Voyage 5 minutes 16 octobre 2024

Les inspecteurs racontent : le restaurant Ikoyi, à Londres

Un inspecteur du Guide MICHELIN nous fait part de son expérience dans ce restaurant londonien doublement étoilé dont la cuisine créative porte en elle l’influence de l’Afrique de l’Ouest.

Londres by Le Guide MICHELIN

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Ikoyi a quelque chose d’exaltant, et ce, depuis son ouverture à St James’s Market, en 2017. Nommé d’après un quartier de Lagos au Nigeria, le restaurant mêle saveurs ouest-africaines et quantité d’autres influences dans un style de cuisine à la fois audacieux et enthousiasmant ; un style comme Londres en a rarement vu. Fondé par d’anciens camarades d’école et amis, Iré Hassan-Odukale et Jeremy Chan (ce dernier est aux fourneaux), l’établissement a reçu sa première étoile en 2018, avant de décrocher la deuxième en 2022 et d’emménager dans de nouveaux locaux sur le célèbre Strand.

Un inspecteur du Guide MICHELIN nous dévoile dans cet article ce qui fait d’Ikoyi une adresse si inédite et remarquable du paysage culinaire britannique.

L’arrivée

Les premières impressions ont une importance particulière lorsqu’on se rend dans un restaurant. L’aspect de la salle, la chaleur de l’accueil, la tonalité et l’atmosphère sont autant d’éléments qui contribuent à camper d’emblée la scène sur laquelle se déroulera notre expérience culinaire. Entrer dans Ikoyi, c’est pénétrer dans un espace élégant conçu par les designers danois du Studio David Thulstrup. Cuivre, murs incurvés, cuir, chêne et plafonds en mailles métalliques : les teintes douces contrastent avec des éléments plus âpres. Voici comment l’un de nos inspecteurs décrit son arrivée.

« Après un accueil chaleureux, nous sommes conduits à notre table en passant devant la cuisine ouverte, dans laquelle les sept chefs travaillent avec assurance et dans le calme ; les signes de tête et les gestes remplacent ici les ordres que d’autres aboient. La salle ne compte que 22 couverts (six autres sont dressés dans une salle semi-privée), ce qui crée un cadre intimiste et place les convives dans une forme d’expectative. Le reste de la clientèle est relativement jeune et internationale. Certaines tables fêtent à l’évidence une occasion particulière, ce qui n’est guère étonnant au regard de la qualité du restaurant. »

La décoration intérieure du restaurant Ikoyi, conçue par le Studio David Thulstrup (© Irina Boersma/Ikoyi)
La décoration intérieure du restaurant Ikoyi, conçue par le Studio David Thulstrup (© Irina Boersma/Ikoyi)
« La salle a tout de la passerelle d’un vaisseau futuriste. Stanley Kubrick en aurait adoré les détails. Mais c’est surtout la lumière qui distingue les lieux du tout-venant gastronomique ; on est encore conscient de l’extérieur tout en en étant protégé ; un unique spot surplombe la table et y répand une lueur chaude et attrayante sur chacun des plats. »

Les boissons

Un grand repas est toujours sublimé par d’excellentes boissons. Qu’ont commandé nos inspecteurs pendant leur visite à Ikoyi ?

« Je commence par un Old Fashioned à la banane plantain, histoire de capter un peu de cette chaleur estivale que nous refuse la météo. Mon collègue choisit un champagne Jean-Marc Seleque cuvée Solessence. Pour accompagner le repas, le sommelier nous suggère un Clos Chardonnay 2021 du Domaine Bärtschi en Savoie. L’attaque est pure, tendue, et le vin dévoile une discrète onctuosité en bouche avec des notes d’abricot et de pêche, mais n’est pas aussi puissant que nous l’anticipions. »

« La carte des vins est ancrée en Europe ; sa force réside dans son choix de bouteilles françaises avec une profusion de petits producteurs et de régions moins habituelles, comme la Loire, le Jura et la Savoie. On y trouve également une sélection de vins orange et de crus minimisant l’intervention humaine. Quelques-uns des convives à notre table optent pour l’accord mets-boissons, qui comprend une version sans alcool. »
Ris de veau, suya et crémeux de petits pois à Ikoyi (© Justin De Souza/Ikoyi)
Ris de veau, suya et crémeux de petits pois à Ikoyi (© Justin De Souza/Ikoyi)

L’assiette

À Ikoyi, la cuisine innovante de Jeremy Chan s’incarne dans un menu dégustation surprise articulé autour de 14 plats. Certains se savourent en une bouchée, d’autres sont des créations plus consistantes. Au moment de partir, on vous remet un exemplaire du menu pour que vous puissiez vous remémorer les nombreux mets savourés. Mais qu’est-ce qui rend cette cuisine si impressionnante et si particulière ? Voici ce qu’en dit l’un de nos inspecteurs.

« Dans un monde où tout doit rentrer dans des cases, il y a quelque chose d’unique dans la cuisine de Jeremy Chan, quelque chose qui va à rebours des conventions. Reste que l’originalité n’a de sens que si elle est étayée par une intention, une compréhension profonde des produits, une technique maîtrisée et une intuition de la complémentarité des saveurs. »

« Drunken squid » à Ikoyi (© Justin De Souza/Ikoyi)
« Drunken squid » à Ikoyi (© Justin De Souza/Ikoyi)
« En repartant, nous restons bouche bée devant les produits mis à maturation dans les armoires vitrées à côté de l’entrée : pièces de Wagyu, turbots, pigeons et mulets entiers. Les grands produits font la grande cuisine, et Jeremy Chan l’a bien compris. Il sait aussi l’importance du tempo quand le menu prend la forme d’une dégustation. Nous resterons trois heures et quinze minutes à Ikoyi : si la soirée avait duré plus longtemps, nous nous serions retrouvés à court de sujets de conversation, si elle avait été plus courte nous aurions eu l’impression d’être brusqués. »

Les plats dégustés

Décrire en détail les éléments de chacun des plats allongerait considérablement l’article. Disons simplement que les assiettes présentées étaient non seulement complexes et le fruit manifeste d’une réflexion approfondie, mais qu’elles faisaient en outre plaisir à regarder. Voici certains des temps forts de la dégustation pour nos inspecteurs.

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Les bouchées apéritives et les amuse-bouche

« De menus encas inaugurent les agapes avec style. Un bouillon d’ailes de poulet au poivre de gola fait office de boisson de bienvenue ; non seulement celui-ci s’avère apaisant et joliment équilibré, mais le poivre de Sierra Leone qu’il met en exergue préfigure ce qui nous attend. Malin. »

« Suit une bouchée – pour le moins généreuse – d’aloyau fumé, marié à de la truite avec sa laitance. Elle épouse délicatement le palais de ses textures croquantes et néanmoins juteuses. Les papilles sont désormais bien réveillées et complètement opérationnelles. »
« Pour terminer cette salve d’amuse-bouche, on nous apporte du bar accompagné de fraises vertes (le seul plat servi par un des chefs) et le délicieux riz fermenté surmonté de calamar et coiffé d’une chanterelle solitaire. »

Crème caramel au safran

« Ce plat remarquablement séduisant a des airs de chawanmushi, mais possède une douceur délicate, avec de superbes couteaux au goût de noisette savamment disposés tout autour. Un jus de betterave nappe la crème caramel ; un serveur se tient à portée de pipette pour libérer quelques gouttes d’huile de safran qui parachèvent le tableau. »


Suya et crémeux de petits pois / Turbot et miso d’égousi

« L’onctueux ris de veau au suya sera mon coup de cœur de la soirée. Une morille charnue et une combinaison d’ail noir et d’ail des ours parviennent à le sublimer. Vient ensuite le tour du turbot, le prince des mers, qui ne déçoit pas. Il est maturé, aussi sa chair est-elle ferme, mais il n’en fond pas moins en bouche. Une brioche miellée parfaitement cylindrique l’accompagne. Dans la salle, plus d’un convive dégaine son téléphone pour immortaliser l’œuvre. »
Turbot et miso d’égousi à Ikoyi  (© Justin De Souza/Ikoyi)
Turbot et miso d’égousi à Ikoyi (© Justin De Souza/Ikoyi)

Riz jollof fumé

« Nous voyons arriver le riz jollof comme on entend les premières mesures de sa chanson préférée lors d’un concert ; la cloche s’élève, des volutes de fumée s’en échappent. C’est le plat signature du restaurant qui est à sa carte depuis le premier jour. Il a beaucoup changé depuis. S’il y a bien une assiette qui montre combien cette cuisine a évolué, c’est elle. Elle est désormais servie avec une crème de homard qui lui fait franchir un nouveau cap. C’est assurément un des temps forts de la soirée. »


Abricot et pin salé / Sucre de fleur et piment rouge long

« Le riz annonce la fin des plats salés et sonne l’heure des desserts. D’abord, un petit baba et son abricot que quelques camerises rendent inoubliables. Baie à mi-chemin entre la framboise et le cassis, la camerise fera monter en flèche votre taux de vitamine C. Un second dessert en forme de champignon, que recouvre assez pertinemment une poudre de cèpes, met en scène un piment rouge allongé. Le résultat est très abouti et témoigne d’une belle maîtrise technique. Un espresso Finca La Pastoria du Guatemala flanqué de quelques mignardises au chocolat cubain et aux baies verveine clôture la soirée avec la manière. »
Dessert à l’abricot et au pin salé à Ikoyi (© Justin De Souza/Ikoyi)
Dessert à l’abricot et au pin salé à Ikoyi (© Justin De Souza/Ikoyi)

En conclusion

« Une des forces d’Ikoyi réside dans ce simple constat que le restaurant ne ressemble à aucun autre. La nourriture est hardie et éblouissante. Le menu imposé ne suit pas le cheminement traditionnel qui veut que les saveurs s’affirment au fur et à mesure ; Jeremy Chan n’a pas peur de varier les plaisirs, de contrarier les attentes et de repousser les limites. Après tout, ne dit-on pas que ne pas avancer, c’est reculer ? Ikoyi incarne cet esprit et ne s’en porte que mieux. »

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Image d’illustration : © Irina Boersma/Ikoyi

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