D’anciens bassins portuaires, de monumentaux entrepôts du XIXᵉ siècle : voilà ce qui confère à Eilandje (« petite île » en néerlandais) tout son charme et son caractère singulier. Longtemps négligé, ce plus ancien quartier portuaire au nord d’Anvers a retrouvé depuis le début du XXIᵉ siècle une nouvelle dynamique. Là où l’Escaut rencontre l’ancien cœur de l’activité maritime, une zone animée a émergé autour des anciens docks, donnant naissance à un quartier vivant au tempérament bien affirmé.
D’authentiques ponts et écluses typiques servent aujourd’hui de décor à de larges espaces de promenade le long des quais. Dans les anciens bâtiments commerciaux rénovés, comme dans les immeubles neufs, des lofts offrent une vue sur les voiliers et les bateaux de plaisance amarrés dans la marina : le patrimoine maritime entre dans un dialogue avec l’architecture d’avant-garde autour de plans d’eau paisibles, invitant à la flânerie. Terrasses et restaurants participent à l’activité du quartier, tandis que les musées rappellent l’importance historique de cette ancienne zone portuaire, de la ville et de ses liens avec le monde.
Jusqu’à la fin du XXᵉ siècle, la cathédrale Notre-Dame était le véritable repère du paysage urbain anversois. Son clocher de 123 mètres domine toujours la ville – le plus haut de la Belgique ! Mais pour le visiteur qui arrive dans la ville par le nord, la cathédrale n’est plus la seule à attirer le regard. Depuis une dizaine d’années, Anvers compte deux nouveaux monuments septentrionaux, le MAS (Museum aan de Stroom) et la Maison du port, qui accompagnent la transformation du quartier de l’Eilandje.
Le nom même d’Eilandje renvoie à la configuration particulière de cette zone, cernée par les bassins Bonaparte, Willem, Kattendijk, Hout, Kempisch et Asia. L’ensemble de ces docks représente près d’un tiers de la surface du quartier, bordé à l’ouest par les quais de l’Escaut. Entre le fleuve puissant et les anciens bassins commerciaux, l’eau est omniprésente et crée cette impression unique de véritable « île urbaine ».
Jour 1 : Le MAS, au cœur des plus anciens bassins portuaires
Matin
't Eilandje jouxte le centre-ville d’Anvers, ou plutôt s’y fond naturellement. Le quartier est donc facile d’accès à pied ou en transports en commun depuis les hôtels du centre. Parmi eux, le Botanic Sanctuary Antwerp, installé dans un ancien monastère et une chapelle médiévale ; le Sapphire House Antwerp, Autograph Collection, abrité par un bâtiment du XVIIᵉ siècle rénové au XVIIIᵉ ; ou encore Hotel De Witte Lelie, un boutique-hôtel idéal pour explorer à la fois le centre d’Anvers et 't Eilandje.
En marchant vers le nord, on atteint naturellement les deux plus anciens docks, construits en 1811 sur ordre de l’empereur français Napoléon pour en faire un port militaire. Le plus petit, d’abord appelé Petit Bassin, ne deviendra Bonapartedok qu’au début du XIXᵉ siècle. L’autre, d’abord connu comme « le grand bassin », prendra le nom de Willemdok en hommage au roi Guillaume Ier des Pays-Bas, qui en fit don à la Ville. Entre les deux, sur le pont Nassau, se dresse l’imposant MAS, le Museum aan de Stroom (en français le « musée dans le courant »). Avec son architecture emblématique, ses pierres de grès rouge et ses courbes vitrées, le musée est le point de départ parfait pour comprendre et parcourir ce quartier.
Les escalators mènent à une promenade couverte qui conduit au toit, où un panorama à 360° s’ouvre à 60 mètres de hauteur. Il n’y a pas de meilleur observatoire pour admirer l’ensemble d’Eilandje, l’ancien port délimité par l’Escaut, le centre-ville et, au loin, le port marchand international qui s’étire jusqu’à la frontière néerlandaise. Le MAS offre ainsi une première lecture du quartier et explique l’origine de son nom. À travers ses expositions permanentes et temporaires, il raconte aussi l’histoire d’Anvers en tant que métropole, de son port et de ses liens avec le reste du pays et du globe.
Déjeuner
Juste sous la terrasse panoramique, le restaurant Zilte, trois-Étoiles au Guide MICHELIN, accueille ses clients dans un cadre élégant et confortable. Face à 't Eilandje et la ville, le chef Viki Geunes y propose une cuisine d’une belle délicatesse à partir de produits de qualité. Ses assiettes témoignent d’un grand sens du détail et d’une réelle maîtrise technique, sublimant saveurs et textures. L’accueil et le service – assurés par son épouse Viviane Plaquet et sa fille Gitte, tandis que son gendre, Aaron Moeraert, officie comme sommelier – sont à l’avenant. Une affaire de famille, qui promet une expérience pleine d’émotions dans un cadre unique.
Après cette parenthèse gastronomique, une promenade le long des deux docks permet de s’imprégner de l’atmosphère du quartier. Dans les anciens entrepôts, on découvre galeries d’art, boutiques de design et adresses conceptuelles pour toutes les envies. Parmi les bâtiments remarquables, le Stapelhuis Sint-Felix – aujourd’hui Felixpakhuis – mérite un détour. Érigé en 1860 au Willemdok comme entrepôt pour le café, les céréales, le fromage ou le tabac, il est doté d’une rue intérieure reliant le centre-ville à 't Eilandje. Depuis le début du XXIᵉ siècle, il a trouvé de nouveaux usages et abrite notamment les archives Felix, les archives de la ville d’Anvers, ainsi que la halle gourmande Wolf Sharing regroupant dix stands de street-food venus du monde entier et trois bars.
Soir
À la tombée du jour, plusieurs adresses permettent de prolonger l’ambiance des deux docks historiques. Pour un cocktail soigné, un apéritif ou un repas de type brasserie, U Eat & Sleep Antwerp, avec vue sur le MAS, est une adresse animée. Pour un dîner plus intimiste, dans un cadre à la fois épuré et chaleureux, le restaurant Pont neuf, une-Étoile au Guide MICHELIN, est une excellente option. Le chef Tommy Bocklandt y travaille les produits de la mer et sublime sole, bar, cabillaud ou moules, le tout accompagné de garnitures de saison et de sauces riches en goût.
Jour 2 : Maison du Port, Musée Red Star Line et quartier Cadix
Matin
't Eilandje compte un autre bâtiment emblématique, visible dès que l’on pénètre dans la ville par le Nord : l’architecture hybride de la Maison du Port (Havenhuis) surprend au premier regard. Ce bâtiment futuriste, signé de la célèbre architecte Zaha Hadid, abrite le siège de la Société portuaire d’Anvers. Seule la cour intérieure au rez-de-chaussée est libre d’accès pendant les heures de bureau, mais c’est surtout son ingénieuse structure extérieure qui retient l’attention. Le nouveau bâtiment, en forme de vaisseau aux facettes miroitantes évoquant un diamant, a été construit sur une ancienne caserne de pompiers. Deux symboles forts de l’identité anversoise : son rôle de port mondial et son statut de capitale du commerce de diamant. L’ensemble illustre la manière dont la rénovation de l’Eilandje mêle remarquablement passé et présent dans le quartier.
Déjeuner
Pour continuer à profiter de ce chef-d’œuvre architectural, rien de tel qu’un déjeuner au bord de l’eau. Installé sur la terrasse du restaurant The London – baptisé ainsi à cause du pont de Londres qui relie le Willemdok au Kattendijkdok – bénéficie d’une vue imprenable sur la Maison du Port, dont les lignes audacieuses se détachent à l’horizon. Dans un décor plein d’allure, le chef Tommy Cavaliere y propose une cuisine cosmopolite tout fait raccord avec l’esprit international du quartier.
Pour rester dans cette ambiance après le repas, une visite au Red Star Line Museum, dans le quartier Montevideo, s’impose. Le lieu raconte comment, entre 1873 et 1934, plus de deux millions de migrants ont embarqué ici, dans les halls de départ de la compagnie maritime du même nom pour tenter leur chance en Amérique. Grâce à des installations interactives, des images et des témoignages vivants, ce musée fait revivre leur exode. Une exploration de l’histoire maritime qui rappelle, à travers celle de la ville et de l’Europe, que les migrations laissent des traces et sont un phénomène intemporel.
Soir
On peut poursuivre cette immersion dans l’atmosphère envoûtante de l’Eilandje au dîner. Pour cela, rendez-vous chez Cella. Situé au bord du Kattendijkdok, dans le cadre semi-industriel d’un ancien entrepôt portuaire, ce restaurant propose une carte d’inspiration internationale. On y trouve aussi des classiques comme ce bœuf maturé grillé au charbon de bois, accompagné de sauces préparées minute. Cella se situe dans le quartier Cadix, qui tire son nom de la rue Cadix qui le traverse. Les anciens entrepôts y ont été reconvertis en galeries, cafés et bistrots. Le street art, notamment sous la forme de fresques murales, raconte l’histoire du quartier, du port et de ses habitants, et révèle le caractère singulier de cette ancienne zone portuaire.
Jour 3 : Droogdokkensite, le site des cales sèches
Matin
Pour finir, une visite du site des cales sèches, le Droogdokkensite, au nord-ouest du Kattendijk, vous donnera une image complète de ce que cette zone portuaire représentait autrefois pour la ville. Ici encore, l’histoire est omniprésente : neuf cales sèches classées, des ateliers de réparation navale et une station de pompage classée Monument historique offrent un cadre idéal pour l’entretien, la restauration et l’exposition de navires historiques. Sur ce site maritime, le MAS présente une partie de sa collection de bateaux, auparavant installée près du Steen, mais qui trouve ici une meilleure cohérence avec l’environnement. À proximité, le Droogdokkenpark, où les Anversois aiment pique-niquer aux beaux jours, offre un beau point de vue sur la large courbe décrite par l’Escaut à cet endroit.
Déjeuner
Le site des cales sèches est encore en pleine transformation et compte pour l’instant peu de restaurants, une situation appelée à évoluer rapidement. Ce caractère encore en devenir souligne combien l’Eilandje, en tant que quartier urbain récemment revitalisé, n’a rien perdu de son dynamisme. En attendant l’ouverture de nouvelles adresses, on peut déjeuner par exemple au Bistrot L’îlot, dans un cadre simple tout à fait en adéquation avec l’atmosphère du quartier, dans une ambiance chaleureuse et sincère, typique des bistrots d’inspiration française. Au menu : des plats sans chichis, authentiques et bien exécutés, une présentation contemporaine et une carte des vins largement française. Une belle manière de clore le séjour, en rappelant que c’est un général français (Bonaparte donc!) qui, au début du XIXᵉ siècle, donna l’impulsion à la création des premiers docks.