Reportages 1 minute 05 juillet 2024

Les confessions de Werner Loens : les sensibilités communautaires

Huit mille cinq cents repas pris dans plus de 20 pays, 3600 séjours à l’hôtel, 20 000 rapports rédigés, 1,6 million de kilomètres parcourus en voiture… Le palmarès de Werner Loens, après 37 années en tant qu’inspecteur puis directeur de la sélection du guide MICHELIN pour le Benelux, est impressionnant. Son histoire, inspirante, l’est tout aussi. Dans cet article, il aborde le sujet des sensibilités communautaires en matière de gastronomie.

“Les inspecteurs MICHELIN ne s’aventurent pas au-delà du ring de Bruxelles” : c’est une remarque que l’on entend parfois dans le sud de la Belgique. Cette rivalité entre le sud et le nord existe depuis le premier jour où j’ai pris mes fonctions. Pendant longtemps, la Wallonie a compté le plus grand nombre de restaurants étoilés. Mais on constate un revirement depuis les années 1990, la Flandre a pris une longueur d’avance, notamment grâce à une meilleure situation économique, et des équipes en cuisine mieux formées.

Chaque année, lors de la présentation du palmarès, tout l’enjeu pour nous était d’expliquer cela. Certains journalistes nous reprochent de négliger la Wallonie, ce qui est totalement absurde. Si le sujet est aussi sensible aujourd’hui c’est aussi car les vrais critiques culinaires se font rares. Il existe encore des journalistes spécialisés en gastronomie mais je dirai que la plupart ne savent pas de quoi ils parlent.



Ces critiques à l’encontre des inspecteurs émanent de journalistes qui ne paient pas leurs additions, soit parce que les journaux n’ont plus de budget, soit car ils sont amis avec les chefs, parce qu’ils ont écrit un livre sur eux par exemple. Sans compter les influenceurs et les gastronomes du dimanche qui partagent leurs opinions sur les réseaux sociaux… On ne peut pas parler de véritable critique culinaire. Ils manquent de réflexion et d’objectivité. Au guide, nous avons cette distance critique.

L’un des reproches les plus fréquents faits au Guide MICHELIN, ce sont ses méthodes et critères, réputés mystérieux. Durant mes 17 ans en tant que directeur, j’ai toujours cherché à démystifier cela en expliquant clairement notre façon de travailler. Les gens l’ignorent mais les inspecteurs se rendent huit à neuf fois par semaine au restaurant, rédigent des rapports détaillés… Naturellement leurs connaissances et expertise s’améliorent à chaque repas, ils développent une réflexion approfondie sur ce qu’ils dégustent.

Vous savez, en tant que vrai Bruxellois bilingue, je trouve cette dichotomie entre le nord et le sud malheureuse. Pour rappel, la Wallonie compte autant d’étoiles que la Catalogne, une région mondialement réputée pour sa gastronomie. Pour moi, le fond du problème est ailleurs.


La semaine prochaine : De Librije

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