Gastronomie durable 3 minutes 31 mai 2021

Pour une gastronomie plus durable : Alexandre Couillon

Pour accompagner les chefs dans leur démarche durable, le Guide MICHELIN a créé l'Étoile Verte. Aujourd'hui, nous donnons la parole à Alexandre Couillon, chef de La Marine, à Noirmoutier, qui a obtenu la distinction en 2021.

Comme à son habitude, Alexandre Couillon fourmille d’idées et poursuit sa quête d’une gastronomie écologique, de saison et locale, encore plus poussée que par le passé. Son positionnement "les produits d’ici sont faits pour être cuisinés ici" s’est encore accentué ces derniers temps : "Au restaurant gastronomique, je ne cuisine plus de viande ou de produits exotiques depuis longtemps mais je m’autorisais encore un peu d’approvisionnement en poissons en lien avec d’autres criées de la région. C’est fini, je ne travaille désormais qu’avec la criée de Noirmoutier et je continue à me servir selon les arrivages et à imaginer mes menus en fonction." Seuls les coquillages proviennent encore de La Baule ou de Bourgneuf mais à ses yeux, la distance reste minime. Ces confinements, la vente à emporter pensée pour écouler les produits de son jardin et pour aider ses producteurs mais pas pour gagner de l’argent, l’ont aussi amené à réfléchir sur notre époque. "J’ai été agréablement surpris de sentir le soutien de la population de l’île qui est venue en masse acheter des plats à emporter. J’ai ressenti chez ces clients un manque, une envie mais pour autant, il ne faut pas retomber dans nos travers d’avant."

L'Huître par Alexandre Couillon ©Stéphanie Biteau
L'Huître par Alexandre Couillon ©Stéphanie Biteau

Ce dont le chef se méfie, c’est que tout reparte vite, trop vite. Pour lui, il faut tirer les enseignements de cette crise et reprendre conscience de la valeur temps. Sa vie de famille, celle de ses collaborateurs a sérieusement changé avec l’arrêt de ses établissements, il faut donc sans doute imaginer une autre façon de travailler, plus respectueuse de l’humain, de ses attentes. Même chose pour les fournisseurs, les producteurs. Il faut penser le mot temps différemment : "Si la société repart comme avant, on va dans le mur. Tout le monde ne suivra pas car de nombreuses personnes aspirent à autre chose et j’en fais partie. Il faut impérativement ralentir sinon, il y aura de la casse." Déjà, il ressent une certaine agressivité dans la gestion des futures réservations compliquées à organiser, sans doute liée à l’impatience chez certains de s’attabler, mais il est convaincu qu’avec de la pédagogie et de la courtoisie, il se fera comprendre et que son expression "faire bien en prenant son temps et au rythme de la nature" sera entendue…

Le bord de Mer ©Laurent Dupont
Le bord de Mer ©Laurent Dupont

Avec le confinement, qu’avez-vous fait de tous les produits que votre jardin a donné ?
Dans un premier temps, on a mis tous les produits d’hiver en fermentation, en conservation ou en séchage puis nous avons proposé à La Table d’Elise une formule de menus à emporter au début du printemps le jeudi, le vendredi, le samedi et le dimanche, ce qui nous a permis de passer tous les légumes du jardin dans les différentes propositions. Ca n’était pas gagné compte tenu du nombre de produits qu’il y a dans le jardin mais à la surprise générale, nous avons, certains week-ends, réalisé plus de 150 menus à emporter ce qui nous a permis de travailler l’ensemble de la marchandise sans perte.

Alexandre Couillon par ©Laurent Dupont
Alexandre Couillon par ©Laurent Dupont

Vous avez également profité de ce confinement pour mener à bien d’autres projets. Quels sont-ils ?
Dans la maison qui jouxte La Marine, nous avons ouvert une boutique d'alimentation locale, parce qu’à L’Herbaudière, il n’y a plus qu’une boulangerie. L’idée n’est pas de créer une épicerie fine mais d’imaginer un lieu de vie où les producteurs qui travaillent avec moi puissent vendre en direct le fruit de leur travail. Ils œuvrent au quotidien pour défendre un patrimoine local. Les produits mis à la vente suivront les saisons. Il ne faut pas s’attendre à avoir dix confitures différentes ou quinze terrines de poissons ou de légumes car ce sera des produits de saison comme des jus de fruits, des vins, quelques conserves, des produits laitiers mais aussi sans doute des légumes de mon jardin si les deux restaurants n’arrivent pas à utiliser l’ensemble de la production. J’ai aussi profité de ce temps pour retravailler mon pain au levain avec mes équipes. J’avais déjà ce type de pain au restaurant mais avec plus de temps pour se poser et réfléchir sur les conseils du regretté Thierry Delabre, nous avons, je pense, trouvé, une composition qui correspond d’avantage à ce que j’avais imaginé.

Langoustines, petits pois et framboises ©Laurent Dupont
Langoustines, petits pois et framboises ©Laurent Dupont

Il n’y a pas si longtemps, vous aviez atteint le zéro stock et vous visiez le zéro déchet. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
On y est pour la partie restauration, mais il faut savoir taper du poing sur la table avec les fournisseurs car dans les déchets, il y a ceux que les restaurants génèrent et il y a ceux générés par les livraisons avec notamment les caisses et les plastiques. À la criée de Noirmoutier, je me bats pour que tous mes poissons soient déposés dans une seule caisse et pas une caisse par espèce. J’ai aussi négocié avec mon fournisseur de lait en lui expliquant que ce n’était plus possible de récupérer autant d’emballages qu’ils soient en cartons, en verre, en plastique. Donc, j’ai exigé qu’il travaille avec des contenants plus gros et de n’être livré qu’en une seule fois. C’est une gymnastique pour les équipes parce que la denrée est tout de suite plus périssable une fois ouverte mais c’est aussi une façon de prévoir en avance certaines préparations.

Alexandre Couillon est le chef de La Marine, deux étoiles à L'Herbaudière (Noirmoutier).


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