Gastronomie durable 17 juin 2022

Hervé et Catherine Bourdon : de la gastronomie durable aux vins natures

La série vidéo Green Star In Action est dédiés aux chefs détenteurs de l’étoile verte MICHELIN, qui s’engagent pour une gastronomie plus durable. Dans cette épisode, nous rencontrons Hervé Bourdon, chef du restaurant 1 étoile MICHELIN Le Petit Hotel du Grand Large, et sa femme Catherine Bourdon – tous deux anciens publicitaires.

Au fil des années, par conviction écologique mais aussi par goût, Hervé Bourdon a fait évoluer sa cuisine vers une part végétale qui va grandissante et une part animale qui diminue. Depuis quelques années, il n’y a plus de viande. En revanche, poissons, coquillages et crustacés sont toujours du voyage. Pour combien de temps encore ? Le chef ne le sait pas mais il avoue que les légumes, les herbes, les fruits sont d’une sensualité incroyable : "Notre cuisine est de plus en plus brute, elle se place sur un territoire émotionnel qui fait travailler le cerveau des clients."

Le chef, sans filiation revendiquée, est convaincu qu’il y a une clientèle pour cette cuisine de goût. Selon lui, nous allons assister à un lent déclin de la gastronomie démonstrative, la technique va battre en retraite : "Attention, je ne dis pas que j’ai raison. Il y aura toujours des amateurs pour ce type de cuisine, et tant mieux, mais je pense qu’il y a une autre clientèle qui se profile, qui est en recherche de proximité avec la nature, le pêcheur, le producteur laitier, le cueilleur."

Pour Hervé Bourdon, les préoccupations environnementales des clients doivent être désormais visibles dans l’assiette. Des clients en demande de simplicité, de goût brut, d’émotion, qui ont envie de sentir le goût de la mer, de la terre sans qu’il ne soit enseveli sous des artifices techniques qui perturbent le cerveau. "La carotte doit avoir le goût de la carotte. Ca peut paraître une lapalissade mais quand on a été habitué à la manger, quelle que soit sa texture, avec du beurre, un jus de viande ou une épice, on a en tête et en bouche ce souvenir. Je cherche à transmettre la réalité du goût." Et c’est majoritairement le végétal qui offre ces possibilités.

Tortellini au sérac, tomates, maïs ©Anne Etorre
Tortellini au sérac, tomates, maïs ©Anne Etorre

Est-ce que la cuisine durable est ancrée en vous depuis votre arrivée ici en 2005, où est-ce un déclic plus tardif ?
Ce n’est pas réellement un déclic, plutôt une prise de conscience sur ce qu’est l’humain dans un paysage, un environnement. À un moment donné, on se rend compte qu’on fait partie d’un lieu et que l’on doit vivre avec et pas contre lui. Ce n’est pas une histoire de déclic mais plutôt d’immersion. On finit par faire corps avec ce qui nous entoure, en l’occurrence ici la terre et la mer. On doit vivre en symbiose avec eux et s’adapter à leur rythme. Et cette adaptation, on la retrouve dans l’assiette sans chercher à aller à l’encontre de ce que la nature nous offre à un temps T.

Déclinaison autour de la fraise ©Anne Etorre
Déclinaison autour de la fraise ©Anne Etorre

Planter des vignes ou des agrumes dans le Morbihan, c’est de l’immersion ?
C’est de l’immersion et de l’adaptation. Le réchauffement climatique est indéniable et même si nous sommes nombreux à mener des actions pour le ralentir, il faut s’adapter à ce nouveau paradigme. À 2h de route de Portivy, il y a les premières parcelles de Muscadet. Pourquoi la vigne ne se complairait pas ici ? En 2005, je n’aurais pas parié sur cette culture. Aujourd’hui, après avoir étudié les sols, le vent, l’ensoleillement – c’est l’immersion dans un environnement –, nous pouvons espérer que la vigne nous permette de produire du vin – c’est l’adaptation. Même chose pour les agrumes. On verra dans quelques années si nos idées portent leurs fruits.

©Anne-Etorre
©Anne-Etorre

Le jardin, qui s’agrandit d’année en année, c’est en revanche de l’adaptation ?
C’est aussi un peu d’immersion mais c’est avant tout une adaptation à une situation. Sur la presqu’île et même sur le continent, je n’ai pas trouvé un maraîcher capable de me fournir des légumes de qualité toute l’année et aucun professionnel n’est venu me voir pour me proposer ses services. Sans doute pense-t-il que je vais lui demander des choses particulières et qu’il ne saura pas y répondre. C’est donc par nécessité que nous avons un jardinier qui gère différentes parcelles.

Hervé Bourdon est le chef du Petit Hôtel du Grand Large, à Portivy (près de Quiberon).

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