L’Auberge de l'Abbaye de Montheron, au nord de Lausanne, arbore depuis 2021 l’Étoile Verte MICHELIN qui vient récompenser les établissements engagés dans une démarche durable et vertueuse. Pour accueillir leur restaurant, le chef Rafael Rodriguez et son équipe ont arrêté leur choix sur cette abbaye chargée d’histoire. Installé juste à l’orée d’une forêt, cet ancien monastère cistercien a traversé les époques depuis le 12e siècle, témoin de nombreux événements historiques qui s’y sont déroulés sans jamais se départir de son écrin verdoyant - un environnement devenu la principale source d’inspiration et d’approvisionnement de la cuisine de l’Auberge.
Lorsqu’on est assis à la terrasse du vieux cloître du monastère, occupé à déguster des plats aussi savoureux que novateurs, on se sent immanquablement connecté à la forêt de Jorat, un paysage tissé de légendes de fées et de lutins. Étendue boisée la plus vaste du Plateau central de la Suisse, cette forêt est une véritable corne d’abondance, dans laquelle Rafael Rodriguez et sa brigade viennent puiser les ingrédients de leurs créations culinaires. « Notre philosophie s’appuie sur le respect des dons de la nature » explique-t-il. « Nous attachons une grande importance aux ingrédients locaux et nous nous efforçons de mettre en lumière leurs qualités spécifiques. » Ainsi l’équipe s’adonne-t-elle à la cueillette des champignons, des baies et des herbes de la forêt qui s’étend par-delà les portes de l’abbaye, mais elle s’appuie également sur les fournisseurs de la région.
Rafael Rodriguez est né en Espagne. Son passage à El Celler de Can Roca à Gérone, un restaurant moderne et innovant distingué par trois Étoiles MICHELIN ainsi que par une Étoile Verte, a durablement marqué le chef. Ce projet aventureux à l’Abbaye de Montheron n’était au départ qu’une idée entre amis. « Au fil du temps, nous avons élaboré un concept culinaire durable uniquement basé sur les ingrédients des environs ».
Le chef nous explique que le riche terroir de Vaud et de la Romandie constitue l’essence même de sa cuisine. Ses légumes proviennent du potager en permaculture de l’Auberge du Chalet-des-Enfants, et il travaille étroitement avec les agriculteurs du pays, qui fournissent la majorité des produits frais employés dans ses créations : légumes de la ferme de la famille Hess à Mont-sur-Lausanne, viandes biologique de la ferme familiale Benoît à Thierrens, produits carnés artisanaux de la Boucherie de Sévery, poissons du Lac Léman fournis par le pêcheur Serge Guidoux, et produits laitiers (beurre, crème, lait et yaourt) issus de la Fromagerie du Haut-Jorat et de la ferme de Saugealles. Avec ces ingrédients, le chef concocte des champignons au chou kale et persil, de l’omble aux épinards et cresson, ou encore du chevreuil au vin de noix et chou rouge.
En cuisine, l’Auberge demeure fidèle à son concept qui mise sur la nature. Les ingrédients y sont transformés par les processus de cuisson, de fermentation, de fumage et de séchage, afin de sublimer des profils aromatiques déjà surprenants et créer des plats et menus résolument saisonniers et sans cesse changeants. L’équipe a su prouver, à travers ses créations culinaires et sa sélection de boissons, que les techniques modernes, une esthétique progressiste contemporaine et le respect des traditions peuvent superbement coexister.
Bien entendu, la philosophie de la maison s’applique aussi aux breuvages, et les cuisines travaillent en étroite collaboration avec le personnel de service dirigé par David Donneaud. L’attachement au lieu et à la notion d’intégration durable dans son environnement se retrouvent également dans la cave du restaurant, semblable à une invitation à un voyage sensoriel dans l’histoire de l’Abbaye de Montheron… sans pour autant perdre de vue le présent et la scène viticole florissante des crus alpins. La carte des vins propose une sélection de découvertes et de producteurs opérant dans un rayon de 250 km, avec notamment des Chasselas anciens du Clos des Abbayes à Dézaley (un vignoble qui a appartenu aux moines jusqu’en 1536), ainsi que des vins naturels et des millésimes exceptionnels du canton de Vaud, des bières artisanales, de la liqueur de génépi ou des boissons médiévales comme l’hypocras, un vin épicé.
« Ici, nous adoptons une approche moderne, mais nous gardons un profond respect pour la tradition » insiste Rafael Rodriguez. Sa passion : être en contact avec la nature et œuvrer pour l’avenir des arts culinaires. « Je voudrais voir un avenir dans lequel la restauration serait plus durable et plus consciente. J’aspire à une cuisine plus propre et plus respectueuse dans laquelle l’accent est davantage mis sur collaboration avec les producteurs locaux, et où l’authenticité prime sur les tendances éphémères. »
Le menu s’achève sur un dessert qui réaffirme le lien du chef avec son environnement naturel. Inspiré par les arômes de la forêt, Rafael Rodriguez a imaginé le « Mojito alpestre » dans lequel il fait usage d’ingrédients comme des écorces d’arbre et des aiguilles de pin pour en extraire l’esprit des bois et proposer une expérience authentique : « Ma cuisine s’inspire de la tranquillité et de la beauté de la forêt. J’utilise des ingrédients locaux dans le but de capter l’essence de notre environnement. »