans le passé plus difficile parce qu'il n'y avait pas de facilités comme l'internet et une bonne voiture. Le volume de travail était beaucoup trop important, l'administration très lourde. Aujourd'hui, nous disposons d'une plateforme qui permet aux inspecteurs du monde entier de travailler dans le même système. Mais les temps de trajet sont plus longs parce que les restaurants sont plus dispersés et moins ouverts. On reste plus longtemps bloqué sur les autoroutes autour d'Utrecht et d'Anvers. Il est plus difficile de trouver un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée, car les jeunes ont des attentes différentes de celles d'autrefois. La société a changé. Il faut aussi être plus concentré aujourd'hui. Si à l’époque une carte de restaurant était composée d’une vingtaine d’ingrédients, aujourd’hui elle en contient trois fois plus. Le métier d'inspecteur nécessite une volonté de toujours être curieux et d'apprendre, de faire de la recherche sur les nouveaux produits et également sur le monde du vin. Enfin, chaque époque a ses défis.

Revenons un instant à la fin des années 1980. Les moyens de communication étant plutôt rares à l'époque, deux fois par semaine, à huit heures du matin, nous devions nous rendre au bureau de poste de la commune où nous passions la nuit. Au cas où il y aurait un message urgent (poste restante) ou qu’une personne de la direction voulait nous accompagner pour la journée. Mais mon premier patron avait une autre façon de me retrouver.

Je me souviens de ma première tournée. Le matin, je prévoyais de visiter le Château du Mylord, à Ellezelles. Le chef m’informait qu'il avait reçu un coup de fil de mon patron et que je devais appeler le bureau d’urgence. Sur le moment, je n'ai pas osé demander si je pouvais téléphoner depuis le restaurant, je me suis donc dirigé vers une cabine téléphonique avec une certaine anxiété. Qu'est-ce qu'il voulait de toute façon ? Il m'a dit d'annuler mon déjeuner et qu'il m'attendait à midi, à La Belle Maraîchère à Bruxelles. Il s'est avéré qu'il aimait tout simplement déjeuner avec toute l'équipe de temps en temps le vendredi après-midi. J'étais soulagée !


La semaine prochaine : une étoile à chaque coin de rue

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