Reportages 5 minutes 11 avril 2025

Podcast « Oui, Cheffes ! » : 5 femmes talentueuses qui inspirent la cheffe Georgiana Viou

Ne manquez pas ce dernier épisode de « Oui, Cheffes ! », consacré à Georgiana Viou et sorti le 11 avril 2025. L'idée de cette série podcast lancée par le Guide MICHELIN ? Rendre plus visibles toutes ces incroyables business women de la gastronomie et de l'hôtellerie en France. Sachant que ces femmes aux trajectoires exceptionnelles ont elles-mêmes été inspirées par d'autres...

« Ce qui est drôle », s'exclame-t-elle d'entrée de jeu, « C'est que mon autobiographie est sortie ce mois-ci... Et porte le même titre que votre série podcast ! » Publié aux éditions Michel Lafon, l'ouvrage Oui, cheffe ! (au singulier), retrace le parcours hors normes de cette femme battante, depuis le Bénin, son pays d'origine, jusqu’à l’Étoile MICHELIN obtenue en 2023.

De la littérature à la cuisine

Georgiana Viou est née et a grandi à Cotonou, capitale économique et plus grande ville du Bénin, en Afrique de l'Ouest. Arrivée en France à 22 ans, la jeune étudiante entame une licence en Littérature et Civilisations étrangères à l'université Paris-Sorbonne, qu'elle interrompt pour suivre sa passion : la cuisine. C'est via la télévision que cette toque solaire se fait connaître et s'affirme, participant à des concours culinaires. Elle termine notamment parmi les finalistes de la première saison de MasterChef , en 2010. 

Cotonou, Paris, Marseille, Nîmes 

Vraie autodidacte (même si elle obtiendra plus tard, en candidate libre, un CAP Cuisine), Georgiana met le cap sur Marseille, et se perfectionne chez Lionel Levy, Sylvain Sendra et Hissa Takeuchi. Métissée, énergique, vibrionnante, la cité phocéenne lui ressemble. Elle s'y sent bien. C'est ici qu'elle ouvre L’Atelier de Georgiana, de 2011 à 2014. Un petit espace hybride dans lequel elle dispense des cours de cuisine, tout en proposant au déjeuner un menu improvisé, sorte de « bœuf » culinaire que l'on dévore sur de grandes tablées partagées.

En 2015, cette maman de trois enfants lance son restaurant, Chez Georgiana, aujourd'hui fermé. L'établissement porte déjà en germe cette cuisine d'autrice, instinctive, inclassable, inspirée des plats du Bénin, du Sud de la France, et de ses voyages. En 2021, elle pose ses valises à Nîmes, en tant que cheffe du restaurant Rouge, au sein du Margaret-Hôtel Chouleur, splendide hôtel particulier du XIVème siècle. Très vite, après une première saison, elle fait évoluer la carte, transformant la brasserie originelle en un gastronomique de haut vol... Récompensé deux ans plus tard d'une Étoile.

Sur les femmes qui l'inspirent

« Plus jeune, quand j'ai commencé en France, il n'y avait pas beaucoup de femmes cheffes en cuisine, alors des femmes de couleur, vous pensez ! Du coup, je ne peux pas dire que je m’identifiais à ces cheffes françaises. Mais je me suis intéressée à leur parcours. J'essayais de comprendre comment je pourrais, un jour, moi aussi, faire ma place. »

« La chance que j'ai eu, c'est que j’ai grandi dans une famille où la femme était puissante et respectée, où l'on ne faisait pas de différence entre fille et garçon. Je viens quand même du Pays des Amazones ! » rappelle-t-elle, en référence aux Agodjiés, ces femmes guerrières qui aux XVIIIème et XIXème siècles formaient l'unité d'élite de l'armée du royaume du Dahomey, dans le sud de l'actuel Bénin.


Georgette, la grand-mère de Georgiana Viou © Archives familiales de Georgiana Viou
Georgette, la grand-mère de Georgiana Viou © Archives familiales de Georgiana Viou

Ma grand-mère Georgette, ma mère, mes tantes

« J'en parle dans mon livre Oui, cheffe !  : ma grand-mère Georgette a été, avec ma mère et mes tantes, des modèles de femmes fortes, indépendantes, de business women aguerries. Ma mère a divorcé très tôt. J’avais autour de 5 ans, nous vivions à Cotonou, avec ma grand-mère, une autre de mes tantes qui avait également divorcé... Georgette n'était pas la 'mamie gâteaux' cliché, elle menait une vie professionnelle très active. A la tête de son entreprise d'import-export, elle commercialisait des tissus wax, des spiritueux (pastis, martini...), des cigarettes, du riz, etc. Toujours impeccablement tirée à quatre épingles, cette femme stricte menait son monde à la baguette, et m'impressionnait. On m’a d'ailleurs appelée Georgiana en son honneur. 

Maman (Romaine Marie Thérèse, NDLR), mes tantes Pauline, Rita, Marianne... Toutes ces femmes m'ont fortement inspirée et inculqué la valeur du travail. D'elles, je tiens que dans la vie on peut plier mais jamais rompre. Que l'important, c'est de se positionner : ou on est dans la catégorie des gens qui font, ou dans celle de ceux qui subissent. De Georgette, j'ai appris à être d'abord exigeante envers moi avant de l'être avec les autres. Et qu'on a le droit de prendre des risques, assumer l'échec, ne pas avoir peur de se relever. »

Romaine Marie Thérèse, la mère de Georgiana Viou © Maki Manoukian
Romaine Marie Thérèse, la mère de Georgiana Viou © Maki Manoukian
Georgiana Viou enfant, dans les bras de sa grand-mère Georgette © Archives familiales de G. Viou
Georgiana Viou enfant, dans les bras de sa grand-mère Georgette © Archives familiales de G. Viou

La sommelière Suzanne Cochran

« J'ai beaucoup d'admiration et de gratitude pour cette jeune sommelière, aujourd'hui consultante indépendante, qui m'a aidée à décrocher l'Étoile MICHELIN en travaillant à mes côtés chez Rouge, de janvier 2022 à mai 2023. Moi je n’ai pas la culture du vin, je n’ai pas grandi dans une famille qui m’a appris à goûter le vin. C'était la première fois que je travaillais avec une sommelière.

Fille et petite-fille de vignerons, Suzanne a débuté comme stagiaire au Peninsula Paris, avant de passer commis sommelière. Là-bas, elle a été formée par Xavier Thuizat —Meilleur sommelier de France et MOF 2022, Prix de la Sommellerie du Guide MICHELIN 2024. Elle l'a suivi à l’Hôtel de Crillon, travaillé deux ans au sein du restaurant David Toutain, à Paris, puis, après un passage chez Vincent Favre-Félix, à Annecy, est venue me rejoindre. Elle m'a confié avoir eu envie de travailler avec moi, après avoir goûté mes plats. 

Ce que j'ai tout de suite aimé chez elle, c'est qu'elle avait compris ce truc qu'au-delà des accords, il fallait plutôt parler de dialogues entre tel plat ou vin. J’aimais son approche, son intelligence pour s'adapter à ma cuisine très instinctive, tout sauf figée. Sur un même plat, elle proposait plusieurs vins, qui pouvaient tous marcher, en fait. Suzanne a ce talent de savoir se mettre au niveau des clients, quel qu’ils soient. De dialoguer avec eux. À un connaisseur aguerri, elle va proposer une cuvée rare, et en parler de façon pointue, car elle sait que la personne maîtrise ce langage. Mais face à un néophyte, elle saura expliquer un terroir avec des mots simples. »

La sommelière Suzanne Cochran © Maki Manoukian
La sommelière Suzanne Cochran © Maki Manoukian

Toni Morrison, écrivaine 

« J'ai eu un espèce de black out au moment où j'ai décidé de rompre avec mes études de littérature à La Sorbonne. Certaines lectures nourricières me sont revenues ensuite. Dans mon autobiographie, j'ai tenu à mettre en ouverture une citation de cette grande dame,  lauréate du prix Pulitzer en 1988, romancière, essayiste, critique littéraire, dramaturge américaine, qui fut aussi professeure de littérature et directrice de publication. 

C'est une phrase extraite de son roman Délivrances (2015) : 'je me suis rappelé que la liberté n’est jamais gratuite. Il faut lutter pour l’obtenir. Travailler pour l’obtenir et s’assurer qu’on est capable d’en faire usage.' 

Ma liberté, que j'assume totalement aujourd'hui, m’a souvent coûté cher. Cette femme, je la trouve inspirante, parce que c’est la première Afro-Américaine à recevoir le prix Nobel de littérature en 1993. Moi j’ai été la première cheffe noire à décrocher une Étoile en France. Je pense que sans l'avoir voulu, conscientisé, je donne de la visibilité aux femmes noires, et aux femmes autodidactes en général. »


Dominique Crenn © Clément Sirdey
Dominique Crenn © Clément Sirdey

Dominique Crenn, cheffe

« Je me retrouve dans cette cheffe Française rock'n roll qui vit aux Etats-Unis, à San Francisco, où elle a obtenu une troisième Étoile en 2018 pour son Atelier Crenn. Dominique Crenn a ce côté un peu fou-fou, et en même temps très sérieux. C'est une femme libre, joyeuse, capable d'esquisser un pas de danse sur Instagram avec son épouse, de se battre pour ses convictions. On pourrait avoir l’apparence de quelqu'un d'un peu volatile, perché... Mais on n’arrive pas a ce stade-là sans être ultra-rigoureuse, bosseuse. 

Je ne me censure plus aujourd’hui. Avant, je pouvais me retenir de dire certaines choses. Aujourd'hui, j’essaie juste de trouver la bonne manière pour être audible, pour ne pas être quelqu'un qui juste rit, pleure, râle. »


Viola Davis, actrice et productrice

« Je l’aimais déjà comme actrice - je la trouve époustouflante, dans sa capacité à incarner des personnages. Puis j'ai vu une interview d’elle par Oprah Winfrey, où elle raconte son enfance aux Etats-Unis. J'étais sidérée. Viola Davis racontait avoir grandi dans une pauvreté extrême. Avant-dernière d'une famille de six enfants, elle est née dans une ancienne plantation, où étaient par le passé exploités des esclaves, en Caroline du Sud. Les planches tombaient des murs, les tuyaux fuyaient constamment, pas de téléphone, pas de nourriture, des rats… 

C'est aussi son moteur, ce qui l'a poussée à réussir. Viola Davis est la première actrice afro-américaine à avoir décroché un Oscar, un Tony et un Emmy, récompensant respectivement une interprétation exceptionnelle au cinéma, au théâtre et à la télévision. En 2023, on lui remet en outre un Grammy Award, ce qui en fait la 18e personnalité à posséder les quatre trophées majeurs du divertissement aux Etats-Unis. »


Myriam Aït Amar et Alabama Duel, céramistes 

« J'avais 13 ans quand j'ai vu le film Ghost en 1990, et cette scène de poterie d'une sensualité affolante entre Demi Moore et Patrick Swayze. C'est sans doute de là que vient ma fascination pour la céramique ! C'est un art que j'aimerais apprendre. Myriam Aït Amar, je suis tombée sur sont travail complètement par hasard. En 2011, à Marseille, une amie m’a fait découvrir ses créations. Elle crée aussi des suspensions luminaires, des bijoux... C’est fragile, précieux. C'est d'ailleurs ce que j’aime dans la céramique : cette poésie, ce côté à la fois robuste car on peut boire ou manger dedans, mais aussi très fragile. J’aimerais beaucoup qu’on fasse quelque chose ensemble un jour.

Une autre céramiste que j'aime beaucoup, et que j'ai rencontrée quand j'avais mon restaurant à Marseille, c'est Alabama Duel, moitié du duo Atelier Franca. Certaines de ses pièces en Terracotta ont cette couleur ocre, typique du village de Roussillon, dans le sud... Mais qui me rappelle aussi la latérite, cette fameuse roche très riche en oxyde de fer et alumine, ces sols rouge vif ou rouge-brun d'Afrique. »



Georgiana Viou © Maki Manoukian
Georgiana Viou © Maki Manoukian

Ecoutez dès à présent le quatrième épisode de « Oui, Cheffes ! », consacré à Georgiana Viou :




Georgiana Viou © Maki Manoukian
Georgiana Viou © Maki Manoukian

Photo de Une : la cheffe Georgiana Viou du restaurant Rouge, à Nîmes © Maki Manoukian

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