À l’âge de 8 ans, je savais que je voulais cuisiner et voyager. Ma mère ne savait pas cuisiner et n’aimait pas manger non plus. Chaque fois que je rentrais de l’école, je lui demandais pourquoi la nourriture était plus savoureuse à l’école qu’à la maison. « Si tu veux le savoir, fais-la toi-même ! », répondait-elle. C’est ce que j’ai fait (rires). À l’aide d’un simple livre de recettes que mon père avait acheté au supermarché, j’ai préparé un goulasch. À 11 ans, j’ai même travaillé dans un restaurant de quartier, Les Hussards, pendant les vacances de Pâques. Mon père voulait être certain que m’inscrire à l’école hôtelière était une bonne idée. Eh bien, j’avais attrapé le virus !
Mes deux frères et moi venons d’une famille simple, nous ne voyagions pas vraiment. Mes vacances se passaient principalement dans la forêt de Watermael-Boitsfort. Mais mon père parlait souvent des voyages qu’il avait faits pendant ses quinze mois dans la marine. Mon rêve de combiner voyage et cuisine a donc débuté dans ce restaurant de quartier, mais j’aidais aussi souvent à la boucherie de mon oncle à Woluwe-Saint-Pierre. J’ai commencé par livrer des commandes, puis j’ai appris à faire des pâtés, à désosser, etc. La philosophie de la boucherie était déjà le nose to tail (NDLR : « du museau à la queue »).
Après un passage par l’école hôtelière d’Anvers, un stage au Middelbourg juste à côté de chez moi et plusieurs années dans le corps des cadets de la marine, j’étais prêt à réaliser mon rêve. J’ai d’abord travaillé dans la cuisine de mon ancienne école primaire pendant un an avant de m’engager dans la marine. J’avais 20 ans et on m’a muté sur le Zénobe-Gramme, un voilier-école. Chaque mois, un nouvel équipage de 25 personnes arrivait à bord, pour qui je cuisinais.
Pendant cinq ans, j’ai beaucoup navigué et j’ai vu une grande partie de l’Europe. J’ai même traversé l’Atlantique jusqu’aux États-Unis et au Canada. Ce fut d’ailleurs mon dernier grand voyage, où j’ai commencé à me demander si j’allais continuer ainsi toute ma vie. Finalement, j’ai décidé de retourner à terre. Pendant un an, j’ai travaillé comme directeur adjoint dans un établissement situé aux étangs Mellaerts, mais j’avais envie d’autre chose. Entre Noël et le Nouvel An, ma belle-sœur m’a parlé d’une annonce de Michelin. À l’époque, honnêtement, je ne connaissais pas l’entreprise. Quand j’étais jeune, nous allions au restaurant peut-être deux fois par an. Chaque fois dans les mêmes établissements. J’avais peu de connaissances en matière de grande restauration.
L’annonce était vague et mentionnait brièvement qu’il s’agissait du département du tourisme. Sous l’impulsion de mes beaux-parents, j’ai décidé de postuler. Pour être sincère, je n’y croyais pas. Mais quelques semaines plus tard, j’ai reçu une invitation à venir me présenter à l’usine de Zuun. Comme 450 autres candidats. J’ai dû revenir quatre fois, j’ai été soumis à des tests psychotechniques et de mémoire, entre autres, et j’ai été engagé six mois plus tard, en 1987. J’avais 25 ans.
Je parle couramment trois langues, j’avais l’habitude de voyager et je ne voulais pas rester à la maison tous les soirs. Je connaissais aussi mes classiques en cuisine, je savais tirer mon plan (NDLR : me débrouiller) et je ne connaissais personne dans le métier, car je n’avais pas été en apprentissage chez de grands chefs. L’inconvénient, c’est qu’ils ont dû me former pendant longtemps. Aujourd’hui, un inspecteur est formé en trois ou quatre mois, mais avec moi, ils ont dû travailler très dur pendant six mois.
La semaine prochaine : le bouledogue.