« Au départ, mon laitier n'était pas très content de mes idées, mais cela a changé entre-temps » raconte Verleyen avec un sourire. « Il travaillait d'abord avec des vaches Holstein. Elles sont très bonnes pour la quantité mais moins pour la qualité. Il a progressivement commencé à remarquer que cela ne répondait pas à mes attentes. On se parle beaucoup. C'est pourquoi nous sommes passés aux vaches montbéliardes et avons commencé à beaucoup travailler sur l'alimentation. Nous avons par exemple arrêté l'ensilage. »
Lorsque Verleyen reprit La Fromagerie du Samson en 2011, ses producteurs de lait étaient en difficulté. Il sentit que leur motivation n’y était plus. Selon lui, leur collaboration a ramené la passion et l'amour du métier. « Ils offrent désormais de la qualité, ce qui a ramené la motivation et la fierté. Je paie d’ailleurs plus que le prix du marché, un prix fixe tout au long de l'année. En échange, j'attends naturellement la qualité que je souhaite. Ce sont des vaches de la région, il ne sert à rien d'aller chercher du lait à Ostende. Ce que mange la vache affecte le goût du fromage. On goûte le terroir. »
La fromagerie est en croissance constante depuis neuf ans. Ses prédécesseurs fabriquaient déjà différents fromages, mais Verleyen a élargi la gamme avec diverses nouvelles créations. Aujourd'hui, il peut fabriquer jusqu'à quarante sortes de fromages, avec du lait de vache, de chèvre et de mouton. « Lorsque j'ai pris la relève, mon ambition était de pouvoir réaliser un plat fromager avec uniquement nos propres fromages. La vente de fromages propres au magasin est passée de vingt à soixante pour cent. Notre rayon est devenu beaucoup plus grand. »
« Je ne suis pas de la région et je me suis retrouvé ici par hasard. Prendre le relais était un petit risque. Je suis totalement autodidacte, sauf une petite formation de base. Mais c'est ce que j'ai toujours voulu faire et c'était une belle opportunité. Heureusement, nous n'avons pas eu trop de mauvaises surprises. »
“L'intérêt pour nos fromages se développe également à l'étranger. Même si les Français sont toujours plus difficiles (rires).”
Le Belge curieux
Les fromages créés par Vincent Verleyen sont très appréciés. Par exemple, lors du célèbre concours de fromages de Tours, plusieurs de ses créations ont été récompensées, comme son fromage à pâte molle en croûte de fleurs. Il a lui-même été proclamé Premier Fromager de Belgique en 2014. « Nous participons régulièrement à des compétitions. C'est une ambition. Pas forcément pour gagner, mais pour nous comparer aux autres. Cela nous aide à progresser. Obtenir un avis objectif sur nos fromages. Je veux toujours les améliorer. »
« La création est importante pour moi. Nous essayons régulièrement de nouvelles techniques, de nouvelles fermentations, affiner les fromages plus longtemps, etc. À ce niveau-là, les restaurants sont une source d'inspiration. Du fromage se fait aussi avec une recette, hein. Nous pouvons par exemple adopter certaines techniques. Nous travaillons actuellement sur deux beaux projets : un fromage de chèvre sur lequel je veux faire pousser des germes et un fromage qui sera composé de différentes textures. »
Selon lui, l'ouverture d'esprit avec laquelle Verleyen et les autres fromagers belges travaillent fait la grande différence avec nos voisins du sud et d'autres pays fromagers traditionnels. Ici, rien n'est imposé et tout est permis. Les limites sont là pour les pousser. Et ça se voit dans notre gamme de fromages. « Les Belges sont plus ouverts. Nous avons de nombreuses idées innovantes. Par le passé, nos fromages étaient irréguliers, parfois de qualité supérieure et parfois non. Je pense que c'était principalement un problème de technique. Il n'y a pas de formation fromagère en Belgique. Mais le niveau progresse, les gens sont plus professionnels et la technique s'améliore. »
« En France, ils ont leurs traditions et ils s'en tiennent à cela. Vous ne mangez pas du camembert au Pays Basque. Ils ont une histoire riche, mais peu de sens de l'innovation. La Belgique n'est pas à l'origine un pays fromager, ce qui rend le Belge plus curieux. L'intérêt pour nos fromages se développe également à l'étranger. Même si les Français sont toujours plus difficiles (rires). »
Déménager pour grandir
Des termes tels que bio et chaîne courte deviennent progressivement plus connus, mais lorsque Vincent Verleyen a commencé en 2011, ce n'était pas du tout le cas. Il traite ses fromages comme s'ils étaient ses enfants. Seuls les meilleurs ingrédients sont suffisamment bons, et si vous voulez les vendre, vous devez d'abord lui rendre visite. « Tout le monde, des chefs aux fromagers, doivent venir chercher les fromages chez moi. Cela vous donne la possibilité de voir à qui vous vendez. En cinq minutes, vous voyez qui vous avez devant vous. Cela leur donne également l'occasion de voir comment on travaille. Il est déjà arrivé que je refuse quelqu'un, oui. Il n'y a pas si longtemps, un chef qui était désagréable avec mon personnel. »
« Il est agréable de voir que le plateau de fromages retrouve sa place dans le restaurant et que les chefs cuisinent un peu plus avec des fromages. Par exemple, je me souviens d'un gratin avec notre tomme de fromage de brebis à L'Atelier de Bossimé. Si le chef Vanackere veut utiliser du fromage dans un plat, il demande des conseils sur ce qu'il devrait choisir le mieux. »
L'atelier de La Fromagerie du Samson est aujourd'hui situé à côté du magasin et est assez exigu pour les trois personnes qui fabriquent les fromages. Verleyen construit donc un nouveau bâtiment à un autre endroit, où il pourra développer davantage son entreprise et ses fromages. « Nous y aurons quatre caves de fabrication. Nous utilisons une méthode d’affinage des fromages innovante pour la Belgique. Nos caves voûtées seront enterrées et les niveaux de température et d'humidité seront contrôlés à l'aide d'un système de température du sol. Il y aura également un laboratoire pour les expériences. »
« Notre idée n'est pas de produire plus, mais de faire de meilleurs fromages. Je sais que nous pouvons faire encore mieux en matière d’affinage. Cela détermine environ trente pour cent de la qualité de votre fromage. Je pense qu'il est important de faire de mieux en mieux. Voilà pourquoi nous avons pris cette décision. »