Et si la cuisine pouvait rapprocher plutôt que diviser ? C'est ce que se sont dit Marine Mandrila et son compagnon Louis Martin. En 2013, le couple part sac à dos pour un tour du monde à la découverte des cultures alimentaires. Après avoir traversé pas moins de dix-huit pays, le duo réalise plusieurs films documentaires pour la chaîne Planète +, et publie un livre avec les recettes apprises chez l'habitant, Very Food Trip, aux Editions de La Martinière.
En 2016, ils vont encore plus loin, en créant le Refugee Food Festival. Mission : faire évoluer les regards sur le statut de réfugié... En utilisant la gastronomie comme tremplin d'insertion. Alors qu'il est devenu post Covid difficile de recruter du personnel de restauration motivé, leur initiative remporte aujourd'hui un franc succès.
Chaque année autour de la Journée mondiale des réfugiés (20 juin), le festival met en lumière le patient travail associatif en amont, visant à insérer professionnellement des personnes en exil. Reconnue organisme de formation, l'association gère aujourd'hui plusieurs restaurants, une brigade dédiée à l'aide alimentaire et un service de traiteur. Cette année, la marraine est la cheffe Alessandra Montagne, à la tête de Nosso, dans le 13ème arrondissement de Paris. « Je n’ai pas eu une vie linéaire », rappelle-t-elle. « J’ai affronté énormément de difficultés, je sais ce que c'est que d'avoir faim. C’est terrible, vous savez, de ne rien avoir à manger. Si je n’avais pas eu cet instinct de survie qui m’habite et cette envie furieuse de réussir et de m’en sortir, je serai certainement là aussi. »
Paris : Alessandra Montagne, marraine de l'édition 2024
La cheffe d'origine Brésilienne, qui peint d'ordinaire, comme le décrit notre inspecteur, « une cuisine (...) pleine de saveurs et panachée d'influences multiples (du Brésil à l'Asie) », accueillait une cheffe réfugiée palestinienne, Lulwa Elssaraj, pour un dîner gastronomique à quatre mains, le 12 juin dernier. Un menu en cinq ou sept temps, avec amuse-bouche, entrées, plat, pré-dessert, dessert... Sans oublier les mignardises. Et célébrant, à l'instar de ce pão de queijo au caviar et labneh, la beauté d'un métissage entre le Brésil, la France, et le Levant.
Le grand public ne connaît pas forcément l'histoire personnelle de la cheffe de Nosso, née dans une favela de Rio. Alessandra cuisine bénévolement une fois par mois pour des personnes en difficulté au Reffetorio Paris, un restaurant solidaire, gastronomique et anti-gaspillage, co-fondé par le chef italien triplement étoilé Massimo Bottura et l'artiste français JR. « Pour les réfugiés et exilés en France, c’est important d’être traité avec dignité. Pour moi, c’est ce qu’incarne le Refugee Food » assène cette toque engagée. Et d'enchaîner : « Avec Lulwa Elsarraj nous avons les mêmes blessures. Nous avons toutes les deux choisi l’exil en France. Et c’est une femme formidable. J’espère qu'elle réalisera son projet d’ouvrir son petit restaurant palestinien à Paris et qu’elle pourra mettre en lumière la diversité gastronomique de son pays. »
« Ma cuisine est le fruit de mes rencontres. J’ai énormément appris avec Lulwa. Je ne connaissais pas le sumac palestinien, qui est tellement différent des autres sumac que j’ai pu goûter. Je ne savais pas que l’association sumac/chocolat pouvait aussi bien fonctionner ! C'était incroyable de sentir planer dans les cuisines de Nosso les couleurs de la Palestine. »
Lulwa Elsarraj : une gastronomie palestinienne méconnue
Lulwa Elsarraj est née à Gaza, où elle a vécu jusqu’à l’âge de 14 ans, avant que sa famille ne s'installe à Ramallah, en Cisjordanie. « J’ai fait des études de stylisme à Ramallah et en même temps j’ai étudié le français, parce que j’adore les langues. Le fait de venir en France a été une décision personnelle, car je ne voyais pas d'avenir pour moi en Palestine. »
« Nous Palestiniens sommes victimes d'une double peine en ce qui concerne notre culture gastronomique. D'une part, des plats que l'on trouve aussi chez nous, comme le houmous et le falafel, ont été revendiqués comme israéliens, et les chefs palestiniens ont vu leur contribution à la cuisine levantine minimisée. D'autre part, l'occupation de la Palestine a entravé le développement de la cuisine palestinienne, et a limité l'accès des Palestiniens à leurs terres et à leurs ressources. » Le grand public connaît mieux la cuisine israélienne, popularisée par des chefs comme Ottolenghi, que la cuisine palestinienne. Malgré ces défis, la cuisine palestinienne perdure et se bat pour être reconnue. Pourtant, pointe Alessandra Montagne, « S’il y a bien une chose qui peut unir les peuples au-delà des frontières et des confessions c’est la cuisine ! Le houmous en est un exemple parfait. Il est né dans cette région avant même que les frontières entre les pays existent. »
« La cuisine palestinienne est très riche en légumes et en épices, nous avons beaucoup de plats familiaux ». A l'instar du Musakhan, « un plat national à base de poulet rôti, d’oignons rouges mijotés et du sumac, servi sur un pain traditionnel Taboun.» Ou de la Daqqa, la fameuse salade de Gaza à base des tomates, piment vert, oignons rouges, aneth et graines d’aneth « tous ces ingrédients doivent être écrasés dans un mortier en terre cuite » précise Lulwa. Ou encore du Makloubeh, un plat rond, sorte de gâteau salé à base de légumes frits, de poulet et de riz. « En réalité la liste est interminable ».
Son projet professionnel après le Refugee Food Festival ? « Trouver des restaurants en France qui peuvent me recevoir dans un cadre de résidences culinaires afin de promouvoir la cuisine palestinienne en France. Et j'espère qu'un jour j'ouvrirai mon propre restaurant.»
À Nantes : Les Cadets accueillent l'Irakienne Raya Alfaroo
« Je vivais dans un petit village du nord de l'Irak, Bartella », raconte Raya Alfaroo. « Daech est arrivé au pouvoir, j'ai quitté le village avec ma famille et nous sommes allés à Erbil » Pendant trois ans, la jeune femme officie là-bas comme cheffe de cuisine dans un hôtel, avant de débarquer en France en mai 2018. « Une partie de ma famille vivait déjà ici. Mon père avait demandé l'asile politique pour ma famille et moi. La demande a été acceptée. Nous sommes venus vivre à Nantes ensuite. »
Sur place, une personne de Cap Formation lui propose de suivre une formation de cuisinière. « J'ai fait un stage avec Alice Thierry, la cofondatrice du restaurant Fair-e, qui est aussi bénévole pour le Refugee Food Festival à Nantes. Comme j'avais déjà un bon niveau de cuisine, elle m'a orientée vers Les Cadets. » L'établissement, auréolé d'Une Etoile au Guide MICHELIN, lui fait découvrir une galaxie inconnue : celle des étoilés. Les frères Charles et Tristan Bernabé mitonnent avec elle un dîner gastronomique franco-irakien. Pour ce duo engagé, dans le mot gastronomie, « les valeurs d'accueil et de partage sont centrales. La cuisine, la notion même de "restaurant" est justement basée sur l'accueil de tous à table ! » rappelle Charles Bernabé.
« Les cuisines des restaurants en France sont multiculturelles, accueillent toutes les origines et toutes les langues », poursuit cet ancien de Christophe Hay. « De nombreux confrères et consœurs, arrivés en France pour apprendre la cuisine et aujourd'hui étoilés, illustrent parfaitement la richesse de ces échanges et de cet accueil. »
Les deux frères sont eux-même le fruit d'un métissage entre la culture bretonne de leur grand-mère, et les origines pied-noir de leur père. Après avoir fait la connaissance de Raya autour d'un café, aidés par Alice Thierry, bénévole de l'association du Refugee Food à Nantes, et cofondatrice du restaurant d’insertion dédié aux femmes Fair-el, ils l'ont invitée à venir dîner dans leur établissement pour découvrir leur cuisine. Le courant est tout de suite passé.
Elle espère ouvrir son restaurant franco-irakien
Charles Bernabé se dit impressionné par la détermination de la jeune femme, et son plaisir à partager les spécialités de son pays d'origine. « Raya nous a fait découvrir différentes marinades, de nouveaux mélanges d'épices, la mélasse de grenade... Avec une entrée autour de feuilles de vignes farcies - technique que je ne maîtrise pas forcément. Ces dolmas ont été servies avec un tartare et une bisque de langoustine ». La suite ? Raya espère ouvrir un restaurant franco-irakien avec sa famille d'ici deux ans. En attendant, elle vient d'entamer une formation de sous-cheffe sur neuf mois, en contrat d'insertion avec le restaurant Fair-e.
En Suisse, un bistrot locavore remixe la cuisine sri-lankaise
Même son de cloche à deux pas de Genève, au Bistrot du Lion d'Or. Le 12 juin dernier, l'établissement accueillait une cheffe d'origine Sri Lankaise, Gaayathri Sathasivam, pour un dîner sri-lankais revisité à la sauce bistronomique. Quand on lui demande comment est né ce quatre mains, le chef Romain Desvenain, explique que tout est parti d’un échange : « J’ai demandé à Gaayathri les plats phares de la cuisine sri-lankaise, qui sont très proches de la cuisine indienne que nous connaissons davantage en Europe. Nous avons ensuite fait des essais pour adapter certains de ces plats, sauces et accompagnements avec des produits locaux et de saison. »
Car tout le défi est là : « adapter ces plats traditionnels avec les codes de la bistronomie » , en soignant les cuissons, le dressage, les assaisonnements. Concrètement, ça donne, en entrée un samoussa sri-lankais au sérac de gruyère suisse et chutney abricot. Ou ce caviar d'aubergine Bharta, servi sur un naan à l'ail des ours. En plat un biryani de caille cuit au sarment de vigne genevois.
L'expérience a été plus que positive. « Gaayathri m’a bluffé par son parcours et touché par sa joie de vivre », résume la toque de Carouge. « Sa force mentale m’a impressionné lorsqu’elle m’a raconté son histoire. De ce que j’ai perçu d’elle, je dirais que ses plus grandes qualité sont la persévérance, la joie de vivre et un vrai talent culinaire. »
« A Genève il n'y a pas de restaurants Sri Lankais. Il est temps d’y remédier ! »
Actuellement en poste en tant que cheffe au restaurant Cuisine Lab depuis 2017, Gaayathri poursuit actuellement une formation culinaire à l'École Hôtelière de Genève. « Au Sri -Lanka, j'ai travaillé comme responsable d’import-export, mais la cuisine était déjà dans ma vie », explique-t-elle. « J’y ai passé et obtenu un diplôme en arts culinaires et un diplôme en fabrication et décoration de gâteaux. »
Ses projets, après le Refugee Food Festival ? Développer davantage ses deux entreprises : SriGeneva (un service de cuisine traditionnelle sri-lankaise) et Lala Cake Geneva, qui propose toutes sortes de gâteaux. Son rêve ? « Ouvrir un take away. A Genève il n'y a pas de restaurants Sri Lankais, il est temps d’y remédier ! » s'exclame-t-elle.
Cri du cœur quand on lui demande ce qui lui plaît dans le métier de cuisinier : « C’est un métier dont le but est de rendre les gens heureux -un sentiment sans pareil. Créer des plats, réunir les gens autour d’une table, c’est magique » conclut-elle.
Angers : un ancien journaliste afghan qui a fui les talibans...
À Angers, où le Refugee Food Festival Nantes se délocalise pour la première fois dans une sorte de festival « hors les murs » qui atteste d’un vrai dynamisme local, le Bib Gourmand Chez Gribiche a répondu à l’appel. Alex Bédeux a ouvert ses fourneaux à Jalali Mohammad Mansoor, ancien journaliste afghan qui a fui le régime taliban il y a six ans maintenant. « Jalali ne parle pas français ni anglais, et moi pas afghan ! Il a donc fallu trouver des moyens de se comprendre. On a construit le projet autour de photos, de lectures et d’échanges de Google traduction. »
Et... ça marche ! « Certes il y a cette barrière de la langue, mais finalement on se comprend. Le langage de la cuisine, c'est un peu comme celui des mathématiques à l’échelle de l’univers : il est universel. On a beaucoup ri tous ensemble en concoctant ce dîner franco-afghan. »
... Aux manettes d'un Bib Gourmand le temps d'un dîner !
Une expérience gastronomique qui n’allait pas de soi. « En Afghanistan », rappelle le chef de Gribiche, « la restauration comme on l’entend en Occident, ça n’existe pas, mis à part des établissements de luxe réservés à une élite ou à des dignitaires lors d’échanges internationaux. Il y a certes une forte culture de cuisine de rue, avec des gens qui font à manger chez eux et qui la partagent ou qui la vendent… Mais un menu comme on l’a imaginé le 11 juin dernier, ça n’existe pas vraiment. »
Jalali a fait découvrir à Alex des plats traditionnels de l'Afghanistan : le Kabuli Palaw, un riz afghan aux raisins et carottes. Des koftas, ou boulettes de viande hachée. « Nous avons aussi préparé ensemble des bolanis à la farine de pomme de terre, et des aubergines avec le yaourt et les herbes, que l’on nomme borani banjan », explique-t-il. Le tout servis sous forme de petites assiettes à partager pour la soirée.
L’ancien reporter se veut réaliste : « Bien sûr, j’aime la cuisine. Mais aujourd'hui, j'ai besoin d'un travail. Alors je regarde partout où il y a du travail, que ce soit dans la restauration ou le bâtiment. »
A Marseille, une ex-professeur de biologie afghane au piano
Cédrat, c'est le drôle de concept d’Eric Maillet et Maëlyss Vultaggio, dans la cité phocéenne. « Un couple, deux chefs, deux formules gastronomiques différentes » résume notre inspecteur dans sa chronique. Ancien de Passedat, Eric a lancé il y a six ans cette adresse bistronomique branchée mer, ancrée dans le terroir marseillais, mais tournée vers le Japon. Laquelle mute en fonction de l'heure en un tout autre resto : Mama Kyuna. Depuis un peu plus de deux ans, Maëlyss Vultaggio propose en effet le midi une cantine de quartier créative. Une « cuisine de marché, des plats d’inspiration méditerranéenne et des influences de cœur : la Provence mais aussi le Vietnam et l’Asie en général. »
« Chacun fait sa carte mais nous cuisinons ensemble, nous nous soutenons en cuisine » résume Eric. « Marseille, c’est le plus vieux port de France, une ville très cosmopolite » poursuit-il. « Une ville où l’on peut rêver, ouverte à toutes les histoires, qui peuvent se raconter de manière très individuelle et très plurielle à la fois. Nous sommes persuadés qu’il y a de la place au soleil pour tout le monde ici, que tout le monde peut y tracer son chemin. C’est aussi la ville où sont arrivés en France les grands-parents de Maëlys » (d'origine italienne, NDLR).
Rien d'étonnant à ce qu'ils accueillent Shogofa Nabizada, Afghane de naissance. Dans une vie antérieure, elle a été huit ans durant professeure de biologie. « Lorsque je suis arrivée en France, la barrière de la langue m’a contrainte à envisager une reconversion professionnelle », explique-t-elle. C'est tout naturellement qu'elle se tourne alors vers la cuisine. « Mon frère est cuisinier, il a ouvert un restaurant à Aix-en-Provence, Chapati Village. Nous sommes issus d’une famille nombreuse, et la cuisine a toujours été un vecteur de lien, d’amour et de convivialité pour moi ». Après avoir suivi la formation Tournesol avec l’association Refugee Food et l’association Festin à Marseille, Shogofa a obtenu son diplôme de commis de cuisine. Elle est désormais salariée du restaurant familial.
La gastronomie afghane, cette grande inconnue
« Avant de rencontrer Shogofa, on ne connaissait pas vraiment la cuisine afghane », reconnaît Eric. « Maëlyss y avait goûté un peu quand elle était étudiante, dans un super restaurant afghan à Marseille qui s’appelle Chez Romain et Marion, dans le 5ème arrondissement ».
« Ce qui nous a beaucoup parlé dès le départ, c’est que c’est vraiment une cuisine qui est au milieu, influencée par les cuisines pakistanaise et indienne d’un côté, et par la cuisine libanaise et plus généralement levantine de l’autre. D'instinct, ce sont des goûts, des associations, des épices que Maëlyss utilise très souvent au restaurant, que nous avons reconnus d’une certaine manière, et qui nous ont permis de nous identifier à la cuisine de Shogofa. »
Ce qui l'impressionne dans la cuisine afghane ? La précision des gestes qu'elle implique. « C’est une cuisine qui paraît très simple au visuel mais où il y a tellement de préparations minutieuses ! Par exemple, pour le dîner qu’on a conçu ensemble, on a fait des « Madame Fleur » - c’est la traduction que Shogofa nous a donnée du Gul Khanam, et on a trouvé ça tellement beau qu’on l’a gardée comme ça. Ce sont des sortes de grosses ravioles farcies cuites à la vapeur. Shogofa a fait la pâte à raviole entièrement à la main, et elle l’a étalée si finement ! Nous, on aurait été incapables de faire une pâte aussi fine à la main. Pareil pour la farce : des légumes et épices taillés si finement qu'il nous aurait fallu, nous, un mixeur pour obtenir la taille adéquate. »
En Touraine, deux anciens avocats français...
Dans la petite commune de Cormery (1770 âmes), on n'a jamais vu ça. Stéphane Enault, le chef du restaurant Les Roseaux Pensants se met aux mezze ? Le 6 juin dernier, avec sa compagne Laurène Attia, ils accueillaient dans leurs cuisines deux réfugiés syriens, Issam Alsarahin, et son fils Mahmoud. Pointus et voyageurs, les intitulés sont le fruit d'une sacrée imagination à six mains. A l'instar de cette Kefta végétale cuite au barbecue Kamado, condiment tomate et kimchi, sauce au kéfir de lait façon Ayran. Ou de ce dessert métissé : lentilles confites à la cardamone, crème montée au mélilot, tuile à la farine de lentilles, glace à l’halva.
« Anciens avocats reconvertis dans la gastronomie, nous avons toujours été sensibles à l'accueil et aux droits des réfugiés » témoigne Stéphane. « En accueillant Issam et Mahmoud dans notre restaurant, nous avons le sentiment, en quelque sorte, de renouer avec notre premier métier. Pouvoir continuer à défendre de belles causes comme celles portées par l'association Refugee Food est une forme de consécration pour nous. »
... Accueillent deux cuisiniers syriens !
Issam Alsarahin, le père de Mahmoud, a commencé la cuisine à l'âge de dix ans. « J'ai été formé en Egypte et en Syrie par de grands chefs. En 2016, j'ai pu ouvrir trois restaurants à Alexandrie, en Egypte, que j'ai nommés Hum Hum. Mon fils Mahmoud était avec moi et voulait suivre ma voie. Aujourd'hui, il fait ses propres créations culinaires orientales et occidentales. »
« Aujourd'hui, je suis une formation en français langue étrangère à l'AFPP de Touraine et je voudrais développer mes compétences en français afin de faciliter mon intégration. Ma participation au Refugee Food Festival avec le chef Stéphane Enault a insufflé en moi l'envie et la curiosité d'aller plus loin dans mon métier, et pourquoi pas de maîtriser un jour la cuisine française
Mon souhait est de devenir un grand chef avec mon fils Mahmoud à mes côtés pour ouvrir des restaurants en France. J'espère pouvoir réaliser mes rêves ici ».
Lactofermentation et découvertes culinaires
Avec sa compagne, Stéphane est passionné de techniques culinaires ancestrales, notamment « japonaises, chinoises, indonésiennes, coréennes ». Pour cause : « Ces cuisines du monde qui puisent dans le végétal sont de grandes sources d'inspiration pour nous. Nous sommes convaincus qu'elles participent à la définition d'une nouvelle gastronomie, encore plus inscrite dans son terroir. »
Situé en zone rurale, à proximité de champs de céréales et légumineuses, leur établissement a su tisser naturellement un lien avec l'héritage culinaire syrien. « Les céréales et légumineuses ont également une place de choix dans la cuisine syrienne », souligne le chef des Roseaux Pensants, citant le houmous de pois chiche, les falafels ou encore le Mujadara, ce plat populaire composé de riz ou boulgour, et de lentilles. « Lors de nos recherches avec Mahmoud et Issam, nous avons découvert que les yalanji, mezzé composés de riz et de feuilles de vignes que l'on retrouve un peu partout en Méditerranée, impliquent une lactofermentation. En effet, les feuilles de vigne sont préalablement immergées dans une saumure pendant un mois avant d'être garnies. »
Ils décident de reproduire le même procédé « avec les feuilles des tilleuls de la terrasse du restaurant ». Servies en entrée, les feuilles de tilleul fermentées sont garnies de riz rond de Camargue, crème aux graines de tournesol, oignon, et herbes cueillies par leurs soins. Succès immédiat. « C'est une préparation que nous reproduirons sans aucun doute dans les jours à venir. Preuve là encore que nos cuisines doivent s'ouvrir vers le monde, pour mieux définir notre alimentation et notre gastronomie de demain.
»
Photo de Une : La cheffe Alessandra Montagne (Nosso, Paris), marraine du Refugee Food Festival 2024, et la cheffe Palestinienne Lulwa Elsarraj © Elise AUGUSTYNEN