Une mention dans le Guide MICHELIN est convoitée par de nombreux chefs. Ils apprécient la reconnaissance d'une sélection et l'attention accrue qu'elle leur apporte. Cela peut également conduire à la frustration lorsque cette sélection n'a pas lieu. Certaines personnes pensent qu'une bouteille de vin peut aider à faciliter une éventuelle sélection. Bien sûr, je n’accepte pas de tels ‘cadeaux’, même s'ils insistent. Certains vont vraiment très loin dans leurs propositions.
Un restaurateur brugeois, par exemple, ne cessait pas de nous contacter pour être inclus dans le Guide. Pendant des années. Un jour, notre rédacteur en chef m'a demandé d’y faire un repas et d’engager une conversation. Mon déjeuner démontrait que nous avions bien fait de ne pas le sélectionner : la cuisine ne correspondait pas du tout à nos critères. Trop banale, trop chère, trop touristique. La visite de la cuisine confirmait ce que j'avais vu dans l’assiette. Les produits étaient standards et le jeune chef n'avait pas encore les connaissances nécessaires pour gérer un tel menu et un tel nombre de couverts.
J'ai subtilement mentionné mes remarques au patron, mais il ne se laissait pas décourager, et insistait. Il m'a dit que beaucoup de gens ne prenaient pas en considération son établissement parce qu'ils ne l'avaient pas vu dans le Guide MICHELIN. Dans son bureau, il m'a proposé de me payer 100 000 francs belges, en échange d'une inscription avec deux couverts. Incroyable ! Outré, j'ai rassemblé mes papiers et j'ai quitté le restaurant immédiatement. Après avoir fait comprendre à l'homme que nous ne travaillons pas de telle façon, bien sûr. Je suis entré dans la première cabine téléphonique pour annoncer la nouvelle à mon patron.
Le restaurant n'a plus été visité par nous après cela et a même fermé définitivement deux ans plus tard. C'est l’assiette qui décide si un restaurant entre dans le Guide MICHELIN. Pas le portefeuille.