Recettes et techniques 1 minute 03 juin 2020

Un plat, une histoire : la carpe à la Chambord, par Christophe Hay

Certaines assiettes suffisent à caractériser l’univers d’un chef. Dans "un plat, une histoire", nous interrogeons le créateur sur les origines de sa création. Aujourd'hui, la carpe à la Chambord du chef Christophe Hay (La Maison d’à côté, Montlivault).

"J’ai mis du temps à cuisiner ce poisson tellement différent des autres, avec lequel j’ai noué depuis gamin un véritable lien affectif. Comme pêcheur, j’ai toujours été troublé par la douceur de sa peau, notamment sur le ventre. Ensuite, pendant mes rares moments de temps libre comme chef, j’ai toujours choisi la pêche à la carpe (en no kill, évidemment) – c’est une pêche calme, paisible, immergée dans la nature, un véritable moment de ressourcement pour moi. J’avais donc du mal à manger ce poisson.

D’autant plus que nous avons tous mangé, ruraux ou citadins, des carpes farcies bourrées d’arrêtes au goût vaseux, loin d’être inoubliables… Mais avec Sylvain Arnoult, mon pêcheur, nous avions décidé de valoriser tous les poissons de Loire. Force est de constater que la carpe est bien présente maintenant, surtout depuis le classement de la Loire. En 2016, il m’a convaincu de travailler cette espèce, mais il nous a fallu 5 mois de réflexion pour identifier les arêtes et mettre au point une technique pour les enlever.

La carpe à la Chambord n’a jamais disparu des cartes des restaurants de la région Centre-Val-de-Loire. Il y a toujours eu des chefs pour la travailler, de Charles Barrier à Bernard Robin au Relais de Bracieux. Je me suis aperçu que ce plat emblématique du 18e s. fonctionnait déjà selon nos préceptes contemporains, en vigueur à la Maison d’à Côté… La carpe à la Chambord, mais aussi le saumon à la Chambord, incorporait et valorisait déjà dans sa farce tous les produits du terroir ligérien, comme la truffe, les champignons, le lard ou les écrevisses.

Le Val de Loire était l’une des plus grosses régions trufficoles de France avant qu’on arrache les chênes truffiers pour planter de la vigne. Les caves de la région produisaient également énormément de champignons. Il y avait des écrevisses dans les douves des châteaux. Quant au lard, il y en avait toujours un morceau pendu dans la cheminée.

J’ai repris tous les ingrédients de cette recette qui évolue en fonction de la saison. Ce plat témoigne aussi à sa manière de l’évolution positive de la biodiversité des poissons dans la Loire, grâce à la suppression des barrages qui ne profitaient qu’aux carnassiers. Postés en embuscade, les brochets dévoraient tout, et notamment les pauvres carpes… Ce plat incarne parfaitement ma démarche globale et durable."

Christophe Hay est le chef de la Maison d'à côté

Illustration : ©Julie Limont / La Maison d'à côté

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