La présence d'un inspecteur provoque parfois une certaine nervosité dans un restaurant. C’est un fait. Lorsqu'un Belge vient manger seul dans le nord des Pays-Bas, la sonnette d'alarme est souvent tirée. Même si c'est plus courant aujourd'hui que dans, disons, les années 1990. Mais en tant qu'inspecteur et client, il n'est pas agréable de sentir ces regards et le stress qui vous entoure.
La différence entre les Belges, les Luxembourgeois et les Néerlandais est frappante face à cette situation. "Comment ça va à Bruxelles ?" vous dira parfois un Néerlandais, avant même que vous ayez mangé quelque chose. Si vous allez plus au sud du Benelux, les gens sont plus discrets. Il est vrai qu'en tant qu'inspecteur expérimenté, vous avez visité certains établissements plusieurs fois, et c'est pourquoi le chef vous reconnaît. Chacun gère cette situation à sa manière.
Et puis vient la remarque souvent entendue : s'ils vous reconnaissent, ils feront plus d'efforts et vous ne pourrez pas juger objectivement de ce que vous mangez, n'est-ce pas ? Eh bien, je ne suis pas d'accord ! Lorsque je m'assieds à une table quelque part, le chef n'a pas le temps d’acheter soudainement une qualité (encore) meilleure. Et il ou elle ne peut pas non plus améliorer soudainement ses compétences en tant que chef. Bien sûr, il arrive que les gens fassent plus attention à votre assiette et fassent de leur mieux. Mais c'est à nous, les inspecteurs, d'y voir à travers. Et chacun sait, qu’avant d’attribuer une étoile MICHELIN, un restaurant est visité plusieurs fois par des inspecteurs différents. Rien n'est laissé au hasard.
Mais comment les employés du restaurant se font-ils savoir que "MICHELIN est là" ? Les serveurs de La Villa Lorraine à Bruxelles, où je travaillais à l'époque, inscrivaient le chiffre 75 sur leur commande, pour demander une attention particulière. C'est le début du code postal de Paris. Mais cela n'a pas empêché le restaurant de perdre sa troisième et sa deuxième étoile MICHELIN au fil des ans. Parce qu'en fin de compte, c'est toujours la véritable qualité d'un restaurant qui ressort.
Photo © RAF/La Villa Lorraine by Yves Mattagne