Vins 3 minutes 26 octobre 2022

Un duo qui a de la bouteille : David Bizet et Florent Martin, rois du pairing

Le pairing (accord mets et vins) est aujourd'hui un incontournable. Au-delà de l’exercice de style, ce lien entre le verre et l’assiette met l’accent sur la relation chef/sommelier et fait office de colonne vertébrale gustative d’un restaurant. Nous avons rencontré le chef David Bizet et le sommelier Florent Martin dans le nid de lumière du restaurant doublement étoilé, l’Oiseau Blanc.

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Les deux font la paire

La première rencontre se déroule en 2009. Après avoir débuté en Corse, d’où il est originaire, puis être passé par Londres et Monaco, le sommelier pose ses valises au George V où David Bizet officie en tant que sous-chef. Le courant passe immédiatement entre Florent et « l’un des rares cuisiniers avec qui je pouvais vraiment échanger et qui est devenu un partenaire de dégustations à l’aveugle ».
Pour celui qui aime « une cuisine lisible et sensible dans laquelle on respecte le goût des choses » la passion des vins se révèle dès l’école hôtelière. « Je me rappelle encore mon premier cours sur les vins d’Alsace, qui a été une révélation ! Dès ce moment j’ai su que ça serait une partie importante de mon métier, parce que la culture du vin est profondément liée à la cuisine » se remémore le chef.

Le vin tient aujourd’hui une place importante dans l’expérience de table des clients de L'Oiseau Blanc mais aussi dans le processus créatif du chef. Si, bien sûr, la plupart des plats sortent d’abord de l’imagination du chef avant de venir se frotter à l’expertise viticole de Florent, certains vont évoluer face aux propositions du sommelier. « A travers la cuisine on a des moyens de contrebalancer certaines saveurs. Par exemple, si j’ai un vin trop alcooleux le chef va compenser avec de l’acidité et de l’amertume et si j’ai un vin trop acide on va ramener de la suavité. Par exemple, le chef a décidé un jour d’ajouter un satellite (un tartare d'huîtres) sur un plat de viande pour venir faire ressortir la fraîcheur du Château Palmer 2008 qu’on voulait servir avec. »

David Bizet et Florent Martin
David Bizet et Florent Martin

J’irai trinquer chez vous

Depuis un an, le duo part régulièrement en expédition chez ses vignerons pour aller déguster différents nectars. « Pour nous, ces voyages sont indispensables à notre métier, c’est le meilleur moyen de comprendre le vin à travers la personnalité de son producteur et de découvrir ce que lui mange avec ses différentes cuvées » confie le chef. Mais ces expéditions sont aussi l’occasion pour l'homme à la veste aux deux étoiles d’élaborer un menu intégralement pensé à travers les vins dégustés, dans lequel les plats s’adaptent aux cuvées sélectionnées, Les Envolées Gourmandes. « On avait envie de créer quelque chose d’unique et d’original pour que la sommellerie puisse s’exprimer. Et c’est vrai que c’est totalement novateur de faire les choses dans ce sens-là ». « Pour faire ce travail on utilise notre mémoire gourmande, on range les goûts dans des cases et quand on goûte un vin on se demande avec quel plat on pourrait faire un accord. C’est un jeu pour nous ! ». Un enthousiasme illustré par deux plats dont le chef et le sommelier évoquent la genèse avec excitation.

« Prenons l’exemple du ris de veau, on avait rendu visite à Olivier Collin dans le sud de la Champagne. Il a raconté toute son histoire au chef et lui a fait goûter ses produits, notamment la cuvée Les Maillons qui a donné envie au chef de créer ce plat. » contextualise Florent avant que le chef détaille sa réflexion. « C’est un vin qui a beaucoup de texture, chose qu’on va retrouver avec la mâche du ris de veau. Ensuite pour respecter la finesse du vin, on a intégré l’aspect iodé dans le plat avec de l’anchois, et ajouté un peu d’oseille pour rappeler la tonalité végétale des arômes du champagne ».

Si, dans la cuisine de David Bizet, le vin n’a rien d’un accessoire, déguster du vin « hors sol » depuis le 6eme étage du Peninsula, est très loin de constituer une fin en soi. « Au-delà de la cuisine, il y aussi un aspect humain qu’on ne peut avoir que par la rencontre. C’est touchant de sentir des gens qui produisent du vin avec autant d’envie que nous on en met dans notre cuisine ». Et c’est peut-être finalement ça la leçon. La cuisine est une question de synergie. Celle entre les ingrédients qui composent une recette. Celle entre l’assiette et le verre qui l’accompagne mais surtout celle qui se fait entre le chef et son équipe, notamment son sommelier.

Le chef évoque ensuite le deuxième plat qui sort des cuisines pour venir rejoindre la table où nous nous entretenons. « Le rouget était déjà à la carte mais on l’a fait évoluer pour qu’il se marie avec la cuvée que l’on a sélectionnée chez Pierre Gauthier, en Bourgueil. On a par exemple des éléments comme la poutargue ou la betterave qui vont venir respectivement distiller de l’amertume et un aspect fruité végétal qui font écho au cabernet ».

La sélection de David et Florent :

Thibaud Boudignon, Anjou Blanc, cuvée « A Françoise ». « Un gros coup de coeur, un chenin de l’Anjou accessible, aussi savoureux qu’étincelant avec une belle finesse ».

Matthieu Barret, Cornas, cuvée « Billes Noires ». « Un super vigneron sur le plan humain, qui produit un vin pulpeux et gourmand, très marqué sur le fruit qui reflète bien le style à part du personnage ».

Comando G, cuvée « La Bruja de Rozas ». « Un domaine familial de la région de Madrid qui ne travaille que sur des grenaches avec des vieilles vignes plantées en légère altitude (600m). Leurs vins sont vraiment délicats et subtils ».

Toutes les photos de cet article sont signées : Florian Domergue.

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