Restaurants 4 minutes 19 septembre 2024

Le Bib du mois : La Petite Ourse, à Rennes

Un jeune couple enjoué qui a tout compris et régale en semaine, uniquement du lundi au vendredi midi, une clientèle d'habitués bien rencardés ! Du tout bio, ultra-local, de saison, pour moins de 30 euros... Un pari audacieux, qui prouve que le métier de restaurateur n'est pas toujours synonyme de sacerdoce et sacrifices.

Ils ont repris le 3 septembre dernier, après des vacances bien méritées. En couple et associés, Germain Caillet (au piano) et Charlotte Brochard (en salle et à la cave) régalent chez La Petite Ourse, depuis déjà six ans déjà, une clientèle fidèle d’habitués.

Sur le papier pourtant, l'aventure était risquée : quitter Paris, où Germain officiait pendant huit ans au Pantruche, se reconvertir en sommellerie pour elle (ex-journaliste pour Les Inrocks)... Et surtout, n'ouvrir « que de 12h à 14h, du lundi au vendredi », afin de profiter de leur vie de famille (leur petite fille est née pile au moment où ils signaient leur local). Rajoutez à cela le fait qu'ils ne soient que deux (pas d'employés), et qu'ils aient choisi de travailler uniquement des produits de saison, ultra-locaux, quasi tous issus de l’agriculture biologique... à prix tenus en laisse : 22 € la formule entrée/plat, 25 € le menu avec dessert, 28 € avec fromage et dessert... Le pari était audacieux !

Ces deux-là, pourtant, ont fait confiance à leur bonne étoile. Et dessinent aujourd'hui en creux le portrait d'une nouvelle génération de restaurateurs, qui prouve qu'on peut travailler, aimer son métier... « Sans forcément sacrifier sa vie personnelle ». Un discours qu'on entend peu, et qui réjouit l'âme. Celui d' « une restauration heureuse », résume la jeune femme. 

© Alice Grumeau
© Alice Grumeau

Quel est le plat le plus emblématique de votre cuisine ?


Germain : « Je ne sais pas si j’ai un plat emblématique, car je change souvent… Ce qui relie tous nos plats, ce sont les sauces et les jus. J'essaie de faire un gros travail à ce niveau ».

Charlotte : « Le liant (c’est le cas de le dire !) chez La Petite Ourse, c'est effectivement ce travail autour des réductions, fonds de sauce, jus... On essaie de faire en sorte que tout soit gourmand, qu’on aie envie de saucer les assiettes ! » (Rires)

© Alice Grumeau
© Alice Grumeau

Quelle est la fourchette de prix à laquelle les clients peuvent s'attendre ?

Germain : « Notre formule déjeuner entrée/plat ou plat/dessert est à 22 €. On propose un menu complet avec dessert à 25 €, et un menu entrée/plat/fromage/dessert à 28 €. »

Charlotte : « Et tout bio, local, sourcé à moins de 100 km voire 20 km ! Xavier, le meilleur ami de Germain travaille dans le maraîchage de sol vivant, à Mouazé, à quelques kilomètres d'ici (la Ferme Biji Biji, NDLR). Grâce à lui, on a même de la pastèque bretonne, du piment et du shiso japonais locaux !  » 

Germain : « Il peut parfois y avoir un petit supplément sur certains produit exceptionnels, comme en ce moment les palourdes grises de Cancale (+ 3,90 €).  »

© LA PETITE OURSE
© LA PETITE OURSE

Quel est le meilleur moment pour venir manger chez vous ?

Charlotte : « Le lundi après-midi au deuxième service, vers 13h30-13h45 ! Beaucoup de restaurateurs rennais sont fermés le lundi, du coup La Petite Ourse devient leur Q.G ! C’est très festif, vivant, chaleureux... Idéal pour bien commencer la semaine ! »

© La Petite Ourse
© La Petite Ourse

Quelle est l'idée à l'origine du restaurant ?

Germain : « J’étais dans ma huitième année comme chef au Pantruche, du coup c’était un peu soit je restais, soit j’essayais de monter mon propre restaurant. Et ça tombait au même moment où Charlotte avait envie de suivre une formation en sommellerie. »

Charlotte : « On voulait montrer que c'était possible de régaler à petits prix, avec de bons produits, en bio. Trois entrées, trois plats et deux desserts, qui changent à chaque fois. Et puis on avait dans l’idée de préserver notre vie familiale aussi, d’où l'idée d'un resto ouvert le midi seulement. On est de Mayenne et Vendée, mais avant de vivre à Paris, on s'était rencontrés à Rennes. On avait envie de revenir dans cette ville qu'on adore. On a signé pour ce local la veille de mon accouchement ! C'était un signe. »

« Concernant le choix du nom, ça tombait bien par rapport au lieu, qui n'est pas très grand (40 m2) et en forme de petite ourse, justement ! En forme de petite casserole, comme la constellation... Symbolique aussi pour un chef ! »

© LA PETITE OURSE
© LA PETITE OURSE

Comment décririez-vous votre approche des produits et de la cuisine ?

Germain : « L’idée, c’est de prendre un produit, de l’utiliser à fond et de ne jamais trop le dénaturer. C’est un peu le principe de la cuisine moderne : ne rien jeter. Du coup, on peut se permettre d’avoir des produits de qualité qu’on travaille à fond. »

Charlotte : « Les clients sont très réceptifs à notre démarche. En salle, ils s'intéressent, ils me posent énormément de questions. Par exemple, ils me demandent ce que c'est que cette poudre rouge. Je leur explique qu'il s'agit des légumes les moins beaux, que Germain a décidé de déshydrater et de réduire en poudre, pour colorer l'assiette et apporter du goût. On a un service très ludique, je m'amuse à lancer des quizz, je ne dis pas tout tout de suite quand j'apporte le plat ! »

© La Petite Ourse
© La Petite Ourse

Comment avez-vous conçu un menu qui soit à la fois intéressant et d'un bon rapport qualité-prix ?

Germain : « Comme on travaille à l’ardoise, on peut se permettre de changer la carte, de s'adapter dans l'achat des matières premières. La carte n’est pas figée comme dans un restaurant où c’est écrit lieu jaune, et si le cours du lieu jaune explose, ça devient compliqué. Moi je change tous les jours. Le lundi, le maraîcher m’envoie une liste de ce qu’il a, huit ou neuf légumes. Le mercredi, je vais les chercher à l'Amap à côté. »

Charlotte :  « Cueilli mercredi, dans les assiettes le jeudi ! »

Germain : « On aime bien aussi faire des achats groupés avec d'autres restaurateurs du coin, on se partage des vaches ou cochons achetés entiers à l'éleveur par exemple. Du coup, je peux travailler des viandes top qualité, en carcasse. Je passe ma soirée à désosser un veau bio, mais au final, j'y gagne !  »

© LA PETITE OURSE
© LA PETITE OURSE

Comment faites-vous pour maintenir votre niveau d'exigence face à l'augmentation du coût des ingrédients ?

Germain : « Ce qu'on disait avant, le fait que rien ne soit figé à la carte... Diminuer les portions de viande aussi, amener le goût de la viande par le jus, le travail des sauces. Par exemple, cette fameuse pastèque bretonne dont je vous parlais, je la sers en entrée, en saison, coupée finement comme un tartare avec du shiso, des graines de lin et de l’oignon rouge en pickle. Je ne vais pas avoir 3 Etoiles au Guide MICHELIN, mais parfois, ce n’est pas la plus grande valeur marchande derrière un produit qui compte. C'est l'émotion qu'on réussit à faire naître en travaillant ce produit d'une façon créative, inédite. Je demande souvent au client, quand il a terminé : est-ce qu’il s’est passé quelque chose ? C'est le plus important pour moi »

© Alice Grumeau
© Alice Grumeau

Quelles sont vos initiatives anti gaspi au restaurant ?

Charlotte : « Déjà, on recycle tout. C'est plein de petits gestes aussi :  le sucre n’est pas mis systématiquement proposé avec le café. Cela évite qu’on le gaspille, tripote, jette. Les serviettes sont compostables. On utilise des produits éco-label certifiés. »

Germain : « On travaille énormément en vrac, grâce a une société rennaise, avec des contenants consignés.  Au lieu d’avoir un sachet de sucre en papier, lui-même emballé dans un grand carton... On achète tout en grande quantité, comme la farine, par sacs de 5 kg. Et on essaie de bannir le plastique du restaurant. »

© Alice Grumeau
© Alice Grumeau

Photo de Une : © La Petite Ourse (Rennes)


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