« Pourtant, je suis plus un chef qu'un homme d'affaires », explique Broutard. « Cela ne m’intéresse pas vraiment d’être un homme d'affaires. Ma femme et mes partenaires gèrent les établissements. Moi, je m’occupe du personnel, des achats et de la cuisine. Mes restaurants et mes clients, voilà ce qui me motive. »
C’est par hasard que le Français s'est retrouvé dans l’hostellerie. Il a suivi l'exemple d'un ami parti travailler comme apprenti en cuisine. De Bavay, il s'est rendu à Montreuil-sur-Mer et en Angleterre, entre autres. Une vacance dans un restaurant italien l'a poussé à déménager en Belgique à Mons. « Après quelques pérégrinations, j'y ai finalement ouvert Le Rancho Grill avec un partenaire. Je l’ai exploité pendant onze ans. Je voulais cuisiner à un niveau gastronomique, comme je le faisais auparavant. Mais sur les conseils de mon père, j'ai décidé de me concentrer sur un produit. C'est devenu la viande, totalement par hasard. »
« Un ami de mon père, qui travaillait à l'abattoir d'Avesnes, m'a beaucoup inspiré. Il m'a appris à désosser une pièce de bœuf, entre autres. »
Un exemple significatif : lorsque la légende de la cuisine française Joël Robuchon a dégusté de la viande au restaurant de Luc Broutard, il a décidé de travailler avec les mêmes fournisseurs. Cela montre à quel point il a un nez pour la qualité. Avec La Table du Boucher, Broutard a contribué à l'essor des restaurants de viande modernes.
« C’est parfois parti dans tous les sens ces dernières années avec tous ces restaurants de viande. Si le mûrissement de la viande n’est pas maîtrisé, c'est terrible. Toutes les variétés de viande ne s’y prêtent pas. Vous pouvez aller un peu plus loin avec la Rubia Gallega et le Holstein, mais à mes yeux, chaque variété de viande est bonne après quinze jours de maturation. Elle doit préserver le goût de la viande. »
“Je ne pense pas qu'ailleurs en Belgique, on façonne les pâtes que nous produisons à la main.”
Haute Couture
La Table du Boucher est toujours le cheval de bataille du chef Broutard, même si son offre s'est considérablement élargie ces dernières années : il propose également le restaurant de produits de la mer La Madeleine, des tapas espagnoles étoilées du Comptoir de Marie, et Le Chalet et La Banque pour des plats plus traditionnels. « Il y a un peu de tout dans notre offre. Nous ne sommes pas un concurrent de nous-mêmes (rires). À chaque fois, ce sont des opportunités qui se sont présentées à moi. Et comme mes restaurants sont à proximité, je peux tout surveiller. Parfois un peu plus l’un que l’autre si besoin. Je façonne les plats avec les chefs qui les exécutent. Tout est programmé. Nous avons une plateforme commune sur laquelle même les préparations de mayonnaises et de vinaigrettes sont expliquées. On doit être constant. »
Un agenda chargé ne fait pas peur au chef. Au contraire : récemment, il a même ouvert La Tavola qui compte également six chambres. Le choix d'un restaurant italien est en fait une évidence : « Ma femme est italienne et je mange toujours italien à la maison. Nos voyages nous mènent toujours dans la Botte. Et pendant des années, j'ai travaillé avec une dame qui m'a appris comment faire des pâtes. J'ai toujours adoré cette cuisine. »
« Je ne pense pas qu'ailleurs en Belgique, on façonne les pâtes que nous produisons à la main. En cuisine, j'ai une dame sicilienne qui modèle les pâtes. Nous sommes très forts dans la farce, mais il n'est pas évident de leur donner toutes la même forme. C’est fait sur mesure, de la haute couture. Elles sont toutes identiques. »
Sandre et pois chiches
La Tavola est un projet qui tient Luc Broutard à cœur. Il cuisine avec son fils Charles, qui a travaillé chez bon bon à Woluwe-Saint-Pierre, Le Chalet de la Forêt et le Restaurant Paul Bocuse. « Je suis ravi qu'il soit ici, à mes côtés. Ça marche bien. Ces jeunes gars connaissent des techniques que nous n'avons jamais apprises. »
« À La Tavola, nous cuisinons gastronomiquement. Le vendredi et le samedi soir, il y a également un comptoir où l’on sert des plats plus traditionnels. Nous avons certainement de l'ambition. Cela joue un rôle pour les jeunes. Ils ont toujours travaillé dans des restaurants étoilés Michelin. Pour eux, c'est comme distribuer le bulletin. »
Luc et Charles Broutard servent à leurs hôtes une cuisine qui voyage entre toutes les régions de l'Italie. Ils travaillent donc également avec des produits comme le sandre et les pois chiches. « Comme la plupart des immigrants italiens de Belgique viennent du sud, on pense toujours aux tomates et à l'huile d'olive, mais la cuisine italienne, c’est bien plus que cela ! Nous sommes guidés par les produits. Bien sûr, la lasagne est également au menu, mais cuisinée plus gastronomiquement. Avec les meilleurs produits. C'est difficile d'être simple. »
« J'ai dit cent fois que je ne reprendrais plus aucun établissement, mais on sait comment ça s'est passé, n'est-ce pas ? Si mon fils veut entreprendre quelque chose, on verra bien. Mon objectif est de travailler avec lui pendant encore au moins dix ans. Arriver le matin et faire la mise en place pour qu’il puisse se consacrer à d’autres choses, ça ne me dérangerait pas. »