« Dans ma famille on se transmet pas des techniques culinaires, mais beaucoup d’amour », résume-t-elle. « L’amour de recevoir, de transmettre ». Troisième génération de femmes cheffes, Nadia Sammut a repris solo en 2018 La Fenière, auberge tenue avant elle par sa grand-mère Claudette et sa mère Reine, dans le petit village de Lourmarin, au Sud de l’Hexagone. Au milieu des oliviers, planque un petit hôtel éponyme de onze chambres. Et surtout ce restaurant auréolé d’une Étoile depuis 1995. Auquel s’est ajouté en 2020 une distinction supplémentaire, l’Étoile Verte « récompense très importante pour moi » souligne-t-elle.
Cette cheffe engagée a créé le Mouvement Nourrir, qui encourage « des agriculteurs, des cuisiniers, des nourriciers » à imaginer un nouveau modèle d'alimentation régénératrice du vivant. « Ça passe par exemple par des recherches en agro-climatologie sur les semences de demain, d’ici et d’ailleurs qui pourraient s’intégrer sur notre territoire ». Elle est aussi à l’origine du Fonds de dotation Vie, qui apporte entre autres des repas dans les hôpitaux aux familles et soignants. Il faut dire que c’est l’histoire de sa vie. « Je suis née avec une maladie cœliaque, une pathologie de l’intestin grêle qui fait que je ne pouvais manger ni gluten, ni sucres ni lactose. » Gravement malade, Nadia Sammut passe deux ans alitée avant de prendre conscience que c’est à elle d’oeuvrer en cuisine pour inventer des plats à la fois délicieux et sains.
Ne manquez pas le premier épisode de Oui, cheffes !, série podcast imaginée par le Guide MICHELIN, disponible sur toutes les plateformes d’écoute (voir liens en fin d'article). À l'occasion de sa sortie, nous avons posé, à chacune des protagonistes, la même question : quelles sont les 5 femmes qui vous inspirent, et que vous souhaiteriez mettre en lumière ?
Claudette Sammut, ma grand-mère
« D'origine juive tunisienne, elle est arrivée à Marseille dans les années 1950. C'est un modèle pour moi, dans le sens où elle a su s’affranchir de bien des choses, être ferme et militante, tout en restant dans une douceur. Elle est devenue cuisinière pour pouvoir nourrir sa famille. Elle a commencé par cuisiner pour l’Institut franco-scandinave d'Aix-en-Provence, puis elle a ouvert une table de famille chez elle. Ce qui m'a permis de parler anglais très tôt, car je discutais constamment avec les étudiants étrangers qu'elle accueillait.
C'est elle qui m'a élevée, car mes parents travaillaient. Elle m'adorait et ne cuisinait que ce que je pouvais manger - des aliments qui ne me faisaient pas mal. Je me souviens avec délectation de ses sauces tomates, qui mijotaient dès le matin, de son agneau, de ses gombos... Grâce à elle, je n'ai pas été écœurée par la cuisine. A table, je n’avais le droit de rien faire ! Mamie Claudette s’occupait de tout. »
Ivanice Pires Tanoné, cheffe de la tribu des Kariri-Xoco
« Il y a trois ans, au festival Agir pour le Vivant, à Arles, j'ai rencontré une cheffe de tribu, porte-parole des peuples racines au Brésil —ces peuples autochtones, descendants des premiers habitants des nations colonisées ou envahies par les pays de la vieille Europe, qui ne représentent plus qu'environ 4 % de la population mondiale.
Ivanice m’a bouleversée par son énergie et la manière par laquelle elle arrivait à raconter les liens qui l'unissaient à sa terre. Maîtresse de cérémonies sacrées et de chants spirituels chamaniques, gardienne du savoir ancestral de sa communauté, à 68 ans, la cacique luttait pour la préservation de ses terres, sa culture et de ses traditions. Défendant un monde en harmonie avec l’ensemble du vivant. »
Françoise Wilhelmi de Toledo, médecin suisse experte du jeûne
« C'est l'une des sommités internationales en matière de jeûne thérapeutique. A la tête du département de recherche de la clinique Buchinger Wilhelmi, au sud-ouest de l’Allemagne, dans la ville thermale d’Überlingen, la Docteure Françoise Wilhelmi de Toledo travaille depuis quatre décennies pour démontrer les interactions entre les mécanismes d’autoguérison du corps et de l’esprit. Dans la lignée des travaux scientifiques entrepris par le médecin allemand Otto Buchinger (1878–1966), elle revient au caractère fondamental du jeûne, loin des modes.Moi-même, dans la maladie, j'ai dû apprendre à faire le vide pour reconstruire mes habitudes alimentaires. C'est fondamental, surtout quand on sait aujourd'hui que notre cerveau est complètement tributaire de notre intestin. »
Lucie Basch, entrepreneuse (Too Good To Go)
« Cette jeune trentenaire française, ingénieure de formation, a co-fondé l'application Too Good To Go, qui met en relation des commerçants ayant des invendus en fin de journée avec des consommateurs. Objectif ? Sauver les restes alimentaires, les revendre à moindre coût ou les offrir, mais en tous cas éviter le gâchis alimentaire. Aujourd'hui, en-dehors de l'Hexagone, son appli cartonne dans 17 pays en Europe et en Amérique du Nord. Lucie affiche un sourire permanent, elle a cette force d’entrepreneuse sociale dont on a besoin aujourd'hui. »
Mère Teresa, religieuse catholique, prix Nobel de la paix 1979
« Elle a consacré comme on sait sa vie aux malades, aux pauvres et aux désoeuvrés de Calcutta, en Inde. C'est un modèle pour moi, car elle offre le soin aux autres sans condescendance. Moi-même je fais attention : dans la philantropie il ne faut pas se perdre soi-même. C'est bien beau de dire j'aide, mais il faut pas déséquilibrer la relation, dans un rapport dominant/dominé. »
Photo de Une : Nadia Sammut © Sébastien Dubois Didcock
