Gastronomie durable 2 minutes 23 décembre 2020

Pour une gastronomie durable : Christopher Coutanceau

En 2020, le Guide MICHELIN met en avant les chefs engagés dans une gastronomie durable. Aujourd'hui, nous donnons la parole à Christopher Coutanceau (La Rochelle), qui a décroché trois étoiles en 2020.

Défini comme un cuisinier-pêcheur, Christopher Coutanceau, engagé dans la préservation des ressources et la protection de la faune, est un fervent défenseur de la pêche durable, qui ne travaille que les poissons de ligne issus d’une pêche locale et de saison. L’homme au caractère bien trempé de marin est intarissable sur ses convictions qu’il défend d’un ton posé. Seulement, il peut aussi s’emporter face aux mauvais comportements de certains confrères, de pêcheurs ou du grand public : "La mer n’est pas un garde-manger dans lequel on se sert sans réfléchir. Il y a des quotas, des tailles, des saisons. Appliquons aux mers et aux océans, ce que l’on s’oblige à faire sur terre." Si ses engagements et ses convictions sont connus et relayés, Christopher Coutanceau ne s’arrête pas là et mène au quotidien avec ses équipes des actions pour que la gastronomie responsable ne soit pas pour lui uniquement cantonnée à la mer.

Christopher Coutanceau, cuisinier-pêcheur ©Philippe Vaures/Santamaria
Christopher Coutanceau, cuisinier-pêcheur ©Philippe Vaures/Santamaria

Parmi ses combats, la réduction drastique des plastiques et du polystyrène au profit de caisses lavables et réutilisables. En parallèle, outre l’achat d’un déshydrateur et le recyclage des huiles et des cartons, il se refuse à jeter les coquilles des coquillages et des crustacés depuis qu’il a trouvé une filière qui les récupère pour les transformer en ciment ou en sable : "Ce sont une fois encore, des centaines de kilos de déchets en moins dans nos poubelles et un bon geste pour l’environnement." Il en fait de même avec les bouchons qui trouvent une seconde vie par le biais d’une association vers laquelle il s’est tourné. Plus étonnant encore, sur l’île d’Aix, il s’est rapproché d’une tanneuse de peaux de poissons qui les transforme en objets de maroquinerie en soulignant que rien ne se jette, que tout ou presque se récupère. Christopher estime d’ailleurs qu’il ne serait pas illogique que son personnel soit doté de tabliers fabriqués localement à partir de peaux de poissons. Il y réfléchit en cuisine ou sur son bateau quand il part taquiner le tacaud ou la vieille : "Aussi nobles, même si je déteste ce terme, que les autres espèces quand on sait les valoriser".

Sardines de la Tête à la Queue et glace aux bouffis ©Philippe Vaures/Santamaria
Sardines de la Tête à la Queue et glace aux bouffis ©Philippe Vaures/Santamaria

Vous êtes un fervent défenseur de la pêche durable. Comment est né cet engagement ?
Quand j’étais petit, mes parents étaient très pris par leur restaurant et je passais donc pas mal de temps avec mon grand-père André. C’est lui qui m’a initié dès l’âge de 3 ans à la pêche. Mais outre cette initiation, il m’a surtout appris à respecter les éléments, comme remettre en place un rocher quand on l’a soulevé, la taille des poissons, les quotas, la saisonnalité. Ca m’a définitivement marqué et je continue aujourd’hui à prêcher ce qu’il m’a inculqué.

Turbot au beurre mousseux, carottes en écailles et pain d'épices, kumquats confits ©Philippe Vaures/Santamaria
Turbot au beurre mousseux, carottes en écailles et pain d'épices, kumquats confits ©Philippe Vaures/Santamaria

Est-ce que vous sentez avoir endossé le rôle de porte-parole de cette pêche durable auprès de vos confrères ?
Quand les causes sont justes, il faut parfois un porte-parole pour que la conviction soit portée et entendue. Avec l’association Bloom (qui dénonce notamment le système de pêche intensive), j’ai milité, fin 2017 et début 2018, auprès de mes confrères pour qu’ils signent la pétition contre la pêche électrique. En quelques semaines, 260 chefs de 21 pays l’avaient signée. En cela, je peux me considérer comme un porte-parole mais je milite aussi discrètement auprès de confrères pour les sensibiliser sur la saisonnalité, sur le fait qu’il n’y a pas d’un côté les poissons dits nobles et de l’autre les poissons de seconde zone. Mais surtout, je les encourage à ne pas céder aux demandes de la clientèle si elles vont à l’encontre de la saison.

La salle du restaurant, devant la mer ©Pierre Monetta
La salle du restaurant, devant la mer ©Pierre Monetta

Il y a un manque de connaissance, d’éducation ?
Avec le temps, les clients ont intégré qu’il y avait une saison pour les asperges, les tomates, les cerises, les fraises. Pour le poisson, c’est plus compliqué. Ils ont le sentiment que la mer est inépuisable, qu’il y a du bar ou du cabillaud toute l’année mais c’est totalement faux. Il existe des calendriers de consommation des poissons mais souvent chez les poissonniers comme chez certains confrères, il y a de tout et toute l’année. Dans ces conditions, c’est difficile de sensibiliser les clients. Il faut donc le faire dès le plus jeune âge à travers des actions de sensibilisation auprès des enfants. C’est eux qui porteront la bonne parole dans les foyers. C’est ce que j’espère en tous cas.

Christopher Coutanceau est le chef du restaurant Christopher Coutanceau, à La Rochelle.

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